Depuis quelques années, les villes et les médias nous parlent de canopée et d’indice de canopée des forêts urbaines. Que ceux qui maîtrisent ces concepts lèvent la main… Pour les autres, on vous explique tout ci-dessous!
1. Canopée et indice de canopée, de quoi on parle au juste?
La canopée est la partie supérieure d’une forêt, c’est le couvert forestier formé par les cimes des arbres les plus hauts.
Quant à l’indice de canopée, « c’est le rapport entre la projection au sol du couvert forestier [son ombre] et la superficie totale d’un territoire », indique Mathieu Varin, directeur de la recherche en télédétection forestière au Centre d’enseignement et de recherche en foresterie (CERFO). Plus l’indice est élevé, plus le territoire est couvert d’arbres et d’arbustes de plus de 2 m (ou plus selon la méthodologie privilégiée), qu’ils se trouvent sur le domaine public, comme le bord des rues, les parcs et les boisés, ou sur des terrains privés.
2. L’indice de canopée, à quoi ça sert?
Les villes reconnaissent de plus en plus l’importance de leur forêt urbaine, parce que les arbres améliorent la santé physique et psychologique des citoyens, embellissent les quartiers et augmentent la valeur foncière des propriétés, notamment. L’indice de canopée leur permet de suivre l’état de leur forêt urbaine et de mieux planifier les plantations d’arbres. « Si la ville se donne seulement des objectifs de plantation, elle ne voit pas si elle a vraiment une forêt urbaine qui grandit comme elle voudrait. L’indice lui permet d’avoir une meilleure vision de l’évolution de sa forêt urbaine », soutient Élise Gagnon-Lalonde, chargée de projet au Groupe de recommandations et d’actions pour un meilleur environnement (GRAME). En août dernier, elle a déposé un mémoire dans le cadre de sa maîtrise en environnement sur les stratégies pour augmenter l’indice de canopée à Montréal d’ici 2030.
3. Pourquoi augmenter l’indice de canopée est important dans un contexte d’adaptation aux changements climatiques?
Les arbres jouent plusieurs rôles très importants dans l’atténuation des changements climatiques et dans notre adaptation à ceux-ci, expliquent nos intervenants. Ils permettent entre autres de diminuer les îlots de chaleur durant l’été en rafraîchissant l’air, de diminuer la pollution de l’air, d’atténuer les phénomènes météo comme le vent, de mieux gérer les eaux de pluie, puis d’améliorer la qualité du sol en le stabilisant et en limitant l’érosion. « L’indice de canopée est un outil vraiment efficace, qu’on a à portée de main. Il nous donne une bonne vision des efforts à fournir pour diminuer les conséquences des changements climatiques sur la population », précise Élise Gagnon-Lalonde.
Il faut se concentrer sur avoir une forêt urbaine résiliente, qui va être capable de perdurer à travers les changements climatiques, les espèces exotiques envahissantes [comme l’agrile du frêne] et différents enjeux qui pourraient venir l’affecter.
4. Comment ça se mesure?
Traditionnellement, pour mesurer l’indice de canopée, on effectuait une photo-interprétation d’images aériennes ou satellitaires. « La canopée était délimitée manuellement, ce qui était très long et coûteux », souligne Mathieu Varin. Aujourd’hui, des images à haute résolution combinées aux nouvelles technologies comme le lidar (télédétection par laser) et l’intelligence artificielle permettent de déterminer de manière automatisée la hauteur des arbres, la densité de la forêt et les essences d’arbres.
Après, les villes n’utilisent pas toutes les mêmes outils et les mêmes méthodes pour mesurer l’indice de canopée sur leur territoire, nous apprend Élise Gagnon-Lalonde. Par exemple, certaines incluent les arbres de plus de 2 m, alors que d’autres ne tiennent compte que de ceux de plus de 3 m, voire de 5 m. « Mais ça ne fait pas tant varier l’indice », fait remarquer Mathieu Varin.
5. Pour augmenter un indice de canopée, faut-il privilégier certains arbres?
C’est sûr que les arbres qui deviennent très grands à maturité, comme le peuplier, sont intéressants pour augmenter un indice de canopée. Mais ce n’est pas le seul facteur à considérer, nuancent les intervenants. « Les villes vont souvent privilégier des arbres résistants et adaptés au milieu, à croissance rapide ainsi qu’une diversité d’espèces avec des caractéristiques différentes », détaille Mathieu Varin. La chargée de projet au GRAME est d’accord : « Il faut se concentrer sur avoir une forêt urbaine résiliente, qui va être capable de perdurer à travers les changements climatiques, les espèces exotiques envahissantes [comme l’agrile du frêne] et différents enjeux qui pourraient venir l’affecter. »
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6. Quel pourrait être un bon indice de canopée?
Difficile de répondre à cette question, réagissent les deux spécialistes. Les objectifs à atteindre en termes de canopée doivent être établis selon les réalités de chaque ville. « Montréal reste la plus grande ville au Québec. Elle est très minéralisée, donc elle manquait d’arbres. D’autres villes n’ont peut-être pas ce problème, puis n’ont pas la même densité de population ni les mêmes enjeux », affirme Élise Gagnon-Lalonde. Si Montréal est fière d’avoir dépassé un indice de canopée de 25 % (lire l’encadré ci-dessous), celui de la ville de Québec tourne autour de 31 % et celui de Rosemère atteint 42 % par exemple.
Montréal bat des records!
L’agglomération de Montréal a récemment annoncé qu’elle avait réussi à dépasser un indice de canopée de 25 % sur son territoire, et ce, trois ans avant son objectif initial. Pour y arriver malgré l’agrile du frêne et le développement immobilier, la Ville a planté un nombre record d’arbres en 2021, plus de 40 000 au total. Les citoyens ont participé à l’effort de guerre puisque 15 000 arbres ont été plantés sur des propriétés privées.
« Quand les gens, notamment les enfants, nous voient planter un arbre, ça les marque… Ils se disent : “C’est le monsieur qui a planté un arbre!” Ça leur montre aussi qu’on a tous un effort à faire », déclare Daniel Migault, un propriétaire du quartier Villeray qui a planté une dizaine d’arbres sur son terrain par l’entremise du programme Un arbre pour mon quartier. L’objectif pour 2025 a donc été revu à 26 %, ce qui ajoutera 6 km2 de canopée, soit trois fois la superficie du parc du Mont-Royal.