Au-delà de la carte postale, Sainte-Flavie travaille fort pour devenir la toute première municipalité carboneutre du Québec. Et c’est pour demain!
De la parole aux actes! « Comme nous avons signé [en décembre 2018] la Déclaration d’urgence climatique (DUC), il fallait qu’on se mette en action », affirme Agathe Lévesque, conseillère municipale responsable de l’environnement à Sainte-Flavie, l’une des 395 MRC et municipalités québécoises à avoir jusqu’à présent adopté ou appuyé la DUC, qui exhorte les élus à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES).
Et Sainte-Flavie, village bucolique du Bas-Saint-Laurent, ne fait pas les choses à moitié pour atteindre – dès 2022! – la carboneutralité, c’est-à-dire arriver à ne pas émettre plus de GES qu’il n’est capable d’en absorber.
Sonder son monde
Première étape : dresser un diagnostic en utilisant les outils mis à disposition par le programme Partenaires dans la protection du climat du Réseau Environnement, le plus important regroupement de spécialistes en environnement au Québec. Ces outils détaillent notamment les émissions moyennes de GES pour chaque type d’entreprise, de commerce ou d’établissement industriel dans la province, selon sa taille, ses activités et son chiffre d’affaires. « Mais sur un territoire comme le nôtre, où il y a peu de commerces, on peut affiner cette moyenne », explique le maire de Sainte-Flavie, Jean-François Fortin. D’ici janvier 2020, précise-t-il, « on organisera des rencontres individuelles et on lancera un sondage que les entreprises pourront remplir de manière confidentielle ».
Parallèlement, bien que l’on connaisse l’empreinte carbone individuelle des Québécois (9,6 tonnes d’équivalent CO2 par an), la municipalité veut chiffrer plus exactement celle de ses quelque 900 habitants. Prochainement, chacun d’entre eux sera donc sondé au sujet de ses allers-retours quotidiens à Rimouski pour le travail ou de ses voyages dans le Sud afin que le tout soit pris en compte sur la facture GES du village.
À Sainte-Flavie, les effets des changements climatiques sont visibles : la municipalité est aux prises avec un grave problème d’érosion côtière.
De nouvelles règles
Deuxième étape : plusieurs mesures et règlements municipaux entreront en vigueur dès le 1er janvier 2020 pour diminuer les émissions de GES : les commerces ne pourront plus fournir de plastique à usage unique ni de contenant en polystyrène; les entreprises devront composter; deux bornes de recharge pour véhicules électriques seront installées; les permis émis pour une rénovation ou une construction durable seront remboursés… Et pour la protection de l’environnement, tous devront cesser d’utiliser engrais chimiques et pesticides sur leurs terrains.
De plus, la municipalité a déjà versé 20 000 $ dans son futur Fonds vert qui acceptera les souscriptions ainsi que les dons privés à partir de janvier 2020. Ce fonds financera des projets soumis par des particuliers ou des entreprises qui souhaitent diminuer leur empreinte carbone. Pour l’heure, la municipalité ne prévoit pas imposer de réduction des émissions de GES, car le maire pense que la remise en question viendra d’elle-même : « Quand on fait une enquête auprès des citoyens, on leur fait prendre conscience de leur impact individuel sur le climat. » Dans son sprint vers la carboneutralité, Sainte-Flavie envisagera, en dernier recours, la plantation d’arbres ou l’achat de crédits carbone.
Une aide cruciale pour les commerces
Ici, les effets des changements climatiques sont visibles : la municipalité est aux prises avec un grave problème d’érosion côtière, et plusieurs résidences en bord de mer devront être démolies. La population est donc sensible à cette réalité et, d’après Jean-François Fortin, la mairie reçoit des appels de citoyens qui se disent fiers de leur municipalité qui passe à l’action climatique.
Au Centre d’art Marcel Gagnon, qui héberge une boutique et un restaurant, la copropriétaire Annie Lévesque est enthousiasmée par l’objectif municipal de carboneutralité. « On n’a pas été consultés, mais ce n’est pas grave! Il faut que les élus prennent des décisions pour qu’il y ait des gestes concrets. » Elle a déjà cessé d’offrir des pailles en plastique et des contenants en polystyrène, car « on a des enfants conscientisés qui nous poussent dans le derrière! » dit-elle.
Mais celle qui sert environ un millier de touristes par jour en été ne sait pas encore par quoi remplacer les sacs de plastique pour envelopper les achats des clients ou les emballages sous vide utilisés pour la congélation de certains aliments. L’aide de la municipalité sera donc cruciale.
La gérante de la Cantine Sainte-Flavie, Kathy Lévesque, est de son côté moins enthousiaste parce qu’elle n’a pas été mise au courant du coût du bannissement des produits à usage unique, ni des subventions dont pourrait bénéficier son commerce. Ici, on utilise amplement les contenants de styromousse, fourchettes jetables et pailles en plastique. « Notre fournisseur ne propose rien d’autre, et beaucoup de clients n’aiment pas les pailles de carton », explique-t-elle.
Le maire Jean-François Fortin reconnaît que les cantines font partie des commerces qui ont un gros effort à fournir, mais il estime que changer pour des contenants compostables n’ajoutera que quelques sous au prix de la poutine, par exemple. Pas assez, selon lui, pour rebuter la clientèle ni pour remettre à plus tard le virage que Sainte-Flavie entend prendre, et au pas de course!