Karim et Ulrich en pleine opération de sauvetage du grille-pain d’Ulrich. ©Anaïs Fleury
Retombées positives générales
Fours, machines à café, grille-pains ou encore chemises défilent au Repair Café de Montréal. Leur particularité? Brisés, ils attendent de se faire réparer par les bénévoles de ce lieu où on insuffle une deuxième vie aux objets, tout en facilitant le partage de connaissances.
Au 6450, avenue Christophe-Colomb à Montréal, un jour par mois, un lieu singulier prend vie : les réparateurs et réparatrices bénévoles du Repair Café accueillent les propriétaires d’objets brisés. « Au début, ce n’était pas si facile, il n’y avait pas tant de monde qui venait, mais le bouche-à-oreille a fait son œuvre. Aujourd’hui, nous avons toujours au moins 40 voire 50 personnes, ce qui est quand même beaucoup en une seule matinée », explique Gilles Parent, l’organisateur du Repair Café.
Lorsque je suis arrivée ce samedi matin-là, une trentaine de personnes faisaient la file. « On est devenus tellement populaires! » poursuit Gilles avec fierté. L’attente dépasse souvent une heure, mais les gens sociabilisent en attendant leur tour.
À l’accueil, Isabelle Montpetit, bénévole également, fait remplir aux personnes qui arrivent une fiche de suivi sur laquelle sont indiquées diverses informations pratiques, dont la nature de la panne et les éléments de l’objet à réparer. Il revient ensuite à Gilles de répartir ces personnes auprès des bénévoles, en fonction de leur expertise et du type de panne.
Originaire d’Amsterdam, le concept du Repair Café s’est exporté dans différents pays comme l’Inde et le Japon. Au Québec, les villes de Longueuil, de Pierrefonds et de Sherbrooke ont également mis en place leur propre atelier. « Le cap des 3 000 Repair Café dans le monde vient d’être franchi ! » nous annonce Gilles. Si, à l’échelle québécoise, il n’existe pas encore de mise en réseau, ce n’est qu’une question de temps, estime encore l’organisateur de l’événement. À Montréal, le réseau du Repair Café compte une quinzaine de bénévoles au total.
Lire aussi : Tisser un monde plus durable
Choisir son produit pour qu’il soit réparable
Gilles constate que trop d’objets produits n’ont pas été écoconçus et ne sont pas réparables, ou alors difficilement. Les fabricants ne se souciant pas de leur éventuel démontage, parfois pour des raisons de sécurité, mais encore trop souvent par stratégie d’obsolescence. Agir en amont de la chaîne de production, dès la conception de l’objet, permet d’éviter le gaspillage de nombreuses ressources, résume Gilles.
En tant que consommateur ou consommatrice, à quoi faut-il prêter attention lorsque l’on veut un objet réparable et durable? C’est ce que nous avons demandé aux bénévoles du Repair Café.
Pour Karim, il faut prêter attention aux produits contenant de l’électronique. Moins il y a d’électronique, plus il sera facile de réparer l’objet. Sans compter que le Repair Café n’a pas toujours en stock des pièces électroniques, précise-t-il.
Pour Alain, penché sur une machine à café qu’il tente de réparer depuis 2 h 30, tout se joue dans le catalogue de pièces offertes. « S’il existe des pièces de rechange pour le modèle que vous convoitez, c’est bon signe », explique-t-il. Alain fait néanmoins le constat suivant : la majorité des machines ne sont pas faites pour être démontées. Contrairement à sa propre machine à café, qu’il a depuis 22 ans, « un modèle facilement démontable et avec des pièces toujours offertes ! »
La loi à la rescousse?
Depuis octobre 2023, la loi protégeant les consommateurs et consommatrices contre l’obsolescence programmée et favorisant la durabilité, la réparabilité et l’entretien des biens a été adoptée. En faveur d’un « droit de réparer », la loi accorde une garantie légale de leur « bon état de fonctionner » à certains produits neufs. Elle interdit également l’obsolescence programmée. À noter que, selon des chiffres d’Équiterre, en 2022, 25 % de la population québécoise faisait réparer ses appareils électroménagers et électroniques. Pour en savoir plus, vous pouvez lire notre article consacré au droit à la réparation.
Tous les objets ne sont donc pas réparables : selon l’appareil, le taux de succès des réparations varie entre 50 % et 80 %, évalue Isabelle. Par ailleurs, une étude menée par Équiterre, dont les résultats ont été publiés en 2022, révélait que les cinq appareils domestiques ayant connu le plus de bris au cours des deux années précédentes étaient, dans l’ordre : l’aspirateur, le téléphone intelligent, la cafetière/machine à espresso, le grille-pain et le micro-ondes.
Les réparateurs bénévoles se font une joie de faire plaisir aux gens et, en même temps, ils relèvent un défi en réparant un objet, comme s’ils déjouaient le système.
Penchons-nous sur la réparation d’un… grille-pain
Le Repair Café en voit passer régulièrement, car c’est un petit électro qui se brise souvent et qui n’est pas si facile à réparer, selon Gilles Parent. Les réparations les plus faciles peuvent prendre seulement 15 minutes, mais il arrive souvent que les bénévoles y passent plusieurs heures.
Justement, Ulrich est arrivé ce samedi avec son grille-pain, vieux de huit ans et qui ne fonctionne plus. Karim est le bénévole qui aidera Ulrich. Le constat est le suivant : le fil chauffant s’est brisé, empêchant le grille-pain de fonctionner pleinement.
« Je vais essayer de rallonger le fil pour rattacher le bout avec un nœud. Je vais couper la plaque ici, une idée de monsieur, dit Karim en désignant Ulrich. Et on va voir si l’opération va fonctionner! » Karim ne s’identifie pas comme expert en grille-pain, mais estime qu’il a acquis une certaine expérience et remercie Ulrich pour l’apport du jour. « L’objectif, c’est aussi de collaborer », reconnaît Karim. Ulrich renchérit en riant : « Je pense que nous avons tous envie de découvrir l’intérieur d’un toaster! »
Gilles Parent estime que « les réparateurs bénévoles se font une joie de faire plaisir aux gens et, en même temps, ils relèvent un défi en réparant un objet, comme s’ils déjouaient le système. » Nul besoin d’avoir une expertise pour se joindre à l’équipe de bénévoles : les connaissances se partagent et s’accumulent.
C’est l’heure du test pour le grille-pain d’Ulrich : le fil chauffe-t-il à nouveau? Bonne nouvelle, le côté du grille-pain sur lequel se sont penchés Ulrich et Karim est réparé et fonctionne comme au premier jour! Les compères n’échapperont pas au rituel final du Repair Café : se faire prendre en photo avec le panneau « Réparé », sourire aux lèvres.
