Une agriculture de la solidarité au nord du Saint-Laurent

Laurence Gareau, Charles-Emmanuel Gagnon Coupal et Manu Poupart, des Jardins de Cap-aux-Oies, travaillent dans la bonne humeur
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Laurence Gareau, Charles-Emmanuel Gagnon Coupal et Manu Poupart, des Jardins de Cap-aux-Oies, travaillent dans la bonne humeur ©Émélie Bernier
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01 novembre 2023 - Émélie Bernier, Journaliste de l'Initiative de journalisme local

Dans Charlevoix comme ailleurs, les petites fermes maraîchères poussent à foison, pour le plus grand bonheur des communautés qui les accueillent. Plutôt que de jouer des coudes, les producteurs et productrices choisissent de collaborer, une façon de faire héritée de nos ancêtres.

Jardins de la Minga : vinaigre de feu pour communauté enflammée

Avant de tomber entre les mains d’Arianne Laprise et de Benjamin L’Ecuyer, la jolie colline où se déploie aujourd’hui la ferme maraîchère Les Jardins de la Minga a connu une longue période d’oisiveté. « C’est une terre qui était en friche depuis… 40 ans! Ça a donné une chance pour se démarrer en culture biologique, mais disons qu’il y a eu pas mal de travail pour y arriver », rigole Arianne Laprise.

Issus de la banlieue montréalaise, Benjamin et Arianne se sont connus au certificat en écologie à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et rêvaient de production maraîchère. Un coup de pouce inespéré est venu de la part des parents d’Arianne. « On cherchait une petite ferme dans un milieu de vie rural pour connaître nos voisins, développer un système d’entraide. Quand la ferme ici, à Baie-Saint-Paul, a été mise en vente, mes parents en ont fait l’acquisition pour nous permettre de nous lancer. »

« Pour repartir la production au champ, on a fait faire des travaux par des voisins qui avaient de la machinerie. Puis, durant deux ans, on a cultivé exclusivement des engrais verts ou presque pour contrôler les mauvaises herbes et redonner de la vitalité à notre sol », résume Arianne. La paire cultive officiellement depuis 2021, et tout se fait « à bras ».

En plus des légumes, le duo a développé un produit dérivé, le vinaigre de feu, fait à partir d’herbes, de racines et d’épices. « On s’est rendu compte assez vite que de s’en tenir au maraîchage, ce n’était pas suffisant avec tous les investissements qu’on avait à faire. Diversifier nos sources de revenus a pour but de pérenniser notre entreprise », explique la maraîchère.

Les soirées pizza des Jardins de la Minga attirent les foules
Les soirées pizza des Jardins de la Minga attirent les foules ©Courtoisie

Plus qu’une ferme

L’été, deux fois par mois, la vie s’anime autour du four à bois et on vient des quatre coins de la région pour déguster les succulentes pizzas qui y cuisent en un clin d’œil. Plus qu’une ferme, la « Minga »?

« Avant tout, notre mission d’entreprise, c’est d’avoir du plaisir! À cultiver, oui, mais aussi à offrir une expérience humaine. On aime recevoir, se retrouver entre amis, en famille et, à plus grande échelle, avec notre communauté de Baie-Saint-Paul et des environs. Les soirées pizza sont un prétexte pour amener des gens à la ferme. Ce n’est pas un 5 étoiles, c’est à la bonne franquette, mais la réponse est super belle! » lance Arianne Laprise en riant.

Les Jardins de la Minga ont une clientèle fidèle parmi les entreprises locales. Même le IGA du coin leur a cédé un espace dans ses étals. « Ce n’est pas donné à tous d’avoir le temps d’aller au marché public le dimanche. Ici, on a des dépanneurs, des épiceries qui font une place aux petits maraîchers, une belle collaboration. »

Travail minimal du sol, circuit de distribution le plus court possible (dont un kiosque en libre-service à la ferme), choix des fertilisants : dans l’ensemble du processus, Arianne et Benjamin ont le souci de leur environnement.

