Depuis quelques années, des zones piétonnes temporaires sont créées dans plusieurs grandes villes québécoises. Au-delà de l’amélioration de la qualité de vie qu’ils offrent, ces espaces de liberté ont des effets positifs sur la lutte aux changements climatiques. Venez prendre une marche avec nous!
Qui n’a jamais eu envie d’une ville construite pour la libre circulation des personnes et non celle des voitures? Si l’image fait rêver, les routes réservées aux automobiles dominent l’urbanisme moderne depuis plus d’un demi-siècle. À Montréal, selon l’étude Caractérisation du partage de la voirie réalisée par Polytechnique Montréal en 2021, 74 % de la voirie locale est destinée aux voitures et 19 % aux piétons. Quant au transport collectif et au vélo, seulement 1 % de la voirie leur est consacré! Avec un nombre grandissant de véhicules en circulation, on peut penser que la cohabitation des piétons, des cyclistes et des voitures n’est pas près de s’améliorer.
Pourtant, de plus en plus de métropoles dans le monde franchissent le pas et choisissent de piétonniser leur centre-ville. Le Québec n’échappe pas à la tendance. À Montréal, quand arrive la période estivale, des tronçons de rues entiers sont interdits aux véhicules motorisés. Ces initiatives permettent aux populations d’explorer un nouveau mode de vie et bouleversent des habitudes bien ancrées.
Achalandage et activité économique
Chaque quartier, chaque ville a sa propre réalité. Selon le secrétaire de la Société de développement commercial (SDC) du Vieux-Québec, Christian Provost, propriétaire de la boutique de luminaires Rare & Différent, la zone du Vieux-Québec a été piétonnisée pour répondre à l’achalandage de touristes avant tout. Pour lui, c’est une « question de sécurité » car, explique-t-il, « les trottoirs débordent tellement il y a de touristes, et ce serait impossible de limiter la circulation des gens à certains trottoirs. On n’a pas le choix d’élargir la partie piétonne », affirme-t-il.
À Montréal, le premier quartier à avoir piétonnisé une artère est le Village, dans le centre-ville. Depuis 16 ans, chaque été, la rue Sainte-Catherine est interdite aux autos, de la rue Saint-Hubert à l’avenue Papineau.
Une rue piétonne, quand elle est bien faite, va amener les gens à changer leurs habitudes, en particulier à abandonner la voiture
Le responsable des communications de la SDC du Village, Charles MacKay, explique que la motivation première était d’accroître l’achalandage, en tenant compte des festivals, dont Fierté Montréal : « En tout 40 % des commerces de la SDC sont des restaurants et des bars, le but est donc d’attirer le plus de monde », précise-t-il. Mais si la piétonnisation constitue un levier économique pour dynamiser des zones commerciales, elle est aussi devenue une alliée pour améliorer la qualité de vie des citadins.
Apaiser la ville
Alors que les changements climatiques sont de plus en plus concrets dans le quotidien des gens, les municipalités, en collaboration avec les urbanistes et les experts de l’environnement, tentent d’élaborer de nouvelles façons d’apaiser la ville.
D’après le plus récent rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), la piétonnisation et l’aménagement de pistes cyclables sont des stratégies importantes à mettre en place pour favoriser le passage à des modes de transport générant moins de gaz à effet de serre (GES) en ville. C’est aussi ce que pense Blaise Rémillard, responsable Transport et urbanisme du Conseil régional de l’environnement de Montréal : « Même si c’est difficilement quantifiable, la piétonnisation a clairement un effet sur les changements climatiques », affirme-t-il.
« Une rue piétonne, quand elle est bien faite, va amener les gens à changer leurs habitudes, en particulier à abandonner la voiture », ajoute l’expert qui a notamment collaboré aux projets de piétonnisation de l’avenue du Mont-Royal et de la rue Wellington, à Montréal. Si les études sont difficiles à mener, car chaque aménagement est différent, « en général, le partage des rues joue en faveur des modes de vie actifs et favorise la marche », précise-t-il.
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Verdir pour briser les îlots de chaleur
La réappropriation des axes routiers permet aussi de verdir des espaces. À la SDC du Village, un plan de verdissement de la rue Sainte-Catherine a été élaboré en 2021 et déployé en 2022 pour offrir des espaces de fraîcheur à la population. Cette année, plus de 125 variétés de plantes, dont un tiers de vivaces, ont été réparties dans 125 bacs installés le long de la rue Sainte-Catherine. « Année après année, la proposition sera plus importante », explique Charles MacKay.
Du côté de l’avenue du Mont-Royal, le designer en urbanisme Jean Beaudouin, qui a collaboré à l’aménagement avec le collectif Integral, s’est, dit-il, « imposé » des objectifs de verdissement dans les plans du projet. « Cette année, il y avait des “bancs forêts” qui accueillaient 100 arbres et 350 arbustes, sélectionnés par l’arrondissement », précise-t-il. Cela a permis d’augmenter l’indice de canopée de l’avenue (déterminé par le feuillage des arbres et l’ombre qu’il procure) à 25 % (celui de l’agglomération de Montréal est de 20,3 %). Cela a également permis d’offrir des espaces de fraîcheur sur cette avenue qui est ensoleillée toute la journée du fait de son orientation. Et pour que le verdissement éphémère ne soit pas perdu, les plants sont ensuite redistribués pour l’aménagement de ruelles vertes dans l’arrondissement du Plateau Mont-Royal. Une belle initiative en attendant une possible piétonnisation à l’année, qui permettrait un verdissement permanent.
Par ailleurs
À Ottawa, la rue Wellington, située devant le Parlement du Canada, est piétonnisée pour des raisons de sécurité depuis les événements de l’hiver dernier, pendant lesquels un convoi de camions a occupé la zone plusieurs semaines. Depuis, on s’est habitué à cette nouvelle configuration qui rend la rue plus agréable pour les riverains et les touristes. Mieux : la zone piétonnisée pourrait accueillir le tramway censé relier Gatineau à Ottawa. Une étude d’impact est actuellement en attente d’approbation pour que le projet puisse aller de l’avant.
Ailleurs au Canada, la Ville d’Edmonton a approuvé un projet pilote de piétonnisation d’une durée d’un an. Il s’agit du premier projet de ce type pour la capitale de l’Alberta.