Mon 38e hiver à vélo

Velo hiver pont champlain montreal
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Stéphane sur le pont Samuel de Champlain © Sylvain Turner
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À Montréal comme à Québec ou Gatineau, les cyclistes sont de plus en plus nombreux à affronter l’hiver. Et, croyez-le ou non, ils y prennent du plaisir. Comme moi, qui pédale quatre saisons depuis bientôt 40 ans.

Ma 38e saison de cyclisme d’hiver se termine de façon étrange. Pas tant à cause du printemps, particulièrement hâtif cette année, qu’en raison de la COVID-19. Pour la première fois de ma vie de pédaleur, je dois me soucier de garder mes distances avec les cyclistes, les coureurs et les piétons que je croise dans les rues. Mais aussi longtemps qu’il me sera permis de rouler, je le ferai – hiver comme été –, car c’est un besoin vital pour mon corps et mon esprit.

Pour moi, le vélo d’hiver est un choix délibéré. Je l’ai fait après mon déménagement à Montréal en 1982. Je n’avais pas de voiture et, comme je vivais sur le Plateau Mont-Royal, proche de tout, je ne sentais pas le besoin d’en acheter une. Depuis, de décembre à avril, je parcours en moyenne 50 km à vélo par semaine pour garder la forme, me rendre à mes lieux de loisir et faire mes achats. Mon objectif est d’effectuer le maximum de mes déplacements en mobilité active. L’activité me permet de rester en forme et, en plus, elle est bénéfique pour le climat.

Aujourd’hui, la pratique est assez répandue. Selon L’état du vélo au Québec en 2015, de Vélo Québec, 180 000 adultes font du vélo au moins une fois de décembre à mars, et 100 000 en font durant les mois les plus froids, janvier et février. Si l’on compare avec ceux qui pédalent de mai à septembre – 3,2 millions –, ça peut sembler peu, mais le cyclisme d’hiver est en constante augmentation.

velo sur glace quebec montreal fat bike
Lors du festival Vélo sur glace, en février. Départ d'une course de vélos de type ''fat bike''.

 

Quand j’ai commencé, en 1982, les cyclistes étaient plutôt rares dans les rues enneigées de Montréal – encore plus dans les autres villes de la province. Il était courant que je me fasse klaxonner par des automobilistes pressés et, pour tout dire, j’ai souvent eu l’impression d’être un ovni. Plusieurs se disaient sceptiques quant à mon mode de transport, qu’ils jugeaient dangereux. Les mêmes questions revenaient : « T’es pas un peu fou? », « T’as pas froid? », « As-tu des pneus d’hiver? », « T’as pas peur de glisser sur une plaque de glace? »

Aujourd’hui encore, il arrive que je me fasse poser ce genre de questions. Bien sûr, il faut adapter sa conduite – en faisant des virages de plus grande amplitude, par exemple –, éviter de rouler sur des plaques de glace et s’habiller adéquatement. Mais, durant toutes ces années, je n’ai jamais raté un seul hiver. Ç’a toujours été un bonheur.

Je dois avouer que cette pratique est ancrée en moi. Adolescent, j’habitais à Longueuil et j’utilisais déjà mon vélo, été comme hiver, pour livrer le journal La Presse à ma centaine d’abonnés. À cette époque, il n’y avait pas de bécik adapté à la saison froide, alors il m’arrivait parfois de glisser sur la glace. Mais la commodité l’emportait sur les quelques inconvénients. Je m’étais vite rendu compte qu’il était plus rapide et plus efficace de procéder de cette façon, surtout pour livrer l’édition du samedi, qui était très épaisse (les journaux vivaient bien de la publicité dans les années 1970).

velo glace montreal fat bike
Aujourd’hui, il est courant de voir des vélos avec pneus cloutés ou à crampons à l’avant et à l’arrière.
Piste Nord-Sud Laval fat bike
La piste Nord-Sud à Laval n'est pas déneigée l'hiver, ce qui n'empêche pas les cyclistes d'y rouler.

Une pratique qui a évolué

Hiver après hiver, j’ai été témoin de l’évolution de la pratique. Les fabricants ont commencé à concevoir des vélos adaptés, avec chaîne protégée, pneus larges, cadre robuste, etc. De leur côté, les cyclistes ont graduellement accordé plus d’importance à la sécurité. Aujourd’hui, il est courant de voir des vélos avec pneus cloutés ou à crampons à l’avant et à l’arrière. Et les cyclistes portent souvent le casque (parfois sous la tuque, très chic), ont un bon système d’éclairage (pas tous, mais bien plus qu’avant) et mettent des lunettes de ski pour protéger leurs yeux du froid, du vent et de la neige (bien utile lors de tempêtes, croyez-moi).

