Jonathan Ayotte, fondateur et président de Trigo Énergies. ©Maxime Bilodeau
Retombées positives générales
Une PME de Trois-Rivières conçoit des solutions de chauffage par énergie solaire parmi les plus performantes au monde.
Pour l’œil non averti, il s’agit d’un mur de tôle comme les autres – rien de plus banal, quoi! Il suffit toutefois de se rapprocher de la façade extérieure ouest du siège social de Groupe Bellemare situé sur le boulevard Industriel, à Trois-Rivières, pour se rendre compte qu’il n’en est rien. Nous avons plutôt affaire à une technologie de préchauffage solaire de pointe conçue par Trigo Énergies, une compagnie installée elle aussi dans la capitale régionale de la Mauricie.
La surface ondulée en aluminium posée sur le mur du bâtiment est en effet percée de minces fentes régulières dans lesquelles pénètre l’air plutôt froid – environ -5 °C – de ce début décembre. Comme cette paroi capte et retient bien l’énergie du soleil, l’air emprisonné derrière la surface se réchauffe. Par temps dégagé, on parle d’une augmentation de 10 à 25 °C par rapport à l’air ambiant, prétend Trigo Énergies sur son site Web.
« Notre système de ventilation souffle ensuite cet air à l’intérieur du bâtiment », explique Alexandra Ducharme, directrice des opérations au Groupe Bellemare. Depuis l’installation de ce mur solaire, il y a un an, l’entreprise spécialisée dans le domaine de la construction et du transport estime avoir réduit sa consommation de gaz naturel d’environ 20 %. Un gain « considérable » qui se traduit notamment par une réduction d’émissions de gaz à effet de serre.
Roi de l’émissivité
Trigo Énergie est l’une des rares compagnies au Québec, voire au monde, à se spécialiser dans le chauffage à l’énergie solaire. Sa force : l’efficacité de ses « collecteurs solaires métalliques montés au mur », ou murs solaires. « Ces technologies existent depuis plusieurs décennies, explique Jonathan Ayotte, fondateur et président de Trigo Énergies. Notre exploit est de flirter avec un taux de conversion d’énergie solaire en chaleur de plus de 90 %. »
Dans le jargon, il est question d’émissivité, soit la capacité d’un matériau à absorber la chaleur puis à la réémettre par rayonnement. L’aluminium a une faible émissivité : les panneaux faits de ce matériau transmettent donc très peu de la chaleur accumulée, retenant le gros de celle-ci de manière à créer un effet de serre local. Trigo Énergies va toutefois plus loin avec une technologie qui lui est propre, et dont
elle se garde bien de révéler les secrets. « La majorité de nos profits sont réinvestis en recherche et développement », se contente d’indiquer l’ingénieur chimique de formation.
Depuis 2015, Trigo Énergies a construit des systèmes de chauffage solaire de l’air d’une superficie totale de plus de 60 000 m2. Sa clientèle est uniquement composée d’organisations des secteurs industriel, commercial et institutionnel. Une question de modèle d’affaires, affirme Jonathan Ayotte. « Grâce à des subventions comme celle [pour l’achat et l’installation d’un système] de préchauffage solaire d’Énergir, ces dernières peuvent espérer un retour sur investissement beaucoup plus rapide [que dans le secteur résidentiel]. »
Économies d’énergie
Si cet argument est porteur, la clientèle éventuelle de Trigo Énergies demande néanmoins à être convaincue. Parmi les questions récurrentes : qu’en est-il de l’hiver sous nos latitudes nordiques? « Le 21 décembre a beau être la journée la plus courte de l’année, on parle tout de même de plus de huit heures de lumière, fait valoir Jonathan Ayotte. Par la suite, le temps d’ensoleillement augmente à nouveau, juste à temps pour les vagues de grand froid. »
Preuve que l’argumentaire de vente de Trigo Énergies atteint sa cible, son carnet de commandes de 2024 est rempli, notamment de projets en Europe. Un déménagement dans une toute nouvelle usine, toujours à Trois-Rivières, est aussi prévu dans les prochains mois. « Nous sentons que les mentalités évoluent, se réjouit Jonathan Ayotte. Au Québec, environ la moitié de la dépense énergétique des organisations [du secteur commercial et institutionnel] est attribuable au chauffage; il y a donc un réel potentiel d’efficacité énergétique à concrétiser. »
