10 décembre 2020
Philippe Poitras, éditeur d’Unpointcinq
Unpointcinq a dévoilé le 8 décembre le Baromètre de l’action climatique 2020, une étude réalisée en partenariat avec l’Université Laval qui se base sur un sondage* mené en septembre dernier. Pour une deuxième année d’affilée, nous avons pris le pouls de la population québécoise afin de mieux comprendre où nous en sommes face aux défis du climat, mieux cerner nos intentions d’agir, nos sentiments et nos attentes face à l’enjeu de l’heure, ainsi qu’évaluer notre niveau de connaissances générales sur le sujet.
Quelques semaines après le lancement par le gouvernement du Plan pour une économie verte 2030, et alors que la conversation nationale se poursuit sur les meilleures approches pour réduire notre impact sur le climat et nous adapter à ses bouleversements, cette deuxième édition du Baromètre confirme un enjeu déterminant : le potentiel humain de la transition climatique est immense au Québec, mais les conditions gagnantes ne sont pas encore réunies pour réussir à mobiliser massivement la population.
Commençons par les points positifs, car il y en a plusieurs. Les personnes sondées reconnaissent l’existence du problème et sont remplies de bonnes et légitimes intentions : 79 % d’entre elles croient qu’il y a urgence d’agir, 58 % réalisent que les changements climatiques auront des conséquences négatives sur leur milieu de vie et 57 % estiment que leurs choix quotidiens contribuent au réchauffement de la planète. Par ailleurs, les trois quarts d’entre nous considèrent que le Québec a la capacité d’agir efficacement, 78 % disant vouloir en faire personnellement plus pour le climat.
Malheureusement, des données assombrissent le tableau et clignotent en rouge sur le tableau de bord. Comme l’édition 2019 du Baromètre l’avait montré, les Québécois et les Québécoises continuent de méconnaître les gestes du quotidien qui ont le plus d’impact pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Ils confondent généralement enjeux climatiques et enjeux environnementaux et, au final, cela nuit à notre efficacité individuelle et collective.
À cette lacune s’ajoute un problème de vocabulaire. Le Baromètre 2020 montre que moins d’une personne sur cinq se dit capable d’expliquer facilement des termes comme « économie verte », « compensation carbone » ou « empreinte carbone ». Cela surprend, tant ces expressions sont souvent employées par les médias, les groupes de la société civile et le gouvernement.
Ces constats pointent vers ce qui pourrait être un angle mort crucial : l’existence d’un problème important d’analphabétisme climatique dans la population. Il semblerait que la majorité des gens ne maîtrisent pas encore les connaissances minimales pour pouvoir transformer leurs intentions en actions, à leur échelle.
Se pourrait-il aussi qu’existe au Québec une forme d’« élitisme climatique » ne tenant pas suffisamment compte de la capacité réelle des gens à comprendre et à agir? Et je ne m’exclus nullement de la chose.
Sans fournir de réponses exactes à ces questions, le Baromètre indique en revanche un grand besoin d’alphabétisation climatique de la population.
À ce tournant de l’histoire, le Québec a de très bonnes cartes dans son jeu : près de 80 % de sa population se dit prête à en faire davantage pour le climat, ce qui s’ajoute à ses atouts sur les plans technique, scientifique, financier et énergétique.
Les efforts de sensibilisation et d’éducation climatique 101 doivent donc s’intensifier si nous voulons créer l’effet de levier indispensable pour mettre en place les mesures et initiatives nécessaires et, ainsi, nous permettre d’atteindre nos objectifs collectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 et 2050.
Nous, acteurs climatiques, sommes tous interpellés par ce défi de réussir à trouver les codes pour mieux informer, mieux outiller et intéresser davantage les Québécois et les Québécoises afin d’enflammer le carburant humain de la transition et faire du Québec une société exemplaire, dans le monde, face au complexe défi climatique.
* Sondage en ligne réalisé du 14 au 19 septembre 2020 par Léger auprès d’un échantillon représentatif de 2003 personnes adultes résidant au Québec. Les résultats sont pondérés selon l’âge, le sexe, la région, la langue maternelle, la scolarité et la présence d’enfants au sein du ménage des répondants. Le Baromètre de l’action climatique est une réalisation du Laboratoire de l’action climatique, une collaboration entre Unpointcinq et une équipe de recherche de l’Université Laval.