Si nous n’avions tous qu’une mission sur Terre, celle de David Jeker serait de promouvoir l’utilisation de ses jambes pour se déplacer. Portrait d’un apôtre du transport très actif.
Monter dans un VUS pour aller jouer dehors? Très peu pour David Jeker. Ce Sherbrookois de 33 ans est plutôt du genre à pédaler pour s’adonner à sa passion, la course en sentier. L’an dernier, par exemple, il a enfourché sa bicyclette pour participer au défi Loup solitaire Harricana Lone Wolf du club Harricana tout l’été, dans Charlevoix. On parle de 350 km à l’aller comme au retour, avec un « petit » 28 km de course à pied sur une piste exceptionnellement balisée pour l’occasion entre les deux! Au quotidien, il roule de Sherbrooke jusqu’aux pistes du parc national du Mont-Orford (une trentaine de kilomètres) pour s’y entraîner.
Le plus beau, c’est que ses performances sportives semblent peu souffrir de cette mise en jambes, au contraire. En 2019, il a ainsi terminé à la quatrième place du 125 km de l’Ultra-Trail Harricana du Canada, se permettant au passage de mener pendant un long moment. « J’étais arrivé sur le site de compétition 36 heures auparavant afin de me laisser le temps de récupérer de ma chevauchée », précise celui qui se dit inspiré par le coureur américain Dakota Jones, adepte de pareils déplacements. Pour la petite histoire : cette année-là, Jeker n’est toutefois pas rentré chez lui à vélo après la course. « Mes cuisses étaient trop douloureuses! »
La pratique de la course en sentier peut faire émerger en nous un sentiment de connexion avec la nature
Un sacrifice?
Dans un billet publié en avril dernier sur son site Web, David Jeker explique ce qui le motive à s’imposer ce qu’il appelle un « compromis ». Au cœur de sa démarche : une volonté de préserver, par des choix écologiques, cette nature dans laquelle il s’amuse tant. « La pratique de la course en sentier peut faire émerger en nous un sentiment de connexion avec la nature […] Le fait d’utiliser un transport polluant pour aller pratiquer cette activité vient certainement saper une partie des efforts que nous faisons au quotidien [pour réduire notre empreinte carbone]»., écrit-il
Il ne croit pas si bien dire. Une étude réalisée en Allemagne démontre par exemple que les déplacements dus à la pratique d’un sport peuvent constituer une importante source de gaz à effet de serre (GES). Là-bas, on estime que les athlètes amateurs, qui s’entraînent quelques fois par semaine, émettent en moyenne 844 kg de CO2 dans l’atmosphère par leurs allées et venues, ce qui correspond à environ 10 % de leurs émissions annuelles. Chez les passionnés de longue randonnée, jusqu’au quart des émissions de GES sont attribuables aux déplacements de nature sportive. En cause : prendre l’avion pour s’adonner à cette forme de tourisme sportif.
Un bon moteur
David Jeker se sent d’autant plus concerné par cette question qu’il dispose naturellement d’un bon « moteur ». Sa consommation maximale d’oxygène, ou VO2max, est d’environ 70 ml·min-1·kg-1, ce qui le place dans une catégorie à part – cette valeur oscille plutôt entre 40 et 50 ml·min-1·kg-1 chez le commun des mortels. Résultat : même s’il roule à basse intensité, une condition nécessaire pour aligner les nombreuses heures de selle, il file tout de même à une allure somme toute rapide qui lui permet de couvrir des distances conséquentes. « Le truc, c’est de s’alimenter constamment et d’être bien positionné sur son vélo », glisse au passage ce
Sa passion pour le transport actif sera cependant mise à rude épreuve dans les prochains mois. C’est que depuis peu, David Jeker occupe le poste de conseiller en recherche et innovation à l’Institut national du sport du Québec, situé à Montréal, dans le Parc olympique. « Je n’aurai pas le choix de me tourner vers le covoiturage pour me déplacer vers la métropole, admet-il à regret. Ceci étant dit, je vais toujours préférer faire six heures de vélo à faire deux heures de char pour me rendre d’un point A à un point B. »