Leader mondial dans l’industrie, la marque Ski-Doo présente sa première motoneige électrique made in Québec. Un coup de chenille qui sonne l’amorce d’un grand virage électrique de la part de son manufacturier, Bombardier Produits Récréatifs.
Dans 20 ou 30 ans, je vais peut-être me souvenir du 22 janvier 2024 comme d’une journée pas comme les autres. C’est le jour où j’ai fait l’essai, en compagnie de quelques personnes privilégiées, de la toute première motoneige électrique de Ski-Doo, la marque qui a mis au monde ce bolide hors route qui fait maintenant partie de notre ADN. Un jour, je vais pouvoir déclarer fièrement à mes petits-enfants : « J’étais là! »
L’arrivée de Ski-Doo, le leader mondial de la motoneige, dans le segment électrique marque un tournant majeur dans l’industrie. Ce n’est pas le moi qui le dit, mais Michel Garneau, rédacteur en chef du magazine Motoneige Québec. Bien que la société mère de Ski-Doo, Bombardier Produits Récréatifs (BRP), n’ait pas remporté la course de la première motoneige à batterie – elle a été nettement devancée par sa compatriote Taiga Motors –, elle veut rattraper son retard. L’entreprise de Valcourt, dans les Cantons-de-l’Est, promet qu’elle introduira des modèles électriques dans toute sa gamme de produits – motomarine, véhicule à trois roues, quad, autoquad biplace, moto, etc. – d’ici la fin de 2027, ce qui représente des investissements de 300 millions de dollars. Et c’est Ski-Doo qui lance le bal.
La particularité du Grand Touring électrique de Ski-Doo, c’est que ce modèle immatriculé avec une plaque verte n’est pas offert par les concessionnaires. Seuls les Centres d’expériences BRP en font la location pour des balades guidées. Car ces motoneiges sans essence affichent une faible autonomie de 50 km, ce qui les rend peu attrayantes sur le marché traditionnel.
BRP ne s’en cache pas : avec cette nouveauté, elle vise le marché des enthousiastes de l’électrique et les néophytes de ce sport motorisé, et non les fidèles. « Cette machine a été pensée pour maximiser le plaisir de faire des promenades en nature, notamment en minimisant le bruit », explique Jérémi Doyon-Roch, directeur marketing mondial pour Ski-Doo. L’électrification pourrait donner un électrochoc au marché de la motoneige, qui connaît actuellement une période de plafonnement.
Sur les pistes de Montebello
Je me suis rendu au Fairmont Le Château Montebello, où se trouve l’un des trois centres d’expériences BRP au Québec afin de faire l’essai de la monture électrique. Je ne suis pas un spécialiste de ces engins, mais je peux vous dire que l’absence du bruit du moteur et de l’odeur de l’essence sont deux arguments de poids qui pourraient me convaincre de rouler davantage à motoneige sans pot d’échappement. Sinon, pour le confort et l’expérience de conduite, ça se compare à un modèle avec moteur à combustion, me disent les maniaques de l’invention de Joseph-Armand Bombardier que j’ai interviewés sur place. Bref, les motoneigistes émérites resteront en pays connu.
Les motoneiges électriques sont une bonne nouvelle pour la planète, car les modèles à essence sont une nuisance environnementale. « Une motoneige consomme de 15 à 20 L d’essence au 100 km. C’est plus énergivore qu’une camionnette », rappelle Arno Blais-Champigny, capitaine du club Quiets, qui réunit des étudiants de l’École de technologie supérieure qui travaillent à la conception de motoneiges avant-gardistes moins polluantes. J’ai tenté de connaître auprès de BRP les émissions polluantes de ses modèles, mais la compagnie répond qu’elle ne les dévoile pas pour des raisons de concurrence. Au début des années 2000, de nombreuses études sur la pollution des motoneiges ont été réalisées aux États-Unis. Malheureusement, les moteurs ont tellement évolué depuis qu’il ne serait pas juste d’y faire référence aujourd’hui.
Autre problème des motoneiges : contrairement aux voitures, elles ne possèdent pas de convertisseurs catalytiques, systèmes qui filtrent en partie les polluants atmosphériques qu’émettent les moteurs à combustion. Pourquoi? « Parce que ce n’est pas obligatoire », dit Arno Blais-Champigny. Les manufacturiers atteignent les normes en la matière sans cela. Cependant, ces normes n’ont pas été mises à jour depuis 2012, me dit Michel Garneau. Résultat : les motoneiges polluent davantage que les automobiles, surtout celles qui ont des moteurs à deux temps, qui constituent la majorité des ventes dans le monde.
Les motoneiges électriques ne provoqueront donc pas de ruées dans les magasins d’ici peu. « Toutefois, un marché pour les modèles utilitaires électriques, comme dans les stations de ski, émerge », indique le motoneigiste Michel Garneau.
Dans les années à venir, l’autonomie devrait augmenter. On pourrait voir apparaître des bornes de recharge aux abords des sentiers. On est peut-être au début d’une révolution… On s’en reparle dans quelques années!
Pourquoi pas une motoneige hybride?
Afin de concevoir une motoneige grand public moins polluante, l’équipe du Quiets de l’École de technologie supérieure (ÉTS) planche sur la conception d’une motorisation hybride. « Puisque la consommation d’essence est nettement plus forte dans les phases d’accélération, on puisera dans l’énergie de la batterie à ce moment-là, et on fonctionnera avec le moteur à essence en vitesse de croisière », explique Arno Blais-Champigny, capitaine du Quiets. La batterie se rechargerait en glissant sur les routes enneigées. Cette formule permettait de sauver beaucoup d’essence. Combien? Les essais suivront. L’équipe du Quiets présentera son prototype à la compétition SAE Clean Snowmobile Challenge, qui se déroulera en mars 2025. À suivre.