Pontevedra, la ville où le piéton est roi

Pontevedra, Espagne
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Pontevedra, Espagne ©Shutterstock/Juan Garcia Hinojosa
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Située au nord-ouest de l’Espagne, la ville de Pontevedra, 83 000 habitants, a relevé et réussi un défi audacieux : réduire drastiquement la circulation automobile pour restituer son centre-ville aux piétons. Un modèle transposable au Québec?

À Pontevedra, une ville de 83 000 habitants située dans le nord-ouest de l’Espagne, 70 % des déplacements se font à pied ou à vélo, selon les plus récentes données publiées par la Ville (2017). Grâce à une transformation de l’espace urbain entamée par l’équipe municipale élue en 1999, la circulation automobile a graduellement été réduite de 97 % au centre-ville et de 53 % dans l’ensemble de la municipalité. Les émissions de gaz à effet de serre (GES) dues au transport ont, quant à elles, diminué de 67 % toujours sur la même période. Une amélioration notable, alors que l’urgence climatique frappe à nos portes.

La Ville a procédé par étapes, en commençant par piétonniser le cœur historique et par revoir les règles de priorité dans l’espace public. À partir de là, les piétons ont eu préséance sur les vélos et les trottinettes, puis, en cascade, sur les transports en commun et les véhicules motorisés, dont la limite de vitesse a peu à peu été abaissée de 10 à 30 km/h selon les endroits.

Deux artères très empruntées ont ensuite été piétonnisées, les rues à double sens ont été supprimées et la largeur des chaussées a été réduite au profit des trottoirs. Parallèlement, la municipalité a remplacé les places de stationnement en surface par des stationnements souterrains. Payants au centre-ville, ils sont gratuits en périphérie, où ils sont situés au maximum à une dizaine de minutes à pied du centre.

Au fil des ans, la piétonnisation a ainsi été étendue à tout le centre-ville. Désormais, seuls certains véhicules, comme ceux des résidants et des personnes handicapées, sont autorisés à y circuler, et les piétons s’y déplacent munis d’une carte inspirée de l’esthétique des plans de métro, le Metrominuto, qui indique le temps nécessaire pour se rendre à pied d’un point à l’autre.

La pollution de l’air a ainsi diminué de 66 % à Pontevedra entre 1999 et la publication des données, en 2017. Par ailleurs, seuls trois décès liés aux accidents de la route ont été recensés entre 2007 et 2016, contre 30 entre 1997 et 2006.

Un défi de taille pour les villes québécoises

Au Québec, c’est la piétonnisation à petite échelle, en été, qui se voit de plus en plus : sur l’avenue du Mont-Royal, à Montréal, mais aussi — pour n’en citer que quelques-unes — sur la rue Saint-Jean-Baptiste à Baie-Saint-Paul, sur la rue Principale à Magog, sur la rue Saint-Germain à Rimouski ou encore à Trois-Rivières, autour de la rue des Forges. « Ces exemples sont des réussites, ils montrent que c’est possible », relève Gérard Beaudet, professeur à l’École d’urbanisme et d’architecture de paysage de l’Université de Montréal, pour qui il faut « y aller par petites touches pour que les gens se réapproprient leur ville ».

La transition opérée à Pontevedra est-elle envisageable au Québec ? Gérard Beaudet reste prudent. « C’est souvent délicat de transposer ici des initiatives européennes, car les contextes sont différents. » Il observe par exemple que la densité de population de la ville espagnole (704 habitants au kilomètre carré) est supérieure à celles de Saint-Jean-sur-Richelieu (431 hab./km²) ou Drummondville (320 hab./km²), qui ont des populations équivalentes. « Sur une image satellitaire, on voit également que Pontevedra est une ville plus ramassée, plus concentrée, c’est donc un terrain bien plus propice à la piétonnisation, car les distances y sont moins grandes », estime l’urbaniste.

Les villes qui réussissent à réduire le trafic automobile voient systématiquement leur qualité de vie augmenter.

Paula Kuss, consultante en protection du climat au ministère des Transports du Land du Bade-Wurtemberg, en Allemagne

Si les villes du Vieux Continent ont été créées pour les piétons et les chevaux, celles du Québec se sont développées en grande partie après l’arrivée de la voiture. Beaucoup de commerces et de services se sont donc installés en périphérie, où le stationnement était facile. Dès lors, « nos centres-villes se sont dévitalisés », explique le directeur général de l’organisme Vivre en Ville, Christian Savard. « Or, si on n’a accès à rien en marchant, c’est moins logique de piétonniser, car il faut que les gens aient une raison de venir. On doit donc en parallèle renforcer le tissu des commerces et des services pour répondre, au centre-ville, aux besoins quotidiens des habitants. »

L’autre défi tient à la configuration routière de nos espaces urbains. « C’est très difficile de mettre en place des axes de contournement pour offrir des solutions de rechange aux automobilistes, car les municipalités de taille moyenne au Québec n’ont pas de voies qui en font le tour, les routes passent toutes au cœur de la ville », note Jérôme Laviolette, doctorant en planification des transports à Polytechnique Montréal.

Suivre l’exemple

Paula Kuss, consultante en protection du climat au ministère des Transports du Land du Bade-Wurtemberg, en Allemagne, a passé en revue 369 études scientifiques et 407 études de cas avec l’objectif de trouver les politiques les plus efficaces mises en œuvre par les villes européennes afin de faire baisser l’usage de la voiture et d’atteindre les cibles de réduction des GES. Elle constate que la démarche de Pontevedra s’apparente à celle d’Oslo, la capitale norvégienne, puisque toutes deux ont privilégié des actions visant à diminuer le stationnement et à restreindre la circulation. Cette stratégie s’avère la deuxième en efficacité pour réduire le trafic, derrière les péages à l’entrée des villes. 

« Elles ont adopté des démarches graduelles qui mélangent restrictions et mesures incitatives », explique Paula Kuss, qui souligne que les politiques qui réussissent marient toujours la carotte et le bâton. « Il faut du leadership municipal, donc du courage politique. On doit aussi faire participer la société civile — tant les citoyens que les entreprises — et surtout bien communiquer pour accompagner le changement. » Jérôme Laviolette ajoute que « les études montrent que les gens sont réfractaires à l’idée de la piétonnisation jusqu’à ce qu’ils l’expérimentent. Après, l’opinion publique change de façon assez draconienne. » Paula Kuss abonde dans le même sens : « Les villes qui réussissent à réduire le trafic automobile voient systématiquement leur qualité de vie augmenter. »

Ce texte a été initialement publié sur lactualite.com

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