En créant leurs emballages cadeaux réutilisables, Gabrielle Huppé et Maude Girard souhaitaient lutter contre le gaspillage de papier durant le temps des Fêtes. Portrait de Next Chance, une entreprise d’économie circulaire qui veut réduire les déchets, un bout de tissu à la fois.
Chez Maude et Gabrielle, après chaque Noël, c’était la même rengaine : on déposait sur le trottoir deux gros sacs poubelle remplis de choux et de papier d’emballage. Il y a deux ans, le couple a décidé de se lancer en affaires en proposant des emballages réutilisables en tissu afin de contribuer à diminuer les déchets générés pendant le temps des Fêtes.
Mais pas question d’utiliser du tissu neuf. « Régler la problématique de l’emballage jetable pour en créer une autre – parce que l’industrie textile est extrêmement polluante –, ça n’avait pas de sens pour nous », explique Maude Girard.
L’atelier du couple, à Longueuil, regorge d’ailleurs de tissus récupérés auprès de designers, de manufacturiers et de chaînes de magasins à grande surface. Ces matières proviennent entre autres de fins de rouleaux ou encore d’erreurs de commande ou de production. Pour elles, chaque textile a une histoire. « Un des tissus était destiné à produire des pantalons en velours côtelé. Mais comme il n’était pas assez résistant, il n’a pas pu être utilisé dans l’industrie du vêtement », raconte Maude Girard. D’ailleurs, chaque année au Québec, environ 30 000 tonnes de résidus textiles sont envoyées à l’enfouissement, sans s’être rendu jusqu’au consommateur, selon un rapport du collectif MUTREC publié en 2020.
Ainsi est née une gamme complète d’emballages cadeaux, inspirée d’une technique traditionnelle japonaise : le furoshiki. Au pays du soleil levant, les gens transportent tout et n’importe quoi dans des bouts de tissu savamment noués et pliés, explique Gabrielle Huppé. Au Canada et aux États-Unis, le procédé se limite plutôt à l’emballage de cadeaux. « Mais c’est certain qu’on n’encourage pas à la surconsommation non plus dans l’achat d’emballages réutilisables », précise Maude Girard. Elle conseille d’ailleurs aux clients de terminer d’abord le papier qu’ils possèdent à la maison.
Une entreprise à l’image de leurs valeurs
Le couple a célébré le deuxième anniversaire de son entreprise le 30 octobre dernier dans de nouveaux locaux. Il a aussi élargi son offre en proposant des décorations et des articles du temps des Fêtes faits à partir des mêmes tissus. Ainsi, on trouve maintenant sur le site Web de Next Chance un calendrier de l’avent en plus de serviettes et de chemins de table. « Tout ce qui est l’art de la table, mais avec un textile rescapé », explique Gabrielle Huppé.
Les deux femmes d’affaires ont pris la décision d’étendre leur gamme de produits surtout afin de maximiser la revalorisation de leur stock de tissu de façon esthétique, ce qui reste leur principal défi. « On n’achète pas un tissu dont on a choisi nous-mêmes la couleur en se disant que ça va faire un bel emballage. Des fois, on a un tissu orange avec des éléphants roses, un autre brun, un vert… », illustre Maude.
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De l’aveu de Gabrielle Huppé, Next Chance n’aurait jamais vu le jour si les deux femmes n’avaient pas uni leurs forces. « Maude est littéralement mon complément, dit-elle. J’ai souvent des idées très globales. Et chaque fois que j’en parle avec Maude, elle me dit concrètement comment on peut les réaliser. » « On a la même vision, les mêmes valeurs, ajoute sa conjointe, avec des personnalités et des compétences complètement différentes. »
Dans la vie quotidienne, la réduction des déchets et la préservation de la planète sont aussi au centre de leurs préoccupations. Le couple vit en bigénération avec les parents de Gabrielle Huppé, fait du covoiturage et pratique l’économie de partage. « Les outils, on ne les a pas en double! » s’exclame Gabrielle en riant. Les deux femmes comptent même utiliser le plus possible des matériaux usagés pour la rénovation prochaine de leur cuisine et cultivent leur propre potager biologique. Au travail, elles ont réussi l’exploit de ne produire qu’un seul sac poubelle en six mois!
Maude Girard ne le cache pas, c’est sa conjointe qui lui a fait prendre conscience des enjeux environnementaux. « C’était ardu pour moi d’incorporer de nouvelles habitudes qui changeaient complètement mon quotidien », se souvient-elle. C’est donc en douceur qu’elle espère encourager sa clientèle à poser des gestes bons pour le climat. « En présentant des alternatives qui sont faciles à intégrer, ça permet aux gens qui trouvent ça un peu plus difficile de faire cette conversion-là. »
La question qui tue
Mais qui garde le tissu qui emballe le cadeau donné? « C’est la question qu’on se fait toujours poser », confirme Gabrielle Huppé en riant.
Un sondage informel mené par Next Chance auprès de ses clients conclut que 80 % des gens qui offrent un présent de la sorte reprennent leur emballage. « Ceux qui reçoivent le cadeau voient souvent la qualité du tissu et vont le replier pour le rendre à la personne. Donc, c’est rare que ça crée un malaise, contrairement à ce que les gens imaginent », relate Maude Girard.