
Comment fait-on pour injecter d’autres valeurs à une industrie qui carbure au suremballage, à la mode éphémère et à la surconsommation? Cette question, on l’a posée à Maryline Bouchard, fondatrice de Bkind. Depuis dix ans, la marque québécoise utilise les codes du marketing comme un cheval de Troie pour exfolier le secteur des cosmétiques
Le 14 novembre 2024, c’est jour de fête. Bkind, cette marque montréalaise de produits de beauté naturels et certifiés sans cruauté animale, célèbre ses dix ans. L’équipe a même sorti la machine à Bingo. Entre deux préparatifs, Marilyne Bouchard prend le temps de publier un message sur Instagram. « L’industrie de la beauté pousse à la surconsommation, abuse du suremballage, et joue bien trop souvent sur les insécurités des femmes, déplore-t-elle, avant d’ajouter : elle valorise la nouveauté éphémère plutôt que la qualité durable, et nous fait croire que l’apparence est la seule mesure de notre valeur. »
Marilyne explique que, si elle devait titrer une conférence Ted Talk, elle opterait pour « Je déteste mon industrie ». Un exemple? Les skincare routines à 15 produits : « elles sont inutiles: la peau est une barrière naturelle ». Superposer mille produits, ça permet de vendre plus, mais est-ce qu’on s’en porte mieux pour autant? Pour l’entrepreneure de 35 ans, pas question de céder aveuglément aux tendances de réseaux sociaux. « Quand on formule les recettes, on prend des ingrédients dont les effets sont prouvés cliniquement. Je ne regarde pas TikTok pour ma formulation », ironise-t-elle.
Les cinq choix d’entreprise chez Bkind
La fondatrice de la marque veut rendre ses produits accessibles tout en restant fidèle au véganisme et à la protection de l’environnement qui lui tiennent à cœur. « J’ai vraiment créé cette entreprise pour faire une différence, avoir du fun avec mon équipe, et on fait du mieux qu’on peut », dit-elle. Mais ses conseillères marketing seront les premières à la taquiner là-dessus : « Ça coûte cher d’avoir des valeurs. Les gens seraient surpris de voir les opportunités qu’on ne saisit pas parce qu’elles ne sont pas compatibles avec nos principes », poursuit-elle, plaidant que la rentabilité ne doit pas l’emporter sur l’éthique.
Voici les cinq choix à contre-courant dont Marilyne nous a fait part:
1. Le refus de collaborer avec Amazon
Pour la femme d’affaires, « c’est un non catégorique ». Bien qu’un partenariat avec le géant du commerce en ligne ouvrirait de nouveaux horizons, ce n’est pas un chemin qu’elle veut emprunter.
2. Les emballages des produits
Bkind fait le choix d’utiliser des emballages recyclables, composés à 30 % de plastique récupéré sur les plages océaniques en zone rouge (Ocean Bound). Ce choix fait grimper leur coût de revient à 4 $ par pot contre environ 20 cents sans cette initiative, selon la fondatrice. « Je m’efforce de faire en sorte que le prix ne soit jamais un obstacle. Si l’option la plus durable est plus coûteuse, nous l’assumons. » Des options en vrac sont aussi proposées à la boutique du boulevard Saint-Laurent. Vous pouvez apporter vos propres contenants, comme des pots Mason ou des bocaux de confiture. D’après le site, acheter en vrac permet de réaliser une économie de 20 à 30 %.
3. Aucun échantillon ni coffrets cadeaux
Marilyne et son équipe choisissent également de ne pas suivre certaines pratiques courantes dans l’industrie. Par exemple, la production d’échantillons et de coffrets cadeaux est exclue de leur production car ces derniers incluent souvent des emballages qui seraient non recyclables d’après la fondatrice.
