«Underconsumption core» : quand TikTok se met à la sobriété

De gauche à droite : Vicky Payeur (@vivreavecmoins), Geneviève (@heyitslulu) et Joannie Panneton (@lestrictminimum_)
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De gauche à droite : Vicky Payeur (@vivreavecmoins), Geneviève (@heyitslulu) et Joannie Panneton (@lestrictminimum_)
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Retombées positives générales

Vous possédez une paire de chaussures que vous usez jusqu’à la corde et consommez vos produits jusqu’aux dernières miettes? Eh bien, même si vous n’avez attendu personne pour vous y mettre, toutes ces actions entrent dans l’« Underconsumption core », la dernière tendance TikTok (trend, pour les intimes) qui invite le public à la déconsommation. Décryptons ensemble ce phénomène viral.

« Je voulais montrer qu’il est possible d’être créatrice de contenu et d’avoir une vie tout à fait ordinaire », raconte Joannie Panneton, qui a adopté le minimalisme en 2016. Maman de bientôt trois enfants, elle a participé à la tendance qui a fait couler beaucoup d’encre cet été. Son compte Le Strict Minimum n’a pas encore sur TikTok la popularité qu’il a sur Instagram (27 000 personnes abonnées), mais Joannie en est convaincue : « Les gens sont contents de voir ce trend qui leur rappelle qu’ils n’ont pas besoin de consommer. »

 

 
 
 
 
 
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« Nous n’avons pas besoin de dépenser sans arrêt, contrairement à ce que véhiculent les gens sur les réseaux sociaux » abonde Geneviève, elle aussi jeune maman, qui publie depuis un an sur TikTok sur le compte @heyitslulu.

Sur le quatrième média social au pays, qui compte près de 6 millions d’utilisateurs et utilisatrices mensuels, dont 60 % de la génération Z, l’underconsumption core a émergé en juillet 2023. Cette tendance à faire la promotion du peu de choses que l’on possède (et de leur usure) a été propulsée par une vidéo de Maya Feldman, une Allemande de 18 ans qui montre son sèche-cheveux et ses tenues qu’elle utilise depuis des années. La vidéo obtient alors plus… de deux millions de vues.

De son côté, la vidéo de l’ancienne surconsommatrice québécoise Vicky Payeur (du compte @vivreavecmoins) dans laquelle elle présente ses meubles seconde main et la bouteille d’eau qu’elle utilise depuis des années a cumulé plus de 120 000 vues. En 2015, elle crée son blogue à la suite d’un endettement de 16 000 dollars. « Je me suis dit que la manière dont je vivais ne fonctionnait pas et que je devais revoir mes habitudes de A à Z », se rappelle-t-elle. Elle a donc commencé à documenter son parcours, qui consistait à réduire ses possessions.

La underconsumption core lui rappelle le chemin qu’elle a parcouru : « Je ne m’en rendais même plus compte, parce c’est quelque chose que je fais tous les jours », nous confie-t-elle.

Pour Maryse Côté-Hamel, professeure en sciences de la consommation à l’Université Laval, participer à la tendance est une « façon de reprendre le contrôle de sa consommation tout en montrant son quotidien de façon plus réaliste. » Aussi positive que soit cette prise de conscience chez les jeunes tiktokeurs et tiktokeuses, est-ce que l’underconsumption core n’est pas l’énième rebranding (ou redécouverte) d’un mouvement bien plus ancien?

Déconsommer, un phénomène nouveau?

« Déconsommer » a fait son entrée dans le Petit Larousse en 2021, 13 ans après celle du mot « décroissance ». Est-ce pour autant un phénomène nouveau? Dans notre vox pop, certaines personnes ont exprimé de la surprise et de l’incompréhension à l’égard d’une tendance jugée naturelle, normale et vieille comme le monde.

Et elles n’ont pas totalement tort. Presque chaque époque, rappelle Maryse Côté-Hamel, « il y a eu un mouvement de consommateurs et consommatrices qui allaient à l’encontre de la société de consommation ».

