Frette, pas frette, ça pousse l’hiver au Québec!

Photo d'un système d'agriculture verticale à technologie DEL d'inno-3b
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© Inno-3B

Pourquoi acheter des poivrons mexicains ou de la laitue californienne quand on peut manger des légumes cultivés localement? L’hiver, de nombreux végétaux poussent en mode carboneutre au Québec. Et même à l’église!

C’est une église comme il en existe des centaines au Québec. Enfin, vue de l’extérieur. Car derrière les murs de l’édifice religieux de Saint-Pacôme, dans le Bas-Saint-Laurent, ça scie, ça démonte, ça arrache. D’ici quelques mois, on cultivera ici, à longueur d’année, laitues, micropousses et autres légumes en feuilles dans des tours d’agriculture verticale conçues par une entreprise locale, spécialisée en la matière, Inno-3B. 

Dans la sacristie trône d’ailleurs un modèle de ces tours, qui sera bientôt remplacé par une installation huit fois plus grosse, en plus de trois autres qui se trouveront directement dans l’église. Déjà déployée au supermarché Avril de Laval, cette technologie utilise des ampoules à diodes électroluminescentes (DEL) de différentes couleurs qui apportent lumière et chaleur aux végétaux. Beaucoup de chaleur, même. « Pour que les DEL restent efficaces, on les refroidit à l’eau », explique Nathan De Baets, un consultant en changements climatiques indépendant qui travaille pour Inno-3B. « On récupère ainsi 70 % de la chaleur, sous forme d’eau à 40 °C qui permet de chauffer l’église et le presbytère. »

« L’Église aimait beaucoup l’idée de se positionner par rapport aux changements climatiques. »

Nathan De Baets agriculture verticale saint pacome
Trois autres tours comme celle-ci illumineront bientôt les paroissiens de Saint-Pacôme. © Rémy Bourdillon

Estimée à 200 tonnes de végétaux, la production annuelle sera vendue en circuit court (paniers de légumes et marchés locaux) ou à des supermarchés par un organisme géré par Inno-3B et les citoyens de Saint-Pacôme. Les revenus serviront à payer la facture d’électricité et à préserver l’église, qui deviendra un centre communautaire. « L’avantage du milieu fermé, c’est qu’il n’y a pas de variation de la météo : c’est toujours la meilleure journée de l’été! » lance à la blague le cofondateur et président d’Inno-3B, Martin Brault.

Saint climat

En 2014, cet ingénieur a quitté Montréal pour le Kamouraska afin de profiter de l’expertise en agronomie de Biopterre, le centre de transfert de technologie associé à l’Institut de technologie agroalimentaire (ITA), au Centre de développement bioalimentaire du Québec (CDBQ) et au Cégep de La Pocatière. Et dans un village comme Saint-Pacôme (1600 habitants), les rencontres se font vite. Alors qu’Inno-3B cherchait un endroit suffisamment grand pour exposer sa technologie, les membres du conseil de fabrique, de leur côté, voulaient donner une nouvelle vocation à leur église, qui n’était plus fréquentée et dont la structure se détériorait. Et si ces intérêts étaient compatibles? « Les paroissiens sont allés chercher l’approbation des instances religieuses super rapidement, remarque Martin Brault. Les échos qu’on avait des discussions, c’est que l’Église aimait beaucoup l’idée de se positionner par rapport aux changements climatiques. »

Facade de l'église de Saint-Pacôme qui accueille un projet d'agriculture verticale
L'église de Saint-Pacôme. © Rémy Bourdillon

Car c’est le grand avantage de cette technologie d’agriculture verticale : comme elle ne dépend que de l’électricité (en grande partie recyclée pour le chauffage), les légumes qu’elle produit ont une empreinte carbone bien moindre que ceux qui sont offerts dans les épiceries l’hiver (voir encadré), souvent importés. Et, comme on le sait, tout ce qui vient de loin arrive la plupart du temps en avion… ce qui veut dire beaucoup de gaz à effet de serre (GES)!

Le projet de Saint-Pacôme est d’autant plus intéressant que 54 % de la superficie des serres québécoises qui cultivent des légumes l’hiver est chauffée au mazout léger, d’après une étude de l’Institut de recherche et de développement en agroenvironnement (IRDA).

Impossible pour le consommateur de savoir si le légume québécois qu’il achète a été cultivé en brûlant des énergies fossiles. « On n’a pas senti l’intérêt économique de l’identifier », explique le président des Producteurs en serre du Québec, André Mousseau. « Et ça condamnerait beaucoup de petits producteurs, qui n’ont pas accès à de l’électricité de qualité : le courant triphasé ne va pas au fond des rangs! » Son association lutte fort pour améliorer les pratiques, souligne-t-il, notamment en tentant de négocier des tarifs d’électricité à long terme ainsi qu’un meilleur accès au réseau triphasé pour ses membres.

Des tomates carboneutres toute l’année?

Les bonnes nouvelles viennent des plus gros producteurs maraîchers : 80 % des serres de plus de 10 000 m² ont effectué une transition vers la biomasse, qui est carboneutre, selon les Producteurs en serre. D’autres récupèrent la chaleur dégagée par des industries voisines, comme les serres Demers à Saint-Nicéphore (tomates) et les Serres Toundra à Saint-Félicien (concombres). Si bien que l’étude de l’IRDA prévoyait une diminution de 10 % par année de la superficie des serres chauffées au mazout pour la période 2016-2020.

N’empêche, la culture locale en serre présente un avantage non négligeable sur le plan du climat : elle utilise peu de pesticides, puisque le contrôle des insectes se fait essentiellement par des prédateurs, d’après André Mousseau. À l’église de Saint-Pacôme, Inno-3B vise d’ailleurs une culture sans pesticides. « On est également hyperefficaces au niveau des intrants [comme les fertilisants], soutient Nathan De Baets. Chaque gramme d’azote ou de phosphore est absorbé par les plantes, alors qu’au champ les nutriments sont entraînés par l’eau de pluie, ce qui exige d’en mettre plus. »

Nathan De Baets, consultant en changements climatiques indépendant, devant la tour à DEL de l'église Saint-Pacôme
Nathan De Baets devant la tour à DEL de l'église Saint-Pacôme.

Des légumes québécois et carboneutres, alléluia!

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Des épinards en janvier

Une nouvelle tendance en matière d’agriculture hivernale carboneutre gagne doucement du terrain au Québec : les serres solaires passives, comme celle de la Cité Écologique, un écovillage situé à Ham-Nord, dans le Centre-du-Québec. Pas besoin de chauffer : placée au sommet de l’installation, une autre unité nommée « serre de surchauffe » permet de récupérer la chaleur du soleil, qui est soufflée dans le sol. Et à l’intérieur de ce vