Faut-il interdire la publicité automobile?

Illustration ©Jacques Goldstyn
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©Jacques Goldstyn
Created with Lunacy 4 min

05 avril 2023 - Simon Diotte, Coureur des bois dans l'âme

Dans le passé, on a interdit la publicité pour les cigarettes en raison de leur aspect nocif pour la santé. N’est-il pas temps de faire de même pour les automobiles, surtout pour les plus nuisibles pour le climat?

Avez-vous récemment regardé un match des Canadiens de Montréal à la télé? Tout au long de la joute, les téléspectateurs sont bombardés de publicités de camions légers. La rivalité ne se passe plus sur la patinoire, mais dans un monde parallèle. C’est à qui aura le meilleur pick-up, le plus fort, le plus robuste, celui qui permet de conquérir le plus de rivières et de forêts. Avec tout ce matraquage publicitaire, on en vient presque à oublier qu’il y a des athlètes qui luttent pour une puck sur la glace!

Les constructeurs automobiles font surtout la promotion de leurs modèles les plus rentables, soit les camions légers, catégorie qui englobe les véhicules utilitaires sport (VUS) et les camionnettes. D’où ce battage publicitaire vantant leurs mérites. Signe de cette tendance, en 2019 et 2020, 79 % des pubs de véhicules dans les quotidiens et magazines québécois représentaient des camions légers, d’après « Sans limite : la publicité automobile au Canada », une étude menée par Équiterre en collaboration avec Polytechnique Montréal, HEC Montréal et le groupe de recherche CIRANO.

La plaie des VUS

Si l’industrie dépense autant dans les médias, c’est parce que ça marche. À preuve : quatre des cinq véhicules les plus vendus au Québec en 2022 étaient des camionnettes, alors que le cinquième était un VUS. De 1990 à 2021, la part de camions légers dans le parc automobile québécois a explosé de 253 %! En 2021, ils représentaient 71 % des ventes de véhicules neufs. Depuis 2015, il se vend plus de camions légers que de voitures au Québec, indique le rapport « État de l’énergie au Québec », dans son édition 2023.

La publicité crée la demande. Le problème, c’est que l’appétit des consommateurs pour les camions légers a des conséquences climatiques et environnementales. Puisqu’ils sont plus lourds, ces véhicules plus énergivores émettent 31 % plus de gaz à effet de serre (GES) par kilomètre parcouru que les voitures ordinaires. En plus, le parc automobile ne cesse de prendre de l’expansion, le nombre de véhicules ayant augmenté de 15 % entre 2010 et 2020. Une autre mauvaise nouvelle pour le climat.

Une étude britannique s’est penchée sur la demande croissante pour les VUS. Elle conclut que plus on est exposé aux publicités de VUS, plus on est porté à en acquérir un. Ainsi, une personne régulièrement exposée à ce type de publicités a 250 % plus de chance de posséder un tel véhicule qu’une personne se disant rarement exposée. Les auteurs de l’étude estiment que la réduction de l’exposition à la publicité de VUS pourrait induire une baisse de la demande pour ce type de véhicule.

Les preuves que la prolifération des véhicules contribue au réchauffement climatique ne sont plus à démontrer. À partir de ce constat, il faut agir, comme on a interdit la publicité du tabac à une autre époque.

Valérie Vedrines, fondatrice de Masse critique

Interdire : la solution?

Faut-il limiter ou carrément interdire les publicités automobiles? La question fait actuellement l’objet de discussions de plus en plus vives au Québec. Valérie Vedrines, fondatrice de Masse critique, un regroupement qui vise à réduire l’empreinte socio-environnementale de l’industrie des communications au Québec, constate que le milieu de la pub a de plus en plus de réticence à promouvoir des comportements destructeurs de l’environnement. « On est en pleine remise en question », dit-elle.

Pour cette ex-publicitaire qui connaît bien le pouvoir du médium, il ne fait pas de doute qu’il faut interdire la pub automobile le plus rapidement possible : « Les preuves que la prolifération des véhicules contribue au réchauffement climatique ne sont plus à démontrer. À partir de ce constat, il faut agir, comme on a interdit la publicité du tabac à une autre époque. »

Jérôme Laviolette, chercheur en mobilité urbaine et docteur en génie des transports, abonde dans le même sens : « Il s’agit d’un des leviers sur lequel on peut appuyer pour réduire l’attrait de l’automobile. » Tout comme Valérie Vedrines, il suggère qu’on procède par étape, en commençant, par exemple, par bannir la publicité des véhicules les plus gourmands en essence. « Ça laisserait le temps aux médias, qui dépendent des revenus publicitaires, de s’adapter », dit-il. Aux prophètes de malheur qui croient que la fin de cette source de revenus achèverait les médias d’information, le chercheur rappelle qu’on l’a déjà fait pour le tabac. « D’autres annonceurs feront leur apparition et combleront ce vide », pense-t-il.

Encadrer la pub

Actuellement, la publicité automobile est fort peu encadrée au Québec et au Canada. Les constructeurs automobiles ont le champ libre et ils en profitent : la plupart du temps, leurs publicités mettent de l’avant de gros véhicules qui dominent la nature, des paysages qui servent de faire-valoir à la puissance de ces engins, indique l’étude québécoise mentionnée plus haut.

Face à la crise climatique, plusieurs pays dans le monde ont décidé de réviser leurs politiques d’encadrement de la publicité automobile. La Norvège sévit contre les annonceurs qui prétendent que leur voiture est écologique ou propre, ce qui est considéré comme un mensonge, car aucun véhicule, même à propulsion électrique, n’a de vertus écologiques. En Belgique, au Royaume-Uni et en France, les annonceurs doivent indiquer dans leurs publicités la quantité d’émissions de CO2 produites par la voiture présentée.

En France, depuis mars 2022, les publicités automobiles doivent en outre promouvoir… la mobilité active! Chaque pub doit contenir la mention #SeDéplacerMoinsPolluer ainsi que l’un des trois messages suivants : « Pour les trajets courts, privilégiez la marche ou le vélo », « Pensez à covoiturer » ou « Au quotidien, prenez les transports en commun ».

Des idées pour le Québec? Entre l’interdiction et l’encadrement, plusieurs avenues existent. Pour le moment, le gouvernement Legault affirme qu’il n’a pas l’intention d’adopter des mesures afin de freiner l’appétit des consommateurs pour les véhicules les plus énergivores. Le gouvernement caquiste compte sur l’électrification des transports pour atteindre ses cibles climatiques. Mais est-ce que ça sera suffisant?

Pourquoi pas?

Au-delà de la question climatique, de nombreux arguments poussent à une révision de l’encadrement de la publicité automobile au Québec et au Canada. « Rappelons que la prolifération des grosses voitures ne nuit pas seulement au climat : ces monstres de métal accentuent la congestion routière, mettent en danger les autres usagers de la route comme les cyclistes et les piétons, plus vulnérables, et fragilisent les finances des ménages en raison de leur coût plus élevé », soutient Jérôme Laviolette.

Un monde sans pub auto, aussi séduisant qu’un monde sans fumée.

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