Récolter des légumes frais et de surprenantes amitiés

Deux personnes arrosent des plantations
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©Julie Malouin
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02 août 2023 - Émélie Bernier, Journaliste de l'Initiative de journalisme local

À Baie-Comeau, le Réseau nourricier permet entre autres de sensibiliser la population aux bienfaits du jardinage tout en renforçant la sécurité alimentaire. Précieux dans une région où l’hiver dure plus longtemps qu’ailleurs.

Pimpants octogénaires, Aline Michaud et Armand Gagné sont souvent à genou dans leur petit lopin où poussent, un peu pêle-mêle, laitue, haricots, petits pois et autres tomates. On devine qu’ils y récoltent non seulement de beaux bouquets de légumes frais, mais encore davantage de fierté et de surprenantes amitiés.

À Baie-Comeau, un exercice de démocratie participative avant-gardiste, Ma ville, ma voix, offre depuis 2011 l’occasion aux citoyennes et aux citoyens de choisir, parmi une panoplie d’idées émanant de la collectivité, les projets auxquels ils souhaitent que la Ville accorde son attention et… ses moyens. L’initiative, qui résulte de la Politique de développement durable de la Ville, dispose d’ailleurs d’un allié de taille puisque les projets retenus sont financés en partie par le fonds Aluminerie de Baie-Comeau pour les collectivités durables.

Parmi les heureux élus, le Réseau nourricier est particulièrement porteur dans une région où l’hiver dure plus longtemps qu’ailleurs et où le coût des denrées fraîches est proportionnel à la distance que celles-ci doivent parcourir pour se rendre jusqu’aux épiceries…

Comme tous les projets soutenus par Ma ville, ma voix, le Réseau nourricier et ses déclinaisons sont arrimés à un organisme qui agit à titre de porteur de projet. Dans le cas présent, la Maison des familles a accepté de jouer ce rôle, Stéphanie Saint-Gelais en assurant la direction. Son enthousiasme est palpable :

« Au départ, l’idée est venue du collectif citoyen Transition Manicouagan. Son intention était d’implanter des jardins communautaires dans les écoles, les garderies, pour que les enfants jouent dans la terre dès leur plus jeune âge. On a réalisé, par contre, en faisant le tour des partenaires potentiels, que tout le monde ne partageait pas la même volonté… »

Plutôt que de tenter de faire pousser les fleurs en tirant dessus, Transition Manicouagan et la Maison des familles ont tenté de trouver un terreau plus fertile. « De notre côté, on opère déjà un premier jardin communautaire dans le secteur Mingan depuis 10 ans, alors on a proposé à Transition Manicouagan de travailler d’abord à l’implantation d’un second jardin communautaire, dans l’autre secteur de la ville, Marquette. Pour répondre à l’intention première, on a choisi un lieu près des écoles primaire et secondaire », raconte Stéphanie Saint-Gelais. Le lieu choisi est également entouré d’immeubles d’habitation, peu propices aux élans potagers.

Aline Michaud et Armand Gagné
Aline Michaud et Armand Gagné ©Claudia Martel

« Donner des fraises, sarcler les lopins… »

Le jardin d’une trentaine de parcelles a été inauguré ce printemps et les légumes y poussent déjà à foison. Des formations sont offertes aux adeptes d’agriculture en herbe. Elles portent tantôt sur les semis, tantôt sur l’entretien du jardin, jusqu’à la transformation et la conservation des denrées récoltées.

Aline et Armand jardinent du côté de Mingan depuis six ans. Le duo y trouve beaucoup de bonheur. « J’aime partager des choses, donner des fraises, sarcler les lopins… On est chanceux d’avoir un p’tit coin de même. Y’a pas ça ailleurs, c’est pas aussi beau. Et c’est écologique en plus. J’aime la nature, y toucher, m’y reposer. J’y vais à mon rythme », souligne Aline.

Son amoureux, Armand, abonde dans le même sens : « Ça fait un plus dans ma journée. Tous les matins, je me rends au jardin. J’aime ça prendre soin de mon petit lopin, l’arroser, pis les autres lopins qui en ont besoin. J’aide à ma façon. On rencontre du nouveau monde. Ça fait jaser et j’aime ça jaser, ça me fait oublier mes vieux malaises. Ça brise mon isolement. Je connaîtrai bientôt tout le monde, on prend le temps de se saluer, de parler; ça fait du bien. »

Le jardin à l’école, l’école au jardin

L’engouement et la publicité autour du second jardin ont eu un effet collatéral inespéré. « Le Centre de services scolaire, qui était le premier partenaire visé, est venu vers nous pour nous demander d’implanter un réseau nourricier pour le milieu scolaire. Ainsi, on est revenu à la base du projet, mais on l’a amené encore plus loin, entre autres en développant un projet de formation en maraîchage nordique pour la clientèle de la formation professionnelle », explique, emballée, Stéphanie Saint-Gelais.