4. Pas de colis spéciaux pour les influenceurs et influenceuses
« Souvent, les entreprises [leur] envoient une grosse boîte avec de la musique ou des confettis. C’est ça qui va se ramasser sur les réseaux sociaux parce que c’est grandiose. Mais nous, on ne fait pas ça », explique Marilyne. Les boîtes Bkind sont du même type que celles utilisées pour la clientèle, ce qui évite les « bébelles » non recyclables. Les colis sont remplis de billes 100 % biodégradables, fabriquées à partir d’amidon de maïs qui fondent sous l’eau.
5. Reverser une partie de ses revenus à une cause animale.
Depuis 2018, Bkind fait don d’une partie de ses revenus à des refuges ou à des associations de défense de la cause animale. Depuis deux ans, la marque reverse ainsi 2 % de ses ventes au refuge our animaux sauvages SOS Miss Dolittle, un montant qui représentait plus de 60 000 $ fin 2023.
Du « hobby » à la crème de la cosmétique
La Montréalaise souvient qu’à ses débuts, elle était intimidée par le milieu de l’entrepreneuriat : « Si je pouvais donner un conseil à la jeune Marilyne, je lui dirais qu’elle est capable et que tout va bien se passer », confie-t-elle avec un sourire.
En 2014, la fondatrice considérait les cosmétiques comme un passe-temps. Si la titulaire d’une maîtrise en microbiologie et immunologie s’est mise à fabriquer ses propres crèmes, c’est parce que sa peau était hypersensible et réactive : « C’était vraiment le fun de pouvoir mettre moi-même les ingrédients que je voulais », ajoute-t-elle.
Marilyne Bouchard est végétarienne depuis 15 ans et végane depuis 10 ans. Lorsqu’elle a créé Bkind, elle se souvient que peu d’entreprises étaient certifiées sans cruauté animale. La mention végane sur ses produits rebutait sa clientèle. « Maintenant, c’est super vendeur et mis de l’avant en marketing. Tout ce qui est à base de plantes est vraiment recherché par les consommateurs et consommatrices », explique-t-elle. L’enjeu, c’est surtout d’inviter la clientèle à consommer moins, mais mieux. Mais cet engagement n’est-il pas difficilement compatible avec la croissance de son entreprise?
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Il faut croire que non, même si ça implique une croissance plus lente. « Les gens ont confiance en nous et ne se sentent pas poussés à acheter des produits dont ils n’ont pas besoin », assure Marilyne. « Acheter, c’est voter, et ils choisissent de venir chez nous. » En 2024, 1500 éponges, 3 000 shampooings en barre et 1 500 revitalisants ont été vendus. Le tout, sans emballage.
Dans dix ans, Marilyne Bouchard se voit ouvrir de nouvelles boutiques et s’installer idéalement dans un entrepôt dans lequel elle pourra réutiliser les eaux grises, muni d’un toit vert qui lui permettra de réduire la consommation énergétique de son entreprise. De quoi donner un bon coup d’exfoliant à son industrie.

@unpointcinq.media « Comment fait-on pour injecter d’autres valeurs à une industrie qui carbure au suremballage, à la mode éphémère et à la surconsommation? Cette question, on l’a posée à Maryline Bouchard, la fondatrice de Bkind. Depuis dix ans, la marque québécoise utilise les codes du marketing comme un cheval de Troie pour exfolier le secteur des cosmétiques. 💄 Marilyne explique que si elle devait donner un titre à un Ted Talk, ce serait “Je déteste mon industrie.”. Un exemple? Les “skincare routines” à 15 produits : “elles sont inutiles puisque la peau est une barrière naturelle”. Superposer mille produits, ça permet de vendre plus, mais est-ce qu’on s’en porte mieux pour autant? Pour l’entrepreneure de 35 ans, pas question de céder aveuglément aux tendances de réseaux sociaux. “Quand on formule les recettes, on prend des ingrédients dont les effets sont prouvés cliniquement. Je ne regarde pas TikTok pour ma formulation” ironise-t-elle. » @BKIND 📝🎥 : @anaisinforme #unpointcinq #skincare #beaute #skincareroutine #maquillage #produits #beaute #cosmetiques #bkind #montreal #costmetics ♬ son original – Unpointcinq