Les installations de BoreA Canada sont voisines de l’usine de cogénération de Chapais ©Courtoisie BoreA Canada
Retombées positives générales
Le procédé d’extraction des huiles essentielles a beau être vieux comme le monde, une petite entreprise du Nord-du-Québec a tout de même trouvé le moyen de le révolutionner. Et, par la bande, de diminuer son empreinte carbone.
Pour produire de l’huile essentielle, rien de plus simple : faites cuire à la vapeur des branches et des aiguilles, comme vous le feriez avec des carottes. Ensuite, récupérez la vapeur de cuisson, laissez-la refroidir et récoltez l’huile dès qu’elle se sépare de l’eau. Ce procédé vieux comme le monde, la distillation, est celui qu’utilise BoreA Canada… à quelques nuances près. Le sien a en effet la particularité de réduire sensiblement les émissions de gaz à effet de serre (GES) que génère le procédé, lit-on sur le site de l’entreprise située à Chapais, dans la région d’Eeyou Istchee Baie-James.
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La clé de cette réduction? Le recours à une logique d’économie circulaire, expose Jean-Claude Villeneuve, fondateur et directeur général de BoreA Canada. « Au lieu de brûler des hydrocarbures pour réaliser la distillation, nous nous alimentons en vapeur auprès de l’usine de cogénération de Chapais, dont nous sommes voisins », explique l’ingénieur de formation. En retour, l’entreprise redonne ses résidus « cuits » à la centrale thermique à la biomasse, qui en utilise une partie comme carburant et une autre comme fertilisant.
Tout commence cependant dans la forêt boréale gérée durablement, où BoreA Canada fait le plein de résidus délaissés par les nombreuses entreprises forestières du coin. Après une coupe, plusieurs matières résineuses des conifères (épinette noire, pin blanc, etc.) peuvent être récupérées. Qui plus est, la matière première est particulièrement pure à cette latitude, une caractéristique recherchée dans cette industrie. « Depuis la Paix des Braves [entente politique et économique survenue entre le gouvernement du Québec et la nation crie au début des années 2000], il est interdit d’épandre des pesticides au nord du 49e parallèle », précise Jean-Claude Villeneuve.
Transportées dans les locaux de l’entreprise, les branches et aiguilles sont ensuite broyées pendant 6 à 8 heures, puis placées dans un alambic, un gigantesque autocuiseur, durant 9 à 12 heures. Le procédé de distillation breveté et certifié par Ecocert Canada peut être réalisé 365 jours par année, même par –43 °C.
Faire encore mieux
BoreA Canada produit plus de 30 huiles essentielles et hydrolats utilisant des essences de la forêt boréale et les vend en ligne sous la marque BoreA Sens depuis 2021. En parallèle, l’entreprise exporte ses huiles en vrac dans les marchés d’aromathérapie, de soins du corps et de parfumerie d’Amérique du Nord, d’Europe et d’Asie. « Nous nous faisons un devoir d’être transparents sur la qualité de nos produits. Dans une industrie où la contrefaçon est monnaie courante, c’est un élément distinctif », souligne Jean-Claude Villeneuve. Ce souci de clarté se traduit notamment par des certifications fondées sur un contrôle qualité rigoureux et des visites des installations.
Pas question toutefois pour la PME d’une vingtaine d’employés de se reposer sur ses lauriers. Dans les prochaines années, elle souhaite diminuer encore plus son empreinte carbone en s’attaquant entre autres à la machinerie. La majeure partie des émissions de GES de l’entreprise sont produites entre les 280 000 km2 de terres publiques où elle s’approvisionne et ses installations chapaisiennes. « L’excavatrice que nous utilisons pour trier la matière première, tout comme nos camions pour transporter cette dernière, fonctionnent à l’essence », explique l’entrepreneur. La réduction de l’impact climatique de BoreA passera donc par l’électrification.
Un ambassadeur
Jean-Claude Villeneuve a quitté Chapais, où il a grandi, pour les études et le travail avant de revenir s’y installer pour lancer BoreA Canada en 2014. Sa volonté de faire les choses différemment et de contribuer à l’économie de sa région natale fait de lui un ambassadeur, affirme Stéphanie Houde, adjointe au développement stratégique et chargée de projets à la Corporation de développement économique de Chapais. « Toutes les municipalités veulent des Jean-Claude chez elles! Il incarne à merveille notre philosophie basée sur la circularité et l’innovation », dit-elle.
Il faut savoir que la ville de 1552 habitants fait de l’économie circulaire son cheval de bataille. En 2021, elle a été sélectionnée pour participer à l’initiative Villes et régions circulaires, pilotée par la Fédération canadienne des municipalités. Depuis, Chapais s’est dotée d’une feuille de route en économie circulaire qui mise entre autres sur les symbioses industrielles et l’approvisionnement responsable. « Être un petit milieu en région éloignée est aidant. Voir son voisin rivaliser d’ingéniosité, comme le fait Jean-Claude avec BoreA Canada, est une source de motivation pour passer à l’action », conclut la chargée de projets.