« Le nerf de la guerre est de rentabiliser nos activités, mais on souhaite toujours améliorer nos techniques pour avoir le meilleur impact possible sur notre milieu. On aimerait installer des haies brise-vent fruitières pour prévenir l’érosion, créer des habitats pour les oiseaux et en même temps récolter les fruits. Et un petit verger aussi… Ce sont des choses qui prennent du temps. »

Quelle chance : dans la jeune vingtaine, Arianne et Benjamin ont tout le temps qu’il leur faut!

Les Jardins de Cap-aux-Oies : ensemble, c’est tout!

Aux Éboulements, les Jardins de Cap-aux-Oies, fondés en 2020, ont pris racine sur une portion de territoire protégée par une association de copropriétaires, formée entre autres pour la soustraire au développement immobilier parfois un peu anarchique qui a cours dans la région.

Lorsque Charles-Emmanuel Gagnon-Coupal, petit-fils de l’une des membres de l’Association Grosse-Roche, est arrivé avec son projet de ferme maraîchère biologique diversifiée, les membres ont dit oui à l’unanimité!

« Le timing était bon, Grosse-Roche venait de faire des démarches avec L’ARTERRE [un service de maillage entre propriétaires et membres de la relève en agriculture] pour mettre les champs en location », raconte Laurence Gareau, copropriétaire de l’entreprise depuis le printemps dernier.

La ferme compte deux serres et quatre hectares de champs. Distribués dans les paniers de famille durant une vingtaine de semaines, les légumes produits sont aussi en vente au dépanneur du village et au kiosque libre-service d’une entreprise amie, la Ferme Éboulmontaise, un « match parfait ».

 On développe des projets collectifs, on s’entraide… Quand la Minga a bâti sa serre, on est allé les aider, et ils ont fait de même quand c’était notre tour. On fait du partage d’équipements, de connaissances, de main-d’œuvre. Et on développe une belle empathie les uns envers les autres parce qu’on partage le même métier.Laurence Gareau, copropriétaire des Jardins de Cap-aux-Oies

Les kimchi partys

Depuis la naissance de la ferme, une partie de la production est consacrée à la Célébration du kimchi, un événement convivial organisé par SymbiOse AlimenTerre à l’Action de grâce. « La production de légumes lactofermentés est faite pendant la célébration, puis vendue durant toute l’année. La lactofermentation est une façon saine de conserver les légumes, avec des nutriments pas nécessairement disponibles dans les légumes frais. Et ça donne accès à des saveurs plus complexes », s’enthousiasme Laurence, visiblement accro aux « lactos ». Et à la production participative qui a permis d’en fabriquer 3700 kg en 5 jours, du 5 au 9 octobre.

Laurence Gareau, Charles-Emmanuel Gagnon Coupal et Manu Poupart, des Jardins de Cap-aux-Oies, travaillent dans la bonne humeur
Laurence Gareau, Charles-Emmanuel Gagnon Coupal et Manu Poupart, des Jardins de Cap-aux-Oies, travaillent dans la bonne humeur ©Émélie Bernier

« C’est un modèle qu’on adore. On a plein de bénévoles qui viennent travailler avec nous, et qu’on rémunère en produits. C’est une super occasion de partager des connaissances, de se rencontrer, de créer un événement dans notre communauté tout en développant des produits qui nous ressemblent. »

La transformation diversifie les revenus en plus de limiter les pertes. « Ça permet de gérer les surplus et les invendus, les légumes déclassés et de leur donner une deuxième vie. C’est intrinsèque à nos entreprises d’être les plus responsables, les plus locales et les plus durables possible. »

Laurence a sciemment glissé vers le pluriel, car la collaboration est l’une des devises des entreprises maraîchères ébouloises.

« On développe des projets collectifs, on s’entraide… Quand la Minga a bâti sa serre, on est allé les aider, et ils ont fait de même quand c’était notre tour. On fait du partage d’équipements, de connaissances, de main-d’œuvre. Et on développe une belle empathie les uns envers les autres parce qu’on partage le même métier », explique Laurence.

Laurence et Charles-Emmanuel réfléchissent à l’avenir de leur ferme. Le duo lorgne du côté des paniers fermiers d’hiver, un créneau encore peu exploité dans la région. « Pour l’instant, il y a peu d’offres dans le bio pour des légumes d’hiver dans Charlevoix et même à Québec, et c’est un genre de culture qui nous intéresse, agronomiquement parlant. On sent que les légumes d’hiver sont mal-aimés alors qu’ils sont super intéressants au point de vue nutritionnel, mais aussi environnemental. Moins on importe, mieux la Terre se porte! » lance l’agricultrice avec conviction.

