SUR LA ROUTE 2/3 – Aux quatre coins de la province, des gens s’activent pour faire une véritable différence dans la crise écologique. Pour ce troisième dossier régional, nous avons décidé de poser notre regard sur le Bas-Saint-Laurent. Une magnifique région dont le destin est étroitement lié aux aléas climatiques. Deuxième étape du voyage : le parc du Bic et son importance pédagogique.
L’arrêt que j’ai fait dans le Kamouraska m’a touché. Le milieu agricole n’est pas l’environnement de travail le plus facile; les journées sont longues et les sacrifices nombreux. Tout ça pour nous permettre d’avoir de la nourriture dans nos assiettes. Les défis climatiques vont donner du fil à retordre aux agriculteurs et agricultrices, mais leur résilience est forte… et surtout encourageante pour l’avenir!
De retour sur la 132, je vois les formes du Bic qui se profilent à l’horizon. Ce parc national semble sculpté à même le fleuve. Son paysage côtier spectaculaire, avec ses caps rocheux et ses baies pittoresques, attire chaque année des milliers de personnes. Un joyau brut qui fait partie de mes plus beaux souvenirs d’enfance.
J’y rejoins Mélanie Sabourin, responsable du service de la conservation et de l’éducation au parc. Elle m’attend dans les bureaux administratifs, logés dans une charmante maison ancestrale qui fait face à l’île aux Amours. Avoir pour collègues de bureau des phoques, des hérons et des canards, pas mal, non?
Entre accessibilité et protection
Le parc du Bic est depuis longtemps une escale de choix pour les touristes du Québec et d’ailleurs. On s’y arrête pour couper la (longue) route qui mène en Gaspésie, ou simplement pour profiter de ses sentiers situés entre terre et mer.
Le territoire du parc abrite un fragile écosystème. Comme dans l’ensemble du réseau de la Sépaq, l’équilibre entre accessibilité et conservation de la nature est un défi de taille.
« Notre mission est d’abord la protection et la conservation; l’accessibilité au grand public ne doit pas venir y nuire, me lance Mélanie. Mais en même temps, nous ne sommes pas une réserve écologique non plus, nous avons la responsabilité d’offrir un accès à la nature pour tout le monde. »
Pendant la pandémie, l’achalandage a explosé. Privés de voyage à l’étranger, les Québécois et les Québécoises se sont précipités dans les parcs nationaux. Cet intense afflux de touristes n’a pas été sans conséquence, se souvient Mélanie en qualifiant la période « d’une peu folle ».
« C’est certain que ç’a été un peu intense, on avait une nouvelle clientèle pas nécessairement habituée à visiter les parcs de la Sépaq, explique-t-elle. Pour nous, ç’a été un bon rappel qu’on doit encadrer avec une grande attention la présence humaine dans notre parc. »
Sentiers improvisés, déchets et nourriture donnée aux animaux : les responsables du parc ont dû redoubler d’efforts pour atténuer les effets néfastes du tourisme.
« Un des problèmes était le non-respect des sentiers, les gens marchaient un peu n’importe où au détriment des écosystèmes en place, se remémore-t-elle. Un autre était le fait de nourrir les animaux sauvages, ce qui cause un véritable enjeu de déprédation. On constatait notamment que les renards ne craignaient plus les humains. »
« On a dû recadrer les règles pour l’accès à certaines zones et redoubler les efforts de sensibilisation, ajoute-t-elle. Les gens sont parfois un peu frustrés en voyant des restrictions, mais la protection de la nature du parc est en jeu. »
Nous avons le terrain de jeu parfait pour développer une éducation à la nature qui commence dès le jeune âge et qui se poursuit pendant tout le cursus scolaire. On veut que les étudiants et étudiantes de la région développent un sentiment d’appartenance.
Éduquer pour mieux protéger
Pour Mélanie Sabourin, il est évident qu’« on protège ce que l’on aime ». Pour les prochaines années, son équipe a donc décidé de miser sur l’éducation. Une manière pour ses membres de conscientiser les plus jeunes générations en amont et de favoriser leur attachement à la nature.
