Au-delà des sols asphaltés de la ville, les microforêts offrent une nouvelle approche pour lutter contre les changements climatiques et repenser nos espaces verts. Reportage à Châteauguay, en Montérégie.
« On a vraiment été impressionné par le succès de la première microforêt. Après seulement un an, la hauteur des arbres avait au minimum doublé. On a ainsi accepté d’en créer une deuxième », se réjouit encore Dominic Gendron, directeur à la protection et à l’aménagement du territoire à Héritage Saint-Bernard, à Châteauguay.
Cet organisme à but non lucratif gère le refuge faunique Marguerite-D’Youville, situé sur l’île Saint-Bernard. Depuis plusieurs années, un enjeu forestier s’est imposé sur le territoire : l’agrile du frêne a eu raison de centaines d’arbres au fil des ans.
« On a aussi un problème de broutage avec les cerfs de Virginie, qui mangent les repousses naturelles des arbres. Ce projet de microforêts nous permettait donc de planter beaucoup d’arbres à l’intérieur de zones clôturées », explique-t-il.
Érable à sucre, chêne bicolore, caryer cordiforme, etc. Un peu plus de 1000 arbres et arbustes indigènes ont d’abord été plantés à l’été 2021. Un espace d’environ 350 m2 est dorénavant consacré à leur déploiement. La deuxième microforêt se concentre plutôt sur une superficie de quelque 100 m2 accueillant plus de 200 arbres.
Recréer des forêts naturelles
Ces microforêts ont été conçues grâce à la méthode Miyawaki, qui consiste à recréer un espace semblable à celui d’une forêt naturelle. Pour ce faire, « l’idée est de planter des arbres très densément et de bloquer la lumière, comme dans une forêt. On crée une dynamique différente au sol, avec une dégradation de la litière et un recyclage des éléments nutritifs. Éventuellement, on aura un étagement de la végétation. Ainsi, que les arbres meurent, c’est une bonne chose! La mortalité fait même partie du cycle de vie d’une forêt. Il y a plein d’insectes et d’animaux qui sont associés aux arbres morts. Bref, les arbres morts, c’est plein de vie! » soutient Alain Paquette, professeur au Département des sciences biologiques de l’Université du Québec à Montréal (UQAM).
Parmi leurs atouts, les microforêts favorisent la rétention des eaux, la biodiversité (insectes, champignons, bactéries, etc.), le contrôle de plantes exotiques envahissantes et la diminution des îlots de chaleur. Bref, elles présentent de nombreux bienfaits non seulement pour l’environnement, mais aussi pour la population.
D’ailleurs, après la mise en place de ces espaces verts sur l’île Saint-Bernard, la Ville de Châteauguay a accueilli deux autres microforêts sur son territoire. À la fin de l’année 2023, une parcelle de terre a d’abord fait place à près de 1700 arbres puis une autre, à 350 petits plants, le tout au sein de quartiers résidentiels.
Il faut s’activer pour ne pas juste couper des arbres au nom de l’économie. Il va falloir en planter pour contrer les îlots de chaleur. Les microforêts, ce n’est pas la solution, mais c’est un outil supplémentaire.
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Un outil environnemental
La plantation de microforêts à Châteauguay a été réalisée grâce à l’entreprise Services d’arbres Primeau, un important partenaire dans cette aventure. Son fondateur, Guy Primeau, et son chargé de projet, Vincent Lamothe, ont eu l’idée d’une telle initiative.
Ces deux entrepreneurs se sont tournés vers Héritage Saint-Bernard afin de mettre en place la première microforêt. « On collabore avec les gens de Service d’arbres Primeau depuis très longtemps, raconte Dominic Gendron. Ils s’occupent notamment de l’entretien des arbres, que ce soit dans nos milieux protégés ou à l’entrée de l’île, sur la partie appartenant à la Ville. Alors, quand ils nous ont approchés avec leur projet, la porte était ouverte. »
« Au départ, on avait le souci d’accomplir un geste environnemental, se remémore Vincent Lamothe. C’était dans l’air du temps de contribuer à Carbone boréal ou à Arbre-Évolution, par exemple. Toutefois, puisqu’on est une compagnie d’arboriculture, on s’est dit qu’on allait agir par nous-mêmes. Ainsi, on a pensé à une manière originale de le faire : les microforêts Miyawaki. Comparativement aux plantations conventionnelles, ce projet nous parlait beaucoup! »
Guy Primeau ajoute qu’il désirait laisser un héritage aux générations futures. « Il faut s’activer pour ne pas juste couper des arbres au nom de l’économie. Il va falloir en planter pour contrer les îlots de chaleur. Les microforêts, ce n’est pas la solution, mais c’est un outil supplémentaire », fait-il valoir.
S’améliorer… et laisser faire la nature
Que ce soit par la Ville ou par Héritage Saint-Bernard, les microforêts sont entretenues durant les trois premières années de leur vie. Cela permet de contrôler l’arrosage et le désherbage des écosystèmes, qui deviendront autonomes par la suite.
À Châteauguay, on songe à un autre projet pour renaturaliser certains espaces inoccupés. Tandis que la Ville prévoit d’assurer le fauchage des terrains vagues, car elle considère que les branches, broussailles et mauvaises herbes représentent une nuisance, quelques endroits publics pourraient être épargnés par cette réglementation.
L’opération devrait prendre la forme d’un projet pilote. « On veut essayer de gérer nos espaces fauchés d’une manière différente. Est-ce qu’on pourrait laisser les végétaux pousser librement dans certaines zones? Est-ce qu’on pourrait créer une mosaïque dans un espace vert? Bref, le but serait entre autres de créer des habitats pour les oiseaux et les insectes pollinisateurs, de favoriser la biodiversité et de diminuer nos îlots de chaleur. Mais, il faut que ces zones soient désignées et incluses dans le règlement. Tout cela est donc actuellement en discussion », déclare Marilyne Robidoux, conseillère en environnement à la Ville de Châteauguay.
D’ailleurs, même si les microforêts des quartiers résidentiels ont été sélectionnées par la Ville (selon la disponibilité de terrains publics sans canalisations souterraines), la conseillère souhaite une certaine uniformité dans les projets environnementaux sur le territoire.
Quant au biologiste Alain Paquette, lorsqu’on lui parle de tonte de végétaux, il dit entendre une petite voix d’expert en écologie urbaine qui lui rappelle que : « Très souvent, ce qu’on peut faire de mieux pour l’environnement, c’est de ne rien faire. »