Opter pour des vêtements fabriqués localement n’est pas à la portée de toutes les bourses. Surtout quand vient le temps d’habiller les enfants, qui changent de taille si souvent. Pour diminuer l’empreinte carbone de la garde-robe familiale, notre journaliste, maman d’une fillette de deux ans, a testé la location de vêtements.
Ça sonne à la porte : une livraison! Et pour une fois, ce n’est ni Amazon, ni mon panier de fruits et légumes locaux (on a tous nos paradoxes😉), mais la garde-robe printemps-été de ma fille. Louée pour un mois au coût de 30 $ à la boutique en ligne québécoise Minilou, elle se compose de sept morceaux, soit deux cache-couches, trois chandails à manches courtes et deux pantalons.
Alors qu’on utilise les vêtements pour bébés seulement quelques mois (parfois quelques semaines), comment limiter leur impact sur le climat? Si à la naissance on croule sous les dons et cadeaux de vêtements pouvant habiller toute une pouponnière entre 0 et 12 mois, ça se complique à 18 et à 24 mois. La problématique : conjuguer valeurs climatiques, consommation locale et budget.
Découragée par les lots tachés et usés vendus sur Marketplace et Kijiji, et les réputés échanges de propos incongrus qu’on peut y lire, j’ai essayé la location de vêtements pour enfants sans conviction, craignant de perdre des morceaux dans les panières de linge ou de me compliquer la vie avec les envois postaux.
Vêtements d’occasion en location
L’entreprise Minilou, située à Repentigny, propose plusieurs options de location de vêtements usagés pour enfants : la location d’une pièce à l’unité pour 5 $ par mois, la location mensuelle de 7, 14 ou 21 morceaux, allant de 30 $ à 75 $ par mois, la location d’un manteau ou d’une tenue pour un événement spécial à 10 $ par mois. Les vêtements sont livrés ou envoyés par la poste (frais inclus à 30 $ et plus d’achat). Pour le retour, une étiquette préaffranchie se trouve à l’intérieur du colis.
Tracey Langlois, cofondatrice de l’entreprise, a eu l’idée de lancer ce service en juillet 2020, alors qu’elle cherchait une tenue spéciale pour le premier anniversaire de sa fille. D’un côté, en cette période de pandémie, elle ne voyait pas sa commande arriver, et de l’autre, elle croulait sous tous les vêtements qu’on lui avait offerts à la naissance de sa fille, pour certains peu, voire pas portés. « Je me suis dit qu’il y avait sûrement quelque chose que je pouvais faire avec tout ça. » C’est ainsi que Minilou est née en octobre dernier. Depuis, une centaine de parents ont tenté l’expérience.
« L’avantage de la location, c’est de pouvoir cibler la recherche d’un item, d’une grandeur, d’une couleur, et d’être sûr de la qualité du vêtement que l’on reçoit. On garantit que tous nos vêtements sont inspectés, qu’ils n’ont pas de taches ni de défauts », explique Tracey.
La plupart des vêtements loués proviennent de dons faits à la boutique, mais il est aussi possible de louer ou d’acheter quelques articles neufs de créateurs québécois. Pour Tracey, c’est une façon de donner une vitrine à la mode locale et, pour les entreprises, de promouvoir une nouvelle manière de consommer.
« La location permet de rendre accessibles des vêtements plus dispendieux à moindre coût », insiste Tracey, et pour les créateurs, « c’est une façon de réduire le gaspillage ». L’entrepreneure va encore plus loin : même les pyjamas et les cache-couches de retour en mauvais état connaissent une seconde vie et sont recyclés en cubes d’éveil ou balles de préhension, et sont ainsi détournés de l’enfouissement.
Le verdict
Les points positifs
- La location de vêtements d’occasion a été l’occasion d’initier ma fille à des valeurs de consommation plus responsable;
- C’est une façon de se faire plaisir en variant sa garde-robe sans encombrer sa commode;
- Finalement, le processus de réception et d’envoi n’est pas si compliqué;
- J’ai gagné beaucoup de temps en évitant la recherche et ensuite la revente d’articles sur les sites de petites annonces.
Les bémols
- Le manque de choix actuellement sur le site de Minilou. Celui-ci est dû à la rapide croissance de l’entreprise et au manque de temps pour répertorier la totalité du stock, selon la cofondatrice;
- Malgré l’assurance taches et retouches comprise dans le montant de la location, la peur d’abîmer les vêtements ou de les perdre dans une panière de linge avant la date du renvoi, a été un frein à leur pleine utilisation. Une question d’habitude à prendre?
Un marché qui peine à percer
Les entreprises qui proposent la location de vêtements sont rares dans la province, et certaines ont même dû suspendre ce service dans les derniers mois en raison d’une baisse de la demande pendant la pandémie.
« Il y a un travail d’éducation à faire, autant au niveau des entreprises que des consommateurs, car c’est une nouvelle façon de consommer », indique Tracey Langlois, qui s’adapte aux parents réticents en offrant aussi un service de troc de vêtements. En effet, comme moi, plusieurs parents ont peur de tacher, trouer ou perdre les vêtements loués, malgré l’assurance.
La directrice de l’École supérieure de mode de l’UQAM, Marie-Ève Faust, elle, pointe « notre culture de la possession » pour expliquer la réticence à la location de vêtements. « Ce n’est pas dans nos valeurs », t-elle. Mais la jeunesse pourrait contribuer à inverser la tendance, elle qui est ouverte à « une culture de l’échange » selon elle.
C’est ce qu’observe Katherine Rousseau, à la tête de l’entreprise Livia Maternité, qui offre des vêtements de grossesse en location. Le modèle fonctionne bien pour ces tenues éphémères, surtout dans le marché qui est restreint depuis la fermeture des magasins Thyme Maternité, mais ce n’est pas une habitude de consommation très répandue chez les 28-35 ans. « Ce sera plus développé dans la prochaine génération de femmes enceintes », remarque-t-elle dans sa clientèle.
De son côté, Ève Eilles, qui a codirigé pendant un an le service de location de vêtements pour bébés Évéa avant d’interrompre ses activités pour des raisons personnelles, croit encore en cette autre option de consommation. Néanmoins, elle pense qu’elle intéresse surtout les familles urbaines, car en ville, elles « ont moins d’espace pour stocker le linge des enfants. C’est difficile de s’ancrer en région », a-t-elle observé.
Pour la jeune femme, le modèle de la location ne pourra pas prendre son essor au Québec tant qu’il ne sera pas possible pour les entrepreneurs et entrepreneuses « d’amortir les frais de livraison, trop difficiles à négocier avec les transporteurs ». Elle considère ce coût comme un frein à la viabilité de ce modèle économique.
Une autre option slow fashion
Vous n’êtes pas encore prête ou prêt à vous lancer dans la location de vêtements? L’entreprise Mini-Cycle propose aux parents un concept d’économie circulaire : elle achète des vêtements usagés qu’elle vend ensuite et s’engage à les récupérer dès qu’ils sont trop petits pour les revendre ou recycler les pièces trop abîmées en en faisant par exemple des toutous. « Cela garantit la longévité des pièces et permet de garder les pièces de seconde main en Amérique du Nord », explique la fondatrice de l’entreprise, Jad Robitaille.