« Notre force, c’est d’avoir le facteur “wow”, dit-elle avec un sourire. On veut aider les gens à se reconnecter à la nature, créer un lien au niveau du cœur à travers les sens. On pense que ça peut aider dans nos efforts de conservation, mais aussi plus globalement dans la crise écologique. »
La responsable de la conservation et de l’éducation, qui occupe ce poste depuis 2017, est visiblement motivée à changer les choses. Même si elle doit respecter un budget serré, on la sent emballée par ses projets en éducation environnementale, comme l’accueil récurrent des classes scolaires.
« Nous avons le terrain de jeu parfait pour développer une éducation à la nature qui commence dès le jeune âge et qui se poursuit pendant tout le cursus scolaire, mentionne-t-elle. On veut que les étudiants et étudiantes de la région développent un sentiment d’appartenance. »
L’un des grands projets du parc est mené avec l’Université du Québec à Rimouski (UQAR). En août prochain, des étudiantes et étudiants en enseignement, ainsi que des membres du corps enseignant auront la chance de participer à la première école d’été en éducation au maritime. Des ateliers seront donnés par des spécialistes de plusieurs domaines, dont la biologie, l’océanographie et la psychosociologie.
Bien plus qu’un beau décor
Catherine Simard est l’une des instigatrices de l’école d’été au Bic et, plus largement, l’une des chercheuses les plus calées en éducation environnementale au Québec. Pour elle, il est évident que celles et ceux qui se consacrent à l’enseignement ont un rôle clé à jouer dans la crise écologique, mais encore faut-il leur donner les outils pour le faire.
« Les enseignants et enseignantes voudraient bien parler d’enjeux environnementaux, mais ne se sentent pas outillés pour le faire ou n’ont simplement pas le temps, explique-t-elle. L’école d’été est une initiative réfléchie pour répondre à ce besoin. »
Selon la professeure en sciences de l’éducation à l’UQAR, les recherches démontrent l’importance de créer un lien affectif entre les jeunes et la nature pour développer un « sentiment de pouvoir agir ».
« On s’est rendu compte que les jeunes de la région ne connaissent pas beaucoup leur fleuve, alors qu’il est juste devant nous. C’est primordial qu’ils se réapproprient leur environnement, qu’ils l’étudient, le détaillent, le comprennent. Il faut favoriser l’empathie face à la nature et le désir de la protéger. »
Les propos de Catherine Simard résonnent fort chez moi. Comme je l’ai mentionné plus tôt, j’ai grandi dans la région, mais ç’a été long avant que je développe un vrai lien affectif avec la nature. Je la voyais plutôt comme une belle carte postale, sans réellement chercher à la comprendre. Le changement est venu plus tard, quand j’ai commencé à m’informer sur la protection des milieux humides.
« La nature peut être utilisée comme un beau décor, avertit-elle. Beaucoup de gens veulent être en nature, mais ne prennent pas nécessairement le temps de s’y intéresser. On l’utilise pour notre bien sans égard à sa protection. »
Les enfants du Bas-Saint-Laurent ont accès à de merveilleux lieux naturels, mais quand est-il des jeunes qui grandissent dans des milieux urbains comme Montréal? Comme si elle s’attendait à la question, Catherine Simard me répond du tac au tac.
« C’est quelque chose qu’on doit déconstruire, m’explique-t-elle. Pas besoin d’être au milieu d’un parc national avec des oiseaux qui chantent, la nature se trouve partout, à plusieurs échelles. Que ce soit dans la cour de l’école ou même dans une classe, il existe une biodiversité de proximité partout. »
Depuis mon arrivée à Unpointcinq, la connexion à la nature revient constamment dans mes rencontres et mes entrevues. Ce lien n’est pas inné, il doit être transmis par la famille, les amis ou, comme ici, par les enseignantes et les enseignants. Une chose est certaine : lorsqu’elle est établie, cette connexion est un puissant vecteur de mobilisation pour l’environnement.
POUR LIRE LA PARTIE 3
L’eau, une ressource incomprise?En 2023, un règlement qui interdit d’arroser son entrée avec de l’eau potable a semé l’émoi à Rimouski. Une partie de la population s’est révoltée contre ce règlement sur les réseaux sociaux. Cette levée de boucliers est le point de départ d’une réflexion sur notre perception de l’eau, une ressource qui nous paraît illimitée, alors que la réalité est bien différente.