Pour réduire son empreinte environnementale, l’entreprise Délices du Lac-Saint-Jean, qui produit des confiseries à base de bleuets, investit dans des emballages compostables, même s’ils coûtent 36 % plus cher. Et la recette porte ses fruits : les ventes explosent!
En janvier 2019, Délices du Lac-Saint-Jean a délaissé les emballages en plastique à usage unique de ses pâtes de fruits aux bleuets pour les remplacer par des emballages compostables. Puis, à l’automne, elle a fait de même pour ses bleuets déshydratés et ses bleuets enrobés de chocolat. Ô surprise : en quatre mois, une tonne de bleuets déshydratés a été écoulée en sacs de 100 grammes, soit les ventes prévues pour une année entière, explique Émilie Gaudreault, copropriétaire de l’entreprise avec sa sœur, Marie-Soleil Gaudreault, et sa mère, Lisette Paré.
Malgré des coûts d’emballage 36 % plus élevés, l’entreprise basée à Albanel a presque complètement rentabilisé son investissement, car ses ventes ont augmenté de 30 % en un peu plus d’un an. Des résultats plus que satisfaisants pour cette PME qui voulait réduire son empreinte environnementale, selon Émilie Gaudreault.
D’autant plus que ce virage écologique, rendu possible en diminuant le budget marketing de l’entreprise, lui a permis de décrocher, au printemps 2020, l’un des plus importants contrats de distribution de son histoire. « Les Fermes Lufa nous ont commandé l’équivalent de la production d’une année pour les bleuets déshydratés et pour les bleuets enrobés de chocolat, et la production d’un an et demi pour les pâtes de bleuets », se réjouit l’entrepreneure.
En plus de livrer chaque semaine 20 000 paniers de légumes, Les Fermes Lufa offrent à leurs clients la possibilité de bonifier leurs commandes avec une panoplie de produits locaux et écoresponsables.
Coordonnatrice des relations publiques aux Fermes Lufa, Rosa Moliner explique que les emballages écoresponsables font partie des critères d’évaluation des produits que l’entreprise décide d’offrir sur sa plateforme de vente en ligne. « Idéalement, on préfère qu’il n’y ait pas d’emballage du tout, mais quand ce n’est pas possible, les emballages compostables constitue la meilleure alternative », dit-elle.
Les emballages écoresponsables attisent aussi la curiosité d’autres clients potentiels comme Air Transat, dit Émilie Gaudreault. « Ils nous ouvrent de nouvelles occasions d’affaires et nous donnent le droit de viser plus haut. »
Un emballage conçu pour remplacer le plastique – et fabriqué, par exemple, à partir d’amidon de maïs – évite l’extraction des hydrocarbures nécessaires à sa production et les émissions de gaz à effet de serre (GES) qui en découlent. Environ 6 % du pétrole sert à fabriquer du plastique. La culture locale de maïs évite aussi les émissions de GES relatives aux transports. Enfin, un emballage compostable est généralement biodégradable, éliminant ainsi les émissions de GES dues au traitement des déchets de plastique.
Un bel avenir
C’est en travaillant avec Janick Brassard, propriétaire de la Boîte à Pigistes, une agence de marketing spécialisée dans l’agroalimentaire, que Délices du Lac-Saint-Jean est devenue la première entreprise québécoise à utiliser ce type d’emballage écologique, apparu sur le marché à la fin de 2018.
« C’est un nouveau produit canadien unique constitué de trois couches d’amidon de maïs, qui est fabriqué en Ontario, dit-il, sans vouloir révéler quelle entreprise le fabrique. C’est le seul emballage souple, compostable à 100 %, disponible sur le marché mondial en ce moment. Le produit se désintègre complètement après 9 à 12 mois », poursuit Janick Brassard, qui se dit le seul à commercialiser ce produit pour l’instant, ce pour quoi il préfère taire certaines informations.
Si de petites entreprises comme Délices du Lac-Saint-Jean peuvent mettre en marché cet emballage compostable rapidement, ce n’est pas le cas pour les grandes, souligne celui qui a notamment eu des pourparlers avec Costco et MTY (qui possède entre autres les restaurants Thaï Zone et Au Vieux Duluth). Il révèle qu’à compter de ce printemps deux grands acteurs devraient tester l’emballage compostable pour voir s’il affecte la qualité des produits à long terme. Ce test pourrait durer jusqu’à un an.
Selon Janick Brassard, ce type d’emballage est voué à un bel avenir, car le gouvernement fédéral a annoncé son intention de bannir les plastiques à usage unique d’ici 2021. Pour l’instant toutefois, il est plus dispendieux que les autres : le compostable est généralement 40 % plus cher que le recyclable, qui est lui-même 30 % plus cher que le jetable.
Située à Hébertville, au Lac-Saint-Jean, la ferme Tournevent utilise aussi des emballages compostables à base de maïs pour ensacher lentilles, pois, et graines de lin et de chanvre depuis novembre 2019. « Ça fait partie de la démarche environnementale choisie pour mettre au monde notre nouvelle marque de commerce », explique Audrey Bouchard, directrice générale de cette ferme, qui ne souhaite pas non plus révéler le nom du fournisseur de ces emballages.
Étant donné que leur coût est plus élevé, la ferme doit refiler une partie de la facture à ses clients – environ 50 cents, selon les produits. « Tout un chacun peut faire une différence. Acheter, c’est voter, et on doit aussi penser aux générations futures », ajoute l’entrepreneure, qui croit que le prix des produits demeure très abordable. « Plus les volumes seront grands, plus les prix seront compétitifs. »
Tout comme Délices du Lac-Saint-Jean, la ferme Tournevent a conclu un contrat de distribution avec Les Fermes Lufa ce printemps. Comme quoi les emballages compostables sont de plus en plus appréciés par les consommateurs.
De tous les emballages en circulation au Québec, 70 % proviennent du secteur alimentaire, révèle un sondage réalisé en 2015 par le Baromètre de la consommation responsable, en collaboration avec l’École des sciences de la gestion de l’UQAM.
Ce sondage nous apprend également que c’est dans le domaine de l’alimentation que les Québécois et les Québécoises sont les plus sensibles aux efforts visant à réduire le suremballage au profit de solutions écoresponsables, loin devant les médicaments et les produits d’entretien ménager, par exemple.