Dossier spécial : Précieuses ressources , partie 2

Faire de la forêt notre alliée climatique

Arbres en automne
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©Shutterstock/SNEHIT PHOTO
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Bien que la forêt québécoise séquestre beaucoup de dioxyde de carbone (CO2), elle pourrait en faire plus pour nous aider à lutter contre le réchauffement planétaire. Voici pourquoi et comment.

2,2 %

Alors que la superficie du Québec compte pour 1,1% des terres émergées de la planète, nos forêts correspondent à 2,2 % de la surface forestière de la Terre, indique le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs. Cette abondance d’arbres, héritée de la dernière déglaciation il y a environ 10 000 ans, est une « richesse sous-estimée dans son potentiel de contribution à la lutte contre les changements climatiques », estime Claude Villeneuve, biologiste et professeur titulaire au Département des sciences fondamentales de l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC), où il est aussi directeur de la Chaire en éco-conseil. « On a des ressources uniques au monde. Il faut les utiliser encore mieux qu’on le fait en augmentant le puits de carbone forestier », affirme-t-il.

Beaucoup d’arbres, mais assez ?

Les forêts québécoises captent de 25 à 30 % des 130 millions de tonnes d’équivalent CO2 (éq. CO2) séquestrées chaque année par les terres forestières canadiennes, évalue le professeur en éco-conseil à l’UQAC Jean-François Boucher. Selon cette estimation, nos arbres emprisonneraient annuellement près de la moitié des émissions totales du Québec (ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, 2019). Mais ne nous réjouissons pas trop vite ! « La forêt aussi produit du CO2 quand elle brûle ou lorsqu’elle se décompose après avoir été ravagée par des insectes », rappelle le chercheur. Ainsi, avec la multiplication des incendies depuis 20 ans conjuguée aux épidémies de parasites, la communauté scientifique estime que la forêt canadienne capte désormais autant de CO2 qu’elle en émet.

Diversifier nos terres à bois

Si on veut que les forêts continuent de nous aider à séquestrer le CO2, il faut entre autres repenser nos terres à bois, soutient Christian Messier, professeur en aménagement forestier et biodiversité de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et en Outaouais (UQO). En effet, 45 % des forêts aménagées pour la récolte du bois au Canada ne sont composées que d’une ou deux espèces, signale-t-il, dont beaucoup d’épinettes. Cette mono ou cette duoculture d’espèces à vocation commerciale a entraîné une perte de résistance et de résilience des boisés. Avec les changements climatiques, les arbres deviennent plus fragiles aux incendies, aux insectes ravageurs ou à la sécheresse. « C’est l’effet portfolio : plus nos forêts sont diversifiées, moins grand est le risque de tout perdre », résume Christian Messier.

Le bois, une matière multifonction

Réunis au sein du Groupe de travail sur la forêt et les changements climatiques (GTFCC), des chercheurs de l’Université Laval (UL) et de l’UQAC ont calculé que l’amélioration de la gestion des forêts québécoises pourrait réduire nos gaz à effet de serre (GES) jusqu’à 10,4 Mt éq. CO2 par an d’ici 2050. Cela représente environ 12 % de l’empreinte carbone de la province (ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs, 2019). « Pour y arriver, il faut reboiser davantage afin d’augmenter l’absorption du CO2 et pour accroître la récolte du bois, un matériau durable et exploitable dans la transition vers une économie à faibles émissions de GES, explique Évelyne Thiffault, ingénieure et professeure au Département des sciences du bois et de la forêt de l’UL. La forêt est un réservoir fantastique », illustre-t-elle. Dans les bâtiments, le bois peut remplacer le ciment et l’acier, deux matériaux très énergivores à fabriquer. Les bois de faible qualité ou non commercialisables, ainsi que les quantités considérables de résidus, peuvent quant à eux produire d’autres débouchés, comme de l’énergie renouvelable, en se substituant au pétrole et au gaz.

60 %

Les 13,1 millions de mètres cubes de bois abattus au Québec en 2019 représentent environ 60 % de la quantité maximale récoltable pour permettre le renouvellement de la forêt québécoise. Autrement dit, on pourrait séquestrer plus de carbone en augmentant les peuplements et la récolte, affirme le professeur Jean-François Boucher, qui a contribué aux travaux du GTFCC. « Notre régime forestier est exemplaire depuis 2013, car même s’il a des imperfections, il peut être qualifié de durable. Cela ne veut pas dire qu’il est efficient dans une logique de lutte contre les changements climatiques. »

Du CO2 en bâton

Un mètre cube de « 2 par 4 » renferme 500 kilos d’équivalent CO2, estime Claude Villeneuve, qui a planté plus de 1,5 million d’arbres depuis 20 ans grâce à Carbone Boréal, une infrastructure de recherche de l’UQAC qui a quantifié le potentiel de puits de carbone des arbres. « Autrement dit, le bois d’oeuvre, c’est du CO2 en bâton, et le Québec en exporte des millions de mètres cubes par année », souligne le chercheur, qui déplore que cette contribution à la lutte contre les changements climatiques ne soit pas comptabilisée dans les inventaires de GES provincial et national. Un impératif, selon lui, si l’on veut que la forêt soit considérée comme une solution aux aléas du climat par les gouvernements et les acteurs forestiers.

13 135 $

La firme-conseil Habitat a calculé qu’un érable argenté planté il y a 108 ans dans le parc Lafontaine, à Montréal, a rendu des services écologiques dont la valeur totale s’élève à 13 135 $. « L’idée était de sensibiliser les gens aux bénéfices méconnus apportés par les arbres », explique le professeur et cofondateur de la firme, Christian Messier. Séquestration du CO2, filtrage des polluants atmosphériques, atténuation des inondations, réduction des îlots de chaleur : les chercheurs ont réussi à déterminer le montant de chacun de ces services pour des centaines d’arbres. Certains facteurs, comme le bien-être de la population, n’ont toutefois pu être comptabilisés. « Des études montrent que les arbres ont des bienfaits sur la santé physique et mentale, mais c’est plus difficile à évaluer », souligne l’universitaire. Un exemple : selon une étude scientifique, les patients guériraient plus vite et prendraient moins d’antidouleurs s’ils ont une vue sur un arbre depuis leur chambre d’hôpital.

5,8 G$

Le secteur forestier québécois a enregistré un produit intérieur brut (PIB) de 5,8 milliards de dollars en 2021, une hausse de 3,8 % sur une année, selon Statistique Canada. La foresterie représente 1,5 % de l’activité économique globale de la province. Elle procure près de 60 000 emplois directs, dont 50 000 dans la transformation du bois.

Cet article provient d’un cahier spécial «Précieuses ressources», publié par le quotidien Le Devoir, en partenariat avec Unpointcinq.

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