Jardin des chefs : honorer le legs de Jean Leblond

L’histoire du Jardin des chefs se confond avec celle du renouveau du maraîchage au Québec. En introduisant une panoplie de variétés nouvelles (patates bleues, betteraves jaunes, fleurs comestibles et autres mini-légumes au sommet de leur gloire), le regretté « jardinier des chefs », Jean Leblond, a très fort probablement donné l’élan au mouvement. Lorsqu’il a cédé les rênes à sa fille Valérie, celle-ci a choisi de faire du piment gorria (une indication géographique protégée interdit de l’appeler « piment d’Espelette » chez nous) et de ses déclinaisons sa principale production.

En 2023, la ferme est passée entre de nouvelles mains, celles de Gabrielle Robidoux-Martin et des frères Michael et Jean-William Côté. Le petit piment venu du sud-ouest de la France a gardé sa primauté, mais le trio a beaucoup de projets pour le lopin, idéalement situé dans le microclimat des Éboulements-Centre.

« À la base, on voulait se lancer dans le maraîchage bio de petites surfaces, ce pour quoi on a été formé entre autres au Jardin de la Grelinette, chez Jean-Martin [Fortier] et Maude-Hélène [Desroches]. Quand on a commencé à regarder les terrains, on a réalisé qu’il y a de bonnes et de belles entreprises qui font du maraîchage et qui desservent très bien la population de Charlevoix et même de Québec. On s’est demandé si on voulait jouer du coude… Même si on collabore, un autre joueur vient changer la dynamique et prendre une part de marché », estime Jean-William.

C’est là qu’une rencontre est venue tout changer… ou presque. « Via L’ARTERRE, on a rencontré Valérie. On a vite réalisé le legs colossal que la ferme représentait. Notre vision s’est adaptée, mais au fond, elle reste la même : on fait pousser des légumes de la manière qui correspond à nos valeurs, en appliquant les principes de l’agroécologie dans tous nos choix. Et au final, la transformation est une façon d’avoir des denrées non périssables toute l’année », lance Jean-William.

La première année de production en a été une de découvertes et d’apprivoisement pour les nouveaux propriétaires. « On a commencé les démarches pour faire notre précertification bio. Pour nous, c’est une affirmation importante, mais le but est de dépasser les critères de base. On veut créer un étang, des haies brise-vent fruitières, un microcosme vivant. »

Plusieurs grandes Célébrations du Kimchi sont orchestrées par SymbiOse AlimenTerre chaque année, dont celle qui se déroule depuis 3 ans au Jardin des Chefs
Plusieurs grandes Célébrations du Kimchi sont orchestrées par SymbiOse AlimenTerre chaque année, dont celle qui se déroule depuis 3 ans au Jardin des Chefs ©Émélie Bernier

Comme les corvées de jadis

Le Jardin des chefs est l’hôte de la Célébration du kimchi, « l’incarnation de tout ce qui se passe de beau chez nous », lance Jean-William. « C’est particulier en ce moment. De manière un peu implicite, en agriculture, les gens se donnent des coups de main, s’entraident, mais pousser ça à ce point-là, c’est extraordinaire! Il y a une volonté de faire des projets qui dépassent chaque entreprise individuellement », se réjouit le producteur maraîcher.

Cette collaboration est en quelque sorte une réponse aux défis du secteur. « On revient à l’essentiel. Avant, c’était le gros bon sens que de collaborer pour survivre. Dans le contexte actuel, avec l’inflation, la pénurie de main-d’œuvre et la job en agriculture qui est de plus en plus difficile, le fait de se mettre ensemble fait partie de la solution. On réduit nos charges individuelles en ayant des lieux, des équipements disponibles à tous et toutes. L’idéation qu’on fait ensemble, la créativité, c’est beau à voir! » lance-t-il, encore enivré des effluves de kimchi.

Dans Charlevoix, comme ailleurs, l’union fait définitivement la force!

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