La décroissance? Non, la sobriété!

Foule qui danse
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©Shutterstock/Vincent JIANG
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24 octobre 2022 - François Delorme, Consultant et professeur d'économie

On a longtemps associé le concept de la décroissance aux années 1970, où elle était le rêve de la Beat Generation, soit les émules des Kerouac, Ginsberg, Burroughs et compagnie, ou du mouvement hippie, dont les hipsters ne sont que la plus récente incarnation. L’idée est souvent attribuée aux utopistes de l’époque qui n’avaient pas les pieds sur terre et ne comprenaient rien à la formidable efficacité de l’économie de marché.

Pourtant, la décroissance et son corollaire, la sobriété, ne sont pas des concepts modernes. Les philosophes de l’Antiquité en prônaient déjà les bienfaits. Platon, par exemple, parlait de tempérance comme d’une vertu cardinale (avec la prudence, le courage et la justice) et s’opposait à la démesure. Aristote, quant à lui, condamnait la chrématistique, c’est-à-dire la recherche de profits illimités. Le penseur vantait les mérites de la modération et de la prudence. Épicure, dans sa Lettre à Ménécée, écrivait qu’il existe plusieurs types de désirs, certains dits « naturels » (nécessaires) et d’autres vains (illimités, insatiables). Les textes chrétiens ont par la suite repris cette interprétation de modération et de tempérance.

La véritable utopie n’est-elle pas de croire qu’on peut continuer à faire croître infiniment une économie grâce à la toute-puissance des marchés dans un monde où les ressources sont épuisables? Autrement dit, la croissance du PIB fait-elle partie du problème plutôt que de la solution?

Transformer nos modes de vie et nos institutions

Aujourd’hui, « décroissance » n’est plus un terme tabou, même parmi les économistes. Et le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a contribué à légitimer la décroissance en misant sur ce concept dans son rapport d’avril 2022, où il en propose une définition diplomatique et consensuelle : « Toutes les mesures qui permettent d’éliminer l’utilisation d’énergie, de matériaux, de terre et d’eau, tout en garantissant le bien-être de tous, dans le cadre des limites planétaires ».

Le GIEC estime ainsi que la réduction de la demande, qui comprend aussi des mesures de sobriété et d’efficacité, peut contribuer, d’ici 2050, à atténuer le changement climatique de 40 % à 70 %.

Cela étant dit, le sujet de la sobriété n’a pas encore toute la place qu’il mérite. En effet, sur les 700 scénarios qui visent à limiter le réchauffement de 1,5 à 2 degrés, seulement quatre (0,6 %) intègrent des mesures de sobriété et à peine deux (0,3 %) font explicitement référence à la sobriété comme stratégie d’atténuation des changements climatiques.

Traditionnellement, le GIEC et les différents gouvernements se sont focalisés, en matière de changements climatiques, sur des politiques d’offre visant à rendre plus efficaces les modes de production.

Cette fois, tout un chapitre du rapport du GIEC est consacré à la baisse de la demande en énergie et de la consommation de biens et de services. Cette approche vise donc à modifier et à transformer nos modes de vie et nos institutions.

Le rapport du GIEC nous invite ainsi à améliorer notre consommation et donne même des exemples : en alimentation, cela signifie d’éviter le gaspillage alimentaire et de manger moins de viande et de produits laitiers. Dans le domaine de l’habitation, on évoque la réduction de la taille du logement, la promotion du logement collectif à l’aide de nouvelles formes d’habitat partagé et la réutilisation de matériaux de construction (économie circulaire). Le rapport recommande aussi, bien entendu, d’alimenter tous les services par des sources d’énergies renouvelables.

La sobriété au service du bien-être collectif

Pourquoi la réduction de la demande est-elle si importante? Parce qu’on a longtemps espéré qu’on pourrait maintenir notre niveau de consommation simplement en le verdissant. Or, devant l’augmentation continue des émissions de gaz à effet de serre (GES), force est de constater que cette notion de « développement durable » n’est pas à la hauteur du défi à relever.

De plus, dans un monde où l’on observe de fortes disparités de revenus, et face à un budget carbone limité, réduire la demande oblige à discuter de qui consomme quoi. Les mesures de sobriété ne peuvent être universelles, dans la mesure où certaines régions et certains groupes socioéconomiques ont besoin de plus d’énergie et de ressources.

Dans son rapport d’avril, le GIEC souligne que les ménages qui se situent dans les 10 % des revenus les plus élevés sont responsables de 36 % à 45 % des émissions de GES. En revanche, ceux qui se situent dans les 50 % les plus bas ne sont responsables que de 13 % à 15 % des émissions. Les personnes les plus riches contribuent donc de façon disproportionnée aux GES.

La bonne nouvelle : ces personnes ont un potentiel élevé de réduction des GES et, en plus, cette réduction de la consommation peut contribuer à améliorer le bien-être collectif.

Donc, moins c’est mieux? Au-delà d’un certain seuil, l’augmentation de la consommation matérielle n’est pas corrélée à l’amélioration du bien-être individuel. C’est le fameux paradoxe d’Easterlin. En 1974, l’économiste américain Richard Easterlin a démontré que si les riches se disaient souvent plus heureux que les autres, à long terme, leur bonheur n’augmentait pas proportionnellement à leur richesse. À partir d’un certain niveau de revenus (autour de 100 000$ annuellement), le bonheur augmente plus faiblement : l’utilité marginale du bonheur est alors décroissante.

C’est donc à nous de décider collectivement quels sont les biens dont la consommation ne devrait pas dépasser certains seuils que tous devraient respecter.

Qu’on l’appelle décroissance ou sobriété, le défi de la réduction de la surconsommation s’impose inexorablement comme une option à débattre dans le contexte de l’urgence climatique.

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