Alex en Gaspésie – Sur le front des changements climatiques

Un des lieux emblématiques de la Gaspésie est certainement l'auberge le Sea Shack, avec un accès direct au fleuve. Crédit courtoisie Sea Shack
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Un des lieux emblématiques de la Gaspésie est certainement l'auberge le Sea Shack, avec un accès direct au fleuve. ©Courtoisie Sea Shack

SUR LA ROUTE 1/3 – Unpointcinq m’a fait confiance et envoyé en Gaspésie, à quelque 900 km de nos bureaux du centre-ville de Montréal. J’ai pu y rencontrer des Gaspésiennes et de Gaspésiens inspirants, qui ont décidé d’agir avant qu’il ne soit trop tard. Première étape : Sea Shack, l’auberge de la décroissance.

L’idée de ce reportage est née d’un désir de donner une voix supplémentaire aux Gaspésiens et aux Gaspésiennes. Non pas qu’ils et elles ne soient pas capables de s’exprimer, ce serait bien mal les connaître, mais leur parole peut parfois être inaudible dans la cacophonie revendicatrice des centres urbains.

Pourtant, la population de la Gaspésie est aux premières loges de la crise écologique. Elle est consciente que la nature est sa plus grande richesse, mais c’est aussi son gagne-pain. Parce que oui, en Gaspésie, l’économie et la nature sont indissociables, ce qui complexifie considérablement la recherche de solutions environnementales.

Ce dossier a énormément de sens pour moi. Bien que je sois installé à Montréal depuis plus d’une décennie, mes racines sont bien implantées dans le Bas-du-Fleuve. J’ai grandi tout près de la Gaspésie, dans le village de Sainte-Flavie. J’ai eu la chance de profiter de son hospitalité légendaire pendant toute mon enfance et mon adolescence. La Gaspésie a été mon premier amour d’été (je m’excuse Annabelle, tu es deuxième au palmarès).

Mes préparatifs de départ ont été plutôt déstabilisants. Loin de l’habituelle rigueur organisationnelle qu’on connaît en ville, la plupart des personnes que j’ai contactées pour une visite ou une rencontre m’ont répondu « ben oui, pas de problème, tu passeras quand tu veux ».

Il faut dire que le temps a un sens tout à fait différent en Gaspésie. Malgré les défis, le rythme de la vie est comme un long fleuve puissant, mais tranquille.

Parlant de temps, j’avais décidé de diviser ma semaine entre quatre sujets, dont un se détachait particulièrement : je voulais d’abord aller voir les caribous dans le parc de la Gaspésie, un objectif, j’y reviendrai, qui s’est révélé pas mal plus compliqué que prévu. Mes autres étapes? Une auberge en processus de décroissance à Sainte-Anne-des-Monts, une coopérative de plein air écoresponsable à Rivière-à-Claude et un projet naval unique à Rivière-au-Renard.

En raison d’enjeux logistiques hors de mon contrôle, je n’ai pas pu faire le périple en voiture électrique, ce qui aurait été plus en phase avec notre mission, mais rassurez-vous… mon auto n’avait rien d’un gros VUS.

Ma « grosse » voiture avec le magnifique phare de La Martre. Crédit Alexandre Couture
Ma « grosse » voiture avec le magnifique phare de La Martre. ©Alexandre Couture

Objectif caribou

Avant de mettre le cap sur la Gaspésie, j’envoie une demande officielle au ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs pour visiter les enclos de caribous dans le parc de la Gaspésie.

Voyez-vous, ces enclos font partie d’une stratégie pour tenter de freiner la disparition de cette espèce majestueuse. Les chiffres frappent l’imaginaire : il n’y aurait plus qu’une trentaine de caribous montagnards en Gaspésie, alors qu’il y en avait environ 70 en 2017. On pense que, depuis 15 ans, près de 80 % de cette population de cervidés aurait disparu.

« Dans les 30 dernières années, on a récolté à peu près 55 % des forêts matures qu’il y avait autour du parc de la Gaspésie pour les convertir en jeunes coupes forestières. Ça a fait diminuer la qualité de l’habitat du caribou », expliquait le spécialiste Martin-Hugues Saint-Laurent en entrevue au Journal de Montréal, en janvier dernier.

Dans la foulée de ces chiffres alarmants, le gouvernement Legault, fortement critiqué pour sa gestion du dossier, a lancé une opération de capture en mars dernier : six femelles ont été déplacées dans des enclos aménagés dans le parc de la Gaspésie.

