L’heure est à l’électrification des voitures, des camions et… des outils de jardinage! Une bonne nouvelle pour le climat, car ces petits appareils à essence polluent beaucoup plus qu’on le pense, en plus d’emplir nos poumons de vapeurs toxiques et de nous écorcher les oreilles. Prêt pour la tondeuse, le taille-bordure et la scie à chaîne à faible bruit et sans odeur?
Si vous cherchez à vous entretenir avec un passionné de l’électrification des outils de jardinage, Michel Bélanger est votre homme. En l’espace de deux ans, ce résidant de Sainte-Agathe-des-Monts, dans les Laurentides, a bazardé tous ses outils de jardin à essence pour les remplacer par des modèles électriques. Et il ne retournerait plus jamais en arrière.
« Les outils à essence, c’est un paquet de problèmes. Ça exige un entretien constant et coûteux et, souvent, même si tu crinques la corde de démarrage comme un forcené, ça ne part pas. Un jour, j’ai décidé de faire le ménage », me raconte-t-il, pendant qu’il me fait visiter le cabanon où il entrepose sa collection complète d’outils de jardinage.
Michel Bélanger, 58 ans, a pris le virage électrique lorsque son déneigeur a décidé, pendant l’hiver 2020-2021, de ne plus lui offrir ses services. « Comme je n’arrivais plus à trouver de déneigeur, j’ai décidé de m’acheter une souffleuse électrique pour faire le travail », dit-il. En mettant la machine à l’épreuve, il réalise le bonheur de manipuler un appareil sans essence. « J’ai vu que la performance était au rendez-vous », poursuit-il.
Souffrant d’écœurantite face aux moteurs à essence nauséabonds, il complète son virage l’année suivante : tondeuse autopropulsée, coupe-bordure, souffleur à feuilles – qui lui sert à dégager ses gouttières des feuilles mortes –, scie à chaîne et déchaumeuse électriques remplissent désormais son cabanon.
Des batteries, compatibles avec tous ses appareils, et leur chargeur prennent désormais la place du bidon d’essence. Selon lui, les appareils électriques font amplement le travail en plus d’être plus faciles à manipuler. « Mes batteries alimentent aussi ma génératrice électrique. En cas de panne de courant, je peux faire fonctionner le réfrigérateur et d’autres appareils électriques pendant plusieurs jours », m’explique-t-il. Il est paré pour le prochain verglas.
Conversion salutaire pour le climat
Remplacer des outils à essence par des appareils fonctionnant à l’électricité peut sembler dérisoire pour le climat. Or, c’est tout le contraire. Tondeuse, scie à chaîne et coupe-haie qui pétaradent sont une source de pollution atmosphérique importante qu’on sous-estime encore grandement au Québec, mais qui inquiète de plus en plus ailleurs.
Selon le California Air Board, l’organisme réglementant la qualité de l’air en Californie, les 15,5 millions de petits appareils à essence que compte cet État sont une source non négligeable de pollution atmosphérique. En effet, même neufs, ils contribuent de façon très importante à la formation de smog en été, la fameuse « brume jaunâtre » causée par l’accumulation d’un mélange de contaminants atmosphériques. Et cette pollution s’accroît quand les appareils sont vieux de 10 à 20 ans.
Une étude américaine datant de 2021 a analysé le cycle de vie des tondeuses à essence et de celles fonctionnant à l’électricité. La conclusion : les tondeuses à batterie émettent 50 % moins de CO2 pendant leur durée de vie, soit de leur fabrication à leur mise au rancart, que les modèles à essence, même en tenant compte de l’impact environnemental de la fabrication des batteries.
Plus l’électricité est faible en carbone, comme c’est le cas au Québec, meilleur est le bilan carbone des appareils électriques. Les auteurs proposent des initiatives pour encourager la population américaine à prendre le virage électrique. À quand un projet du genre au Québec?
Si les voitures électriques coûtent encore beaucoup plus cher que les modèles à essence (en excluant les subventions), ce n’est plus vraiment le cas pour les outils de jardin. Selon Mathieu Villemaire, directeur de catégorie chez Rona, bien que les articles à essence coûtent encore un peu moins cher, les appareils à batterie se vendent souvent à prix inférieur en période de promotion. En plus, leurs propriétaires économisent sur l’essence et les frais d’entretien, inexistants pour les produits électrifiés. Une bonne affaire pour le climat, et pour le portefeuille.
Avant, les gens raclaient leur terrain au râteau ou coupaient leur haie de cèdres avec des cisailles. Aujourd’hui, ce travail a été mécanisé. Résultat : la banlieue bucolique est devenue un mythe.
Retrouver la quiétude
L’un des atouts majeurs de la conversion à l’électricité, c’est la diminution notable du bruit. « Je pourrais faire mon gazon de nuit sans réveiller personne », rigole Michel Bélanger. La plupart des appareils électriques sont beaucoup moins bruyants que leur équivalent à essence. Un bonus pour le bon voisinage, ainsi que pour la santé. L’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) considère le bruit environnemental – qui inclut les bruits provenant de toutes sources, à l’exception du bruit émis en milieu de travail – comme un risque à la santé et non plus simplement comme une nuisance. L’excès de décibels génère des troubles du sommeil, des problèmes d’apprentissage en milieu scolaire, des maladies cardiovasculaires, des pertes auditives et des acouphènes.
On pourrait croire que le bruit des petits outils de jardinage est anodin. Or, le problème, comme l’affirme Tony Leroux, professeur titulaire à l’École d’orthophonie et d’audiologie de la Faculté de médecine de l’Université de Montréal, c’est la multiplication des sources de bruit. « Avant, les gens raclaient leur terrain au râteau ou coupaient leur haie de cèdres avec des cisailles. Aujourd’hui, ce travail a été mécanisé. Résultat : la banlieue bucolique est devenue un mythe », déplore ce chercheur au Centre de recherche interdisciplinaire en réadaptation (CRIR). Ces bruits s’ajoutent à ceux des thermopompes, véhicules hors route, haut-parleurs portatifs et autres bidules bruyants qui se multiplient à la vitesse grand V à la grandeur du Québec.
À partir de 50 décibels (dB), un bruit devient un irritant, affirme l’audiologiste Tony Leroux. Une tondeuse à essence émet 90 dB et une scie à chaîne, 100 dB (source : INSPQ). « Le corps réagit au bruit, car il le perçoit comme un signal de danger. Le bruit environnemental provoque ainsi un stress constant qui peut mener à des comportements agressifs ou à des incivilités », explique le spécialiste.
L’électrification des machines est un pas dans la bonne direction. Mais l’idéal, c’est possiblement de redécouvrir le bonheur de manipuler une pelle, un râteau, un sécateur. Un peu d’exercice, ça fait toujours du bien, surtout au grand air. On peut également acheter moins d’appareils et se les prêter entre voisins et voisines. Une bonne façon de s’entraider et de nouer de belles relations.
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Vers une interdiction
Le California Air Board imposera la vente de petits outils de jardin zéro émission à partir de 2024. En Colombie-Britannique, le district de West Vancouver étudie actuellement la possibilité d’interdire l’utilisation d’équipements fonctionnant à l’essence, autant dans le secteur résidentiel que commercial. Un groupe de travail rassemblant les municipalités de la province se penche également sur cet enjeu tandis que MetroVancouver, l’équivalent de la Communauté métropolitaine de Montréal, se questionne aussi sur l’avenir des appareils à essence.
Au Québec, après vérification auprès de l’Union des municipalités du Québec, il semble qu’aucune démarche en ce sens n’ait encore été entreprise…