Pour lutter contre le gaspillage alimentaire, La Place commune, une coopérative de solidarité à but non lucratif située dans le quartier Parc-Extension à Montréal, prête main-forte à des fermes périurbaines en échange de légumes destinés à être jetés. Partagez l’humeur festive d’un groupe de citadins convertis en fermiers le temps d’une journée.
Photos: Laura Martinez
« Bienvenue à la Microferme l’Enracinée! » annonce joyeusement la copropriétaire, Nadine Pineault, aux huit Montréalais fraîchement débarqués. « Ce matin on va finaliser la récolte de l’ail. Ensuite, on a des bâches noires à installer entre nos planches de courges. Ça vous convient? Vous êtes prêts? » interroge la maraîchère.
« À la fin du mois de juillet tout arrive en même temps, la récolte de l’ail, les plantations pour l’automne, c’est le gros rush. Sans La Place commune, on ne dormirait pas », plaisante l’agricultrice sans s’arrêter d’aligner les bulbes cueillis pour un premier séchage au soleil. « C’est vraiment un bel échange, La Place commune vient nous aider à un moment où on en a besoin. Et en même temps, on évite le gaspillage en leur donnant nos légumes déclassés, moches ou invendus », ajoute-t-elle en souriant de voir danser Ghada, une bénévole syrienne venue avec Singa Québec, un organisme qui vise à créer des liens entre les nouveaux arrivants et la société d’accueil.
« J’ai eu un petit coup de cœur pour cette ferme familiale qui produit de façon biologique mais sans avoir sa certification. (…) La semaine dernière, grâce à elle, on a eu nos premières tomates! » s’enthousiasme la cofondatrice de La Place commune, Geneviève Boulay, cachée sous son chapeau de paille. « Participer à des journées à la ferme permet [en plus de recevoir des dons] de mieux connaître les réalités des producteurs », ajoute Jean-Bernard, un bénévole qui a déjà récolté une centaine de bulbes.
Prêter main-forte sur des fermes
– La Place commune (Montréal)
– Aliments d’ici (Montréal)
– Les Compagnons maraîcher·ères (Montréal, Québec, Sherbrooke)
– Récoltes oubliées (Sorel-Tracy, Montérégie)
– Les Fruits Partagés (Rimouski, Bas-Saint-Laurent)
– Maski Récolte (Maskinongé, Mauricie)
– Artha-Récolte (Arthabaska, Centre-du-Québec)
– Les Butineurs (Lac-Saint-Jean-Est, Saguenay)
Une fois récolté, l’ail est séché et entreposé à l’abri de la pluie. « Cet ail, on l’a semé à la main, on l’a transplanté à la main, on l’a désherbé à la main. Il y a tellement d’amour et de temps dans chaque légume », commente Nadine Pineault. « Les légumes qu’on ne peut pas vendre, on les met dans des bacs dans lesquels la famille et les employés se servent. Parfois des organismes [comme La Place commune] viennent les chercher. Sinon, on nourrit les cochons de la voisine avec », poursuit la fermière, qui préfère nourrir les humains.
« Il y a quelques années, on est revenu d’une ferme avec environ 1200 livres [544 kg] d’énormes courgettes. C’était phénoménal! Ça a nourri beaucoup de monde pendant longtemps », se souvient Geneviève Boulay. « C’est immoral qu’il y ait des pertes alimentaires dans nos champs alors qu’il y a des gens qui n’ont pas les moyens de s’acheter des légumes », ajoute la coordinatrice de projets de sécurité alimentaire.
Le gaspillage alimentaire au Québec
On estime à 1,2 million de tonnes les aliments comestibles qui sont perdus ou gaspillés chaque année au Québec, selon une récente étude de RECYC-QUÉBEC. Dans ce contexte, les fruits et légumes perdus ou gaspillés comptent pour 15 % des émissions de gaz à effet de serre (GES), soit la deuxième catégorie d’aliments après les viandes et volailles (qui elles comptent pour 59 % des GES émis).
« Ça fait 2,25 kg de laitue », dit Jean-Bernard à Nour, qui prend note. De retour au café, tous les légumes sont pesés, puis rangés dans des frigos. Bilan de la journée : 67 kg de tomates, concombres, carottes, betteraves, radis, oignons, laitues et coriandre. Depuis le début de l’année, c’est plus de 12 580 kg de nourriture que La Place commune a pu redistribuer aux banques alimentaires de Parc-Extension.
Une petite partie est transformée dans la cuisine du café ou offerte en libre-service sur place. Des citoyens du quartier attendent déjà de pouvoir se servir dans le frigo communautaire, que Geneviève Boulay se dépêche de remplir. « Ce sera liquidé dans les prochaines 24 à 48 heures », affirme-t-elle.
Dans le café transformé en marché, les bénévoles semblent enchantés de choisir les légumes frais qu’ils rapporteront chez eux. « Je vais faire une fattouche, c’est une salade syrienne et libanaise à base de tomates, concombres, menthe, ail, oignon et graines de grenade », s’enthousiasme Lobna, l’une des quatre participantes venues avec Singa Québec. « J’ai aimé faire les récoltes, raconte Nour en choisissant une salade. C’est fatigant, mais au moins on prend l’air. Et on s’amuse! »