L’objectif? Qu’elles y mettent bas et soient maintenues en captivité afin de protéger leurs faons de la prédation durant les premiers mois critiques de leur vie. Toutes les bêtes doivent être remises en liberté à la fin de l’été.

Je le verrai rapidement pendant mon voyage, le sujet des caribous est sensible pour tout le monde. Comme lorsqu’on discute d’actualité dans un souper de Noël avec la famille éloignée, les sourcils se lèvent et les regards sont fuyants.

C’est un cas typique où les réalités locales, l’économie et la volonté de protéger la biodiversité s’entremêlent de façon chaotique. En attendant, une réponse laconique du ministère m’indique que ma demande a été transférée à un responsable du dossier. À suivre…

Cap sur la décroissance

Ayant repris la route, je dépasse la ville de Sainte-Anne-des-Monts avant de m’engager dans un chemin discret qui mène au fleuve. Au bord de l’eau se trouve une auberge bien connue, le Sea Shack. Sa réputation la précède.

À l’auberge se sont ajoutés un camping, un bar, une cantine-restaurant et une scène musicale, qui ont été aménagés au fil du temps. Le lieu a vu plusieurs générations de jeunes venir faire la fête et profiter du fleuve. Depuis bientôt 20 ans, ce petit paradis attire des visiteurs et visiteuses d’un peu partout dans un cadre des plus idylliques.

L'auberge est ouverte depuis le début 2004. Courtoisie Sea Shack
L'auberge est ouverte depuis le début 2004. ©Courtoisie Sea Shack

La première fois que j’y suis allé, c’était en 2009 (j’étais mineur, désolé maman) et j’y suis retourné près de 10 ans plus tard avec des amis. J’avais été surpris de voir à quel point la petite auberge tenue par des saltimbanques (je dis ça avec beaucoup d’affection) avait complètement changé de dimension.

La capacité d’accueil avait été décuplée et tout était mieux organisé. À l’époque, je m’étais posé la question : comment cette équipe avait-elle fait pour gérer cette croissance exponentielle dans un environnement si fragile? Parce que oui, la nature fait partie intégrante du Sea Shack, avec un camping aménagé directement sur les berges, un bar situé à quelques mètres de la plage, etc.

Je suis allé à la rencontre d’Alexis Poirier, copropriétaire de l’établissement, qui m’a surpris un peu en me parlant d’une approche souvent évoquée en théorie, mais qu’on voit plus rarement mise en pratique : la décroissance.

©Courtoisie Alexis Poirier

Un trip entre amis devenu plus grand que nature

L’histoire du Sea Shack remonte au début des années 2000. Alexis et deux de ses amis ont fait l’acquisition d’un chalet au bord de l’eau.

« Au début, c’était juste un trip entre chums. On habitait dans l’unique chalet à trois et, avec le temps, on recevait de plus en plus de visites, se rappelle le Gaspésien d’adoption. On était tannés de passer nos lits, on a finalement commencé le camping directement sur la plage. »

L’endroit est devenu si populaire auprès des connaissances du trio que l’idée de créer une auberge de jeunesse a germé.

« Le trip a évolué en quelque chose de plus grand, mais, à la base, c’est vraiment parti de façon organique », explique Alexis. « On a ensuite fait un plan d’affaires et toutes les choses sérieuses d’adulte », ajoute-t-il en riant.

On retrouve la réception et une grande cuisine commune dans le chalet principal. Courtoisie Sea Shack.
On retrouve la réception et une grande cuisine commune dans le chalet principal. ©Courtoisie Sea Shack

Avec l’auberge festive, les membres fondateurs voulaient créer un espace de rencontre, d’échange et de liberté à quelques mètres du fleuve. Le bouche-à-oreille a fait le reste : l’endroit est devenu extrêmement populaire et s’est transformé en un petit village au fil des années.

« En 2010, on a construit plusieurs chalets sur le site, en plus du bloc sanitaire, précise-t-il. Après, on a construit un nouveau bar et on s’est lancés plus sérieusement dans la production de spectacles. »

La programmation musicale du Sea Shack pourrait rendre jaloux n’importe quel festival au Québec. Des groupes émergents qui remplissent des salles à Montréal comme Clay and Friends et Mon Doux Saigneur sont au programme cet été. Toutes ces améliorations ont entraîné une augmentation colossale de l’achalandage.