Depuis quelques années, je constate que les journées où le mercure atteint de -15 à -30 °C sont plus rares, et cette température plus clémente encourage la pratique du vélo.

Au début, mon habillement n’était pas toujours bien adapté. Dans les années 1980, je portais un gros manteau de cuir chaud et pesant. J’arrivais souvent à destination tout en sueurs. Depuis quelques années, je m’habille beaucoup plus léger, en système multicouche, comme si je partais faire du ski de fond. On a froid un peu au début (c’est même recommandé), mais on se réchauffe vite en roulant.

Le climat a aussi changé… à cause du réchauffement climatique, sans doute. Il y a 40 ans, les périodes de grand froid étaient plus intenses et duraient plusieurs jours. Depuis quelques années, je constate que les journées où le mercure atteint de -15 à -30 °C sont plus rares, et cette température plus clémente encourage la pratique du vélo.

« Les compteurs présents sur le réseau le démontrent : il y a plus de cyclistes par temps doux », confirme Marianne Giguère, conseillère associée au développement durable et aux transports actifs au comité exécutif de la Ville de Montréal.

« Il y a aussi plus de filles qui pratiquent l’activité », se réjouit de son côté la porte-parole de la Coalition vélo de Montréal, Claudine Sauvadet, qui aimerait cependant qu’il y ait plus de pistes protégées. « L’arrivée du Réseau express vélo (REV), sécuritaire et conçu pour un usage quatre saisons, est un pas dans la bonne direction », souligne-t-elle.

Dans les années 1980 et 1990, ces pistes cyclables protégées étaient une denrée plus que rare à Montréal. Dans certains secteurs, notamment le centre-ville, il n’y en avait tout simplement pas. Après des années de revendications, la Ville a – enfin! – aménagé, en 2007, une piste cyclable protégée qui le traverse de part en part (la piste Claire-Morissette, qui sillonne le boulevard De Maisonneuve). Avant cet aménagement et les autres qui ont suivi, rouler à vélo était bien plus périlleux. Le risque de se faire emportiérer était réel, et il l’est encore. Pour ma part, cela ne m’est jamais arrivé, car j’ai vite compris qu’il fallait que je prenne « ma place dans le trafic ». Ainsi, je m’écarte d’au moins un mètre des voitures stationnées.  

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Stéphane en vélo au mois de mars 2020.

Rouler l’hiver sur deux roues, c’est assumer pleinement sa nordicité!

Déneiger pour favoriser la pratique

En tout cas, les cyclistes sont désormais plus en sécurité pour pédaler. Il est possible de traverser l’île de Montréal d’ouest en est et du nord au sud en circulant sur des pistes cyclables. À lui seul, le réseau cyclable de la Ville de Montréal totalise ainsi quelque 900 km, incluant les pistes protégées, les pistes en site propre, les bandes cyclables et les chaussées désignées. En 2019, la compagnie d’assurances allemande Coya classait d’ailleurs Montréal comme la meilleure ville où rouler à vélo en Amérique. Sur le plan mondial, cependant, la métropole arrivait au 18e rang après plusieurs villes européennes (la seule autre ville canadienne à figurer dans ce classement était Vancouver, en 37e position).

Déneigés et déglacés, « les trois quarts du réseau restent accessibles l’hiver », signale par ailleurs Marianne Giguère. Moi, ce déneigement croissant du réseau m’encourage plus que jamais à poursuivre ma pratique. Contrairement à bien des gens qui pestent contre l’hiver et ne rêvent qu’à s’évader dans le Sud en saison froide, j’ai toujours hâte d’enfourcher mon vélo lorsque les premiers flocons se pointent. Rouler l’hiver sur deux roues, c’est assumer pleinement sa nordicité!

En croissance au Québec

L’engouement pour le cyclisme hivernal n’est pas que montréalais, bien qu’il soit très fort dans la métropole – où on a observé une hausse de 160 % de 2015 à 2017! Dans plusieurs autres villes de la province, comme Gatineau, Québec, Trois-Rivières et Longueuil, le nombre de cyclistes hivernaux est lui aussi en croissance.

Bien qu’il y ait encore des chroniqueurs pour fustiger cette pratique, « le phénomène est maintenant panquébécois », affirme Magali Bebronne, chargée de projet en transport actif à Vélo Québec. « Des villes comme Gatineau et Québec commencent à déneiger leurs pistes. »