Des saules pour atténuer l’impact des minières

Plantation de saules âgés de 3 ans. ©Courtoisie RAMO
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Plantation de saules âgés de 3 ans. ©Courtoisie RAMO
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19 février 2024 - Émilie Parent-Bouchard, Journaliste de l'Initiative de journalisme local

L’entreprise spécialisée en phytotechnologie Ramo a planté 20 000 saules pour traiter une partie des eaux usées de la seule mine de lithium en exploitation au Québec, un projet-pilote qui pourrait rapidement faire des petits dans l’industrie.

Le président et cofondateur de Ramo ne s’en cache pas : l’idée de s’implanter à La Corne, la municipalité d’un peu moins de 800 âmes où est située Sayona, la seule mine de la province à produire le lithium nécessaire à la transition énergétique, n’est pas étrangère à sa volonté de se rapprocher de l’industrie minière. Soumise à des normes sévères en vertu de la Loi sur la qualité de l’environnement quant aux eaux qu’elle rejette, l’industrie représente un marché à fort potentiel de croissance pour son entreprise, croit Francis Allard.

« On savait qu’il y avait un potentiel en Abitibi, fait-il valoir. Vers 2021, on a commencé à approfondir l’idée. Si on avait à se déployer sur des projets, quelles régions seraient plus stratégiques pour ce type de culture? L’Abitibi est probablement l’une des régions les plus actives dans le domaine minier. Et il y avait aussi des utilisateurs de fibre. »

Car en plus de traiter une partie des eaux minières, la plantation de saules à croissance rapide sert aussi à produire de la biomasse pour la restauration de sites industriels dégradés, comme ceux dont on bouleverse la biodiversité pour exploiter une mine.

Travaux de plantation de saules sur le site du producteur de lithium québécois Sayona. ©Courtoisie RAMO
Travaux de plantation de saules sur le site du producteur de lithium québécois Sayona. ©Courtoisie RAMO

Comment ça marche?

Evaplant, la technologie que Ramo a mise au point initialement pour valoriser les eaux usées des sites d’enfouissement, agit comme un « gros évaporateur biologique », explique Xavier Lachapelle, directeur des phytotechnologies pour l’entreprise. Les eaux usées issues des municipalités, des industries et du lessivage agricole contiennent de l’azote ammoniacal, un composé toxique pour la vie aquatique que les plantes utilisent comme fertilisant. Dans l’industrie minière, d’autres dérivés d’azote sont présents dans les explosifs et les eaux souterraines ; ils sont aussi captés et utilisés comme fertilisants par les saules et ne sont par conséquent pas rejetés dans l’effluent final.

« Autre élément intéressant, [les minières] ont d’immenses superficies à restaurer, mais pas nécessairement toute la terre végétale nécessaire pour végétaliser. Donc, on vient créer un circuit court d’économie circulaire à même le site », illustre-t-il, précisant qu’après un cycle de croissance de trois ans, les saules peuvent être récoltés, réduits en copeaux et épandus sur le sol pour créer une couche organique nécessaire au retour d’autres végétaux.

La « vitrine technologique » implantée chez Sayona vise aussi à s’assurer que les végétaux produits sont sains afin de ne « pas déplacer une contamination », poursuit-il. Un étudiant au doctorat de l’Institut de recherche en biologie végétale de l’Université de Montréal va se pencher sur la question de la composition et de la caractérisation du bois ainsi produit.

©Courtoisie RAMO

« On a été enchantés par l’idée de produire notre propre matière organique à partir des eaux qui viennent de la fosse pour générer et faire croître des saules. [Cela nous permet] d’avancer dans notre projet de restauration progressive du site minier », fait valoir le biologiste passionné d’économie circulaire et vice-président environnement chez Sayona, Jean-Luc Bugnon.

Ramo cherche finalement à optimiser ses méthodes de culture sous différentes latitudes. Des saules plantés chez Nouveau Monde Graphite, dans Lanaudière, ainsi que chez ArcelorMittal, à Fermont, vont permettre de déterminer quelles espèces, parmi les 75 utilisées, performent le mieux dans ces différentes zones géographiques.

« On est très pragmatiques par rapport au fait que les saules plantés dans les Basses-Laurentides vont produire plus de biomasse, vont transpirer plus que les ceux plantés en Abitibi. Le système en Abitibi va devoir être plus gros pour atteindre la même réduction de volume d’eau. Même chose pour une plantation à Fermont. Mais ce qui est intéressant avec l’industrie minière, c’est que les sites occupent souvent beaucoup d’espace », dit Xavier Lachapelle.

C’est clair que la capacité de produire de la biomasse sur site va être un avantage économique important qui va permettre à l’industrie de réduire son empreinte au sol.
Alain Beauséjour, directeur général du Groupe MISA

Un intérêt attentif dans l’industrie

Selon le directeur général du Groupe MISA, pôle d’excellence du gouvernement du Québec en innovation minière, la percée que tente de réaliser Ramo dans l’industrie est suivie avec attention. L’intérêt pour la solution est « évident », fait valoir Alain Beauséjour, pour qui il s’agit maintenant d’en démontrer la viabilité économique.

« C’est clair que la capacité de produire de la biomasse sur site va être un avantage économique important qui va permettre à l’industrie de réduire son empreinte au sol », plaide-t-il, en précisant qu’autrement, les minières doivent souvent importer cette matière précieuse et la transporter par camion, ce qui génère des gaz à effet de serre (GES). Il entrevoit que les surplus de biomasse forestière pourraient aussi accélérer la restauration de sites miniers orphelins qui sont sous responsabilité du gouvernement.

En plus de traiter une partie des eaux minières, la plantation de saules à croissance rapide sert aussi à produire de la biomasse pour la restauration de sites industriels dégradés. ©Courtoisie RAMO

Celui qui a en quelque sorte servi d’entremetteur entre Ramo et les gens de l’industrie croit que lorsqu’on aura démontré les économies réalisées, d’autres minières pourraient rapidement emboîter le pas à Sayona. « On a hâte de pouvoir présenter les premiers résultats, dit-il avec enthousiasme. Mais la beauté, c’est que [dans les projets collaboratifs que nous lançons], les résultats sont présentés à l’ensemble des minières. Donc la diffusion et l’adoption se font très rapidement. »

Sur le terrain, les trois ans dont la nature a besoin pour compléter un cycle de croissance paraissent interminables. Mais déjà, le VP environnement de Sayona envisage la possibilité d’accroître la taille du dispositif de saules : « Lorsqu’on aura fini notre projet-pilote, c’est certain que Sayona aura intérêt à continuer le projet, voire à l’agrandir », souligne Jean-Luc Bugnon.

« On ne peut pas aller plus vite que la nature! Mais l’objectif est vraiment d’être capable de répliquer les apprentissages dans le secteur minier at large au Québec et aussi d’exporter ce modèle-là ailleurs au Canada », conclut Xavier Lachapelle, qui évoque du bout des lèvres la division de Ramo en cours de démarrage aux États-Unis… ce qui laisse présager encore bien d’autres applications pour les saules au service de l’environnement.

©Courtoisie RAMO

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