Initier les enfants au jardinage dès le primaire et mener peut-être certains à développer une passion et une carrière en maraîchage nordique? Ce continuum fait rêver Stéphanie et tous ceux qui s’impliquent dans le réseau nourricier.

« C’est une belle ligne, autant dans le parcours scolaire que dans la volonté d’inculquer à nos jeunes l’importance de la terre et de prendre soin de l’environnement. Tous les projets ont été déposés pour aller de l’avant avec l’implantation d’un jardin à l’école primaire Saint-Cœur de Marie, l’installation de bacs extérieurs à l’école secondaire Serge-Bouchard et la construction d’une première serre au Centre d’éducation des adultes de l’estuaire. On attend les réponses cet automne, mais on a confiance », se réjouit-elle.

Cette serre servira autant aux élèves du cheminement régulier qu’à ceux du programme de formation semi-spécialisée en culture maraîchère en contexte nordique, fer de lance du projet Réseau nourricier.

« On a sondé les producteurs du territoire et ils sont aussi avec nous dans l’aventure. Tous nous ont dit avoir de la difficulté à trouver du personnel formé et ne pas suffire à la demande de produits frais. De là est venue l’idée de cette formation, qui serait assez unique au Québec et qui répondrait vraiment à un des objectifs premiers de l’initiative de Transition Manicouagan : le développement de la sécurité alimentaire. »

Renforcer la sécurité alimentaire

Les productrices et producteurs maraîchers ne perçoivent-ils pas cet élan vers l’autonomie comme une menace à leur gagne-pain? « Au contraire, ils savent bien que les personnes qui utilisent nos jardins n’ont pas nécessairement les moyens de s’abonner aux paniers fermiers ou de payer 2 $ à 3 $ pour une tomate bio… »

L’accès à une nourriture saine et abordable est une des priorités du plan directeur de la Maison des familles. « Dans certains secteurs de Mingan, l’indice de défavorisation est de 10 sur 10. Devant cette réalité, en plus de la démarche avec les écoles, on tient à développer un réseau nourricier pour la communauté. Notre objectif est vraiment de renforcer la sécurité alimentaire. »

La bibliothèque Alice-Lane donnera en outre accès à une bibliosemence dès cet automne.

Mère et fils devant une plantation
©Julie Malouin

Cultiver le bonheur

En attendant l’implantation de toutes ces jeunes pousses, chaque jour, la magie opère dans les jardins communautaires. « Tout le monde s’entraide et c’est vraiment riche de conversations, d’échanges… Les personnes âgées partagent leurs connaissances, les nouveaux arrivants cultivent des variétés méconnues chez nous. Tout ce beau monde qui vie en appartement est content de cultiver. Nos ateliers, gratuits, sont toujours courus et vraiment appréciés parce qu’on a aussi des gens qui n’avaient jamais mis une graine en terre dans notre gang. C’est spécial et précieux, ce qui se passe dans un jardin communautaire… », indique, émue, la directrice de la Maison des familles.

Près de 200 personnes de tous âges s’agenouillent dans les quelque 60 lopins des 2 jardins… « Chacun gère son lopin, mais il y a des parties qui sont communes et collectives où on va planter ce qui pousse tout seul : des pommes de terre, des carottes, des courges, des asperges… On récolte ensemble, tout est partagé et les surplus vont dans notre frigo communautaire, le premier de la Côte-Nord », lance-t-elle, non sans une pointe de fierté.

Tous ces beaux projets coûtent évidemment des sous. Outre Ma ville, ma voix, qui finance jusqu’à 75 % des projets choisis par la collectivité, le Centre de services scolaire, Innovation et développement Manicouagan et quelques partenaires privés, la Société du Plan Nord apporte également sa part d’eau au moulin.

« La pandémie a vraiment beaucoup appauvri nos familles et nos résidents. Le panier d’épicerie ici est archicher. Le Réseau nourricier arrive à point nommé et le levier offert par Ma mille, ma voix est super important. Souvent, quand tu as des projets d’envergure comme ceux-là, dont le budget est de plusieurs centaines de milliers de dollars, si personne ne se mouille, les autres ne suivront pas. Mais quand tu sais que c’est un projet qui vient de la base, qui répond à un réel besoin, que tu as des partenaires comme ça, tout est possible », conclut Stéphanie Saint-Gelais.

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