Les défis zéro déchet, No Buy Challenge ou Green Day, l’étiquette #minimaliste et autres #désinfluence sont les échos sur les réseaux sociaux de mouvements contestataires ou de contre-cultures qui ont en commun de prôner une forme de dépouillement (sobriété, simplicité volontaire, simple living, downshifting, slow life, good life, wabi-sabi, buen vivir, consumerinden, austérité joyeuse ou décroissance, pour n’en citer que quelques-uns).

Bref, le mouvement ne date pas d’hier. Pour Jean-Sébastien Marsan, c’est même « une vieille histoire ».

L’auteur de Se libérer par la déconsommation nous rappelle les modes de vie sobres prônés par certains philosophes de l’Antiquité comme le stoïcisme ou encore le mouvement hippie. Mais pour lui, la déconsommation est une « démarche plus radicale qui remet en question toutes les dimensions de notre existence ».

Un contexte favorable?

Les tendances qui invitent à moins consommer prennent racine dans les périodes économiques plus difficiles, indique Maryse Côté-Hamel. Nous nous soucions également de plus en plus de la planète.

Avec la hausse du coût de la vie, le sujet des finances personnelles est plus facilement abordé. Les consommateurs et consommatrices « ont conscience qu’ils ne sont plus nécessairement capables de suivre les tendances de manière générale pour la majorité de leurs postes de dépenses », poursuit la professeure.

Pour Vicky Payeur, qui produit du contenu depuis 10 ans, la viralité de ses vidéos est peut-être une « mode momentanée sur les réseaux sociaux », mais elle témoigne du fait que « consommer moins est une nécessité dans notre société en ce moment ».

 

 
 
 
 
 
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Est-ce à dire que la consommation ne fait plus rêver? C’est l’avis dont nous fait part Cécile Désaunay, autrice de La société de déconsommation : la révolution du vivre mieux en consommant moins.

Selon l’autrice française, nous sommes dans une phase de transition. Alors qu’il y a une quinzaine d’années, la consommation était une source de plaisir, de réussite et d’insertion sociale, aujourd’hui, elle est considérée comme un gaspillage de temps, de ressources et d’argent. « Nous passons trop de temps à consommer sans que cela nous rende plus heureux », poursuit Cécile Désaunay.

Ces changements transforment le milieu de l’influence. Amélie Deloche, cofondatrice du collectif Paye ton influence et consultante en communication et influence responsable en France, constate que de plus en plus d’influenceurs et influenceuses se font interpeller sur leurs partenariats par leurs abonnés et abonnées, mais que cela « reste une part minime. »

Le mouvement de déconsommation va-t-il durer dans le temps?

Pour Joannie Panneton, le meilleur des mondes serait que la tendance se poursuive. « En tant qu’individu, il ne faut pas être gêné de vouloir sortir de la société de consommation et de s’afficher comme cela », nous confie-t-elle.

@heyitslulu J’adore ce trend! Tout n’est pas obligé d’être esthétique. Il faut arrêter de dépenser de l’argent pour changer quelque chose seulement pour ça soit beau quand ce qu’on a est 100% fonctionnel dans le fond. #fyp #montreal #minimaliste #underconsumption #underconsumptioncore #moneysavingtips ♬ original sound – speedz!

Amélie Deloche, quant à elle, est moins optimiste : selon elle, les « jeux de l’appel à la consommation » sont vite de retour, comme elle a pu le constater avec la tendance de la désinfluence. Elle ne constate pas « de mouvement de fond de déconsommation, sauf pour des raisons de pouvoir d’achat. »

« Avec Paye ton influence, on essaie de créer de nouveaux imaginaires et récits de sociétés qui ne seraient pas fondés sur le consumérisme. Mais changer les normes sociales est extrêmement complexe », poursuit-elle. Amélie Deloche appelle à un réveil global du secteur.

Il n’est pas évident de changer d’imaginaire du jour au lendemain quand il n’existe aucun « imaginaire aussi puissant que le consumérisme pour remplacer le consumérisme », déplore Cécile Désaunay. Reste que de plus en plus de jeunes visages participent, doucement mais sûrement, à changer les mentalités en participant à des tendances, comme celle-ci. Finalement, les médias sociaux ont peut-être un rôle à jouer dans la création de nouveaux imaginaires…

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