« En 2019, notre année record, nous avons atteint un sommet d’environ 25 000 nuitées, tout ça dans une saison condensée de 6 mois, explique Alexis. Si on ajoute les gens qui viennent seulement assister aux spectacles, ça fait beaucoup de monde sur un petit site. »

Pas mal pour trois personnes qui voulaient simplement chiller au bord de l’eau.

Nous sommes conscients qu’en étant installés sur les berges du fleuve, nous sommes dans un environnement fragile. On veut donner tous les outils aux clients pour qu’ils fassent les bons choix. On veut leur faire comprendre qu’ils peuvent tripper, mais tripper d’une manière responsable.Alexis Poirier, copropriétaire de l’auberge Sea Shack

L'auberge est accessible via la route 132, à quelques minutes de la ville de Sainte-Anne-Des-Monts. Courtoisie Sea Shack.
L'auberge est accessible via la route 132, à quelques minutes de la ville de Sainte-Anne-Des-Monts. ©Courtoisie Sea Shack

S’ajuster selon ses valeurs

Cette année record a forcé Alexis et ses associés à se poser des questions. Le constat était clair : même si ça venait avec des conséquences économiques, il fallait se limiter, voire décroître. Victimes en quelque sorte de leurs succès, les propriétaires du Sea Shack ont décidé de s’imposer eux-mêmes des limitations pour réduire l’achalandage du site. Une façon de préserver l’identité de l’endroit et de limiter son impact sur la nature qui l’entoure.

« Nous sommes conscients qu’en étant installés sur les berges du fleuve, nous sommes dans un environnement fragile, dit-il. On veut donner tous les outils aux clients pour qu’ils fassent les bons choix. Ça passe surtout par la conscientisation de la clientèle pendant les séjours, on veut lui faire comprendre qu’elle peut tripper, mais tripper d’une manière responsable. »

Un peu partout sur le site, on trouve maintenant des écriteaux qui rappellent l’importance de protéger les berges et les végétaux. Alexis avoue qu’il a encore du chemin à faire sur la gestion des déchets, mais il voit qu’il y a eu amélioration depuis les premières années.

« C’est important pour nous de garder la liberté, qui est au cœur de l’ADN du Sea Shack, dit-il. On fait généralement confiance aux visiteurs et, honnêtement, ils font bien ça 99 % du temps. »

Des écriteaux comme celui-ci sont un « gentil » rappel pour les touristes. Crédit Alexandre Couture.
Des écriteaux comme celui-ci sont un « gentil » rappel pour les touristes. ©Alexandre Couture

« On a restreint, dans les deux dernières années, le nombre quotidien de personnes autorisées sur le site, ajoute-t-il. On est passés de 275 (en 2019) à environ 200 à 225 de manière délibérée. Ça permet de garder l’esprit festif et libre du Sea Shack, tout en étant plus responsables pour l’environnement. »

« Nous sommes fiers de ce que nous avons créé et on veut le rester encore longtemps », conclut-il avec un brin de fierté, avant de retourner préparer l’auberge pour la saison estivale.

Je ne sais pas pour vous, mais moi je trouve que c’est assez rare d’entendre un entrepreneur parler de cette manière. Les notions de décroissance et de sobriété n’ont jamais été très populaires dans les écoles d’administration.

En adoptant cette posture, Alexis Poirier et ses amis ont décidé de placer leurs valeurs environnementales avant leurs ambitions financières. Un geste fort, qui fait une véritable différence dans la lutte contre les changements climatiques.

C’est sur cette note d’espoir (oui, c’est quétaine, j’assume) que je suis reparti le cœur léger. Dans mon rétroviseur, j’ai vu le soleil se coucher tranquillement sur les côtes escarpées de la Haute-Gaspésie. Une première journée prometteuse qui m’a redonné foi en beaucoup de choses, dont la nature humaine… rien de moins !

POUR LIRE LA PARTIE 2

Vivre d’amour et de plein air

Suivez-moi dans la deuxième partie de mon périple en Gaspésie. Je vous amène à RAC City, une coopérative de plein air où les valeurs environnementales font partie de l’essence même du projet. Au pied des montagnes, la communauté de jeunes adultes se bâtit tranquillement une vraie « vie de rêve ». Un modèle de cohésion socio-environnemental !

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