Suer pendant 170 km de trekking, de nage, de vélo, de canot, de course à pied, de rappel et autre tyrolienne représente un défi en soi. Mais celui que relève le Raid Témiscamingue n’est pas moins grand : prendre racine dans une région où les sports motorisés ont encore la cote.
C’est un concours de circonstances, mais la troisième édition du Raid Témiscamingue s’est déroulée cette année en partie à Notre-Dame-du-Nord. Cette municipalité constituait le terrain de jeu du Rodéo du camion, événement dont l’édition 2024 a été annulée pour des raisons de sécurité et d’assurance et qui vient d’annoncer qu’il déménagera ses pénates à Mattawa, en Ontario, l’été prochain.
Si la préfète du Témiscamingue se défend de vouloir faire du Rodéo de l’histoire ancienne – c’est l’un des événements les plus fréquentés de la province dans son créneau –, elle se réjouit tout de même de voir le tourisme d’aventure et le développement de saines habitudes de vie prendre du galon dans son coin de pays.
« Pour tout notre approvisionnement, on a besoin du grand transporteur. Le Rodéo du camion, c’est un événement qui souligne une partie importante de notre socialisation, de notre communauté, précise d’emblée Claire Bolduc. Mais le Raid met en lumière un tout autre environnement », poursuit-elle du même souffle, précisant que le tourisme d’aventure est l’un des trois grands axes ciblés par la MRC pour le développement du territoire aux côtés de l’agriculture innovante et des énergies renouvelables.
Car le Témiscamingue, avec ses nombreux lacs, ses champs agricoles à perte de vue et ses vastes forêts, offre effectivement toute une gamme de possibilités pour les amateurs de sensations fortes. C’est d’ailleurs ce qui a incité Endurance Aventure à le choisir pour la tenue de son dernier-né.
« Quand on est arrivés ici et qu’on a vu l’immensité du territoire, ça a été un coup de cœur immédiat. Avec un territoire comme ça, on peut se projeter dans le futur. Pour faire un Raid chaque année, il faut faire un nouveau parcours parce que les coureurs cherchent la nouveauté. Ici, on peut s’installer et bâtir un événement à long terme », fait valoir Jean-Thomas Boily, directeur des opérations et cofondateur d’Endurance Aventure, qui compte 20 ans d’expérience dans l’organisation d’événements du genre.
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Former une relève sensible à la protection de la nature
L’ancien athlète de ski paranordique, qui a participé aux Jeux paralympiques de Turin en 2006, fait par ailleurs valoir que les régions sont des incubateurs de choix pour former une série d’ambassadrices et d’ambassadeurs pour les sports non motorisés – incluant les quelque 114 jeunes qui ont participé au prologue jeunesse du Raid Témiscamingue cette année. En d’autres mots, soutient-il, non seulement on les sensibilise à l’importance de prendre soin de la nature, mais on les invite aussi à troquer le quatre-roues ou la motoneige pour le transport actif.
« Par exemple, en Gaspésie où on a tenu un raid, les jeunes de l’An 1 ont gagné la portion élite du raid international six ans plus tard parce qu’ils étaient rendus adultes et avaient grandi avec le Raid. Maintenant, la Gaspésie est un berceau de “raideurs” et de coureurs d’aventure », illustre-t-il.
Isia Laliberté, un Anishinaabe de 4e secondaire qui vient de remporter un vélo tout neuf grâce à sa participation au raid jeunesse, confirme avoir y contracté la fièvre du plein air. Il dit vouloir continuer à pratiquer ces sports « sans moteur », notamment pour communier avec son grand-père. « Mon grand-père m’a beaucoup aidé dans la vie à avoir confiance. Je lui dédierais ma course. Avec lui, j’allais plus à la chasse, à la pêche, en canot », se remémore-t-il, espérant pouvoir participer à la course professionnelle lorsqu’il aura « l’âge, l’expérience et l’entraînement ».
Le Témiscamingue sur une lancée pour le tourisme nature
La coordonnatrice du Raid considère par ailleurs qu’au cours des dernières années, le Témiscamingue a fait des pas de géant au chapitre de la promotion des sports « propres », citant en exemple la mise sur pied de la Coop de l’arrière-pays – qui loue des équipements en plus d’organiser des sorties de plein air – ainsi que le petit dernier du réseau de la SÉPAQ, le parc national d’Opémican. « Il y a une belle synergie qui s’installe. Il est beau, notre territoire, mais il est quand même précaire, et c’est important de commencer à penser à le préserver. On sent que c’est comme le début d’une grande aventure », observe la coordonnatrice du Raid, Chloé Beaulé-Poitras.
Il s’agit d’une opinion partagée par la préfète Claire Bolduc. « Le Raid nous ouvre une fenêtre sur le monde pour faire découvrir ce qu’on est », estime-t-elle, faisant référence à la visibilité qu’offrira à sa région l’émission récapitulative qu’Endurance Aventure diffusera dans 150 pays le printemps prochain. « Ce qu’on souhaite, c’est que les gens découvrent le Témiscamingue et, une fois qu’ils l’ont découvert, qu’ils reviennent et qu’ils l’adoptent! »
Évaluer l’empreinte carbone de quatre événements de la région
Le Raid Témiscamingue est l’un des quatre événements inclus cette année dans le projet-pilote Carbone AT pour la compensation des gaz à effet de serre (GES) générés par la tenue d’événements. Le Festival d’humour émergent en Abitibi-Témiscamingue, à Rouyn-Noranda, le Festival de la relève indépendante musicale en Abitibi-Témiscamingue, à Val-d’Or, et la Foire d’automne d’Abitibi-Ouest sont les trois autres.
« Il y a une firme qui nous a demandé plein de données : ce qu’on mange, où est-ce qu’on est hébergés, etc. », énumère la coordonnatrice du Raid, Chloé Beaulé-Poitras, précisant que tout est passé au peigne fin, des déplacements en avion des équipes internationales à l’hébergement des courriels sur des serveurs. « Tout ça va être compilé pour analyser et évaluer notre empreinte carbone. Et après, ça va nous donner une base pour savoir où on pourrait la diminuer », poursuit-elle, déjà fière que son organisation ait choisi de troquer les traditionnels prix de présence par la distribution de 300 arbres à planter.
Ce qui est pour l’instant un projet-pilote chapeauté par les sociétés d’aide au développement des collectivités (SADC) de l’Abitibi-Témiscamingue devrait mener à la mise sur pied d’un organisme régional. « Une structure officielle va être créée pour les phases subséquentes, une plateforme où les gens, les organismes, les événements, les entreprises vont pouvoir compenser avec des plantations en région », précise l’agent de développement pour les secteurs forestier et énergétique à la SADC d’Abitibi-Ouest, Marco Gagnon. Le porteur de dossier fait d’ailleurs valoir qu’une première plantation de 4000 arbres a déjà été réalisée à Colombourg, en Abitibi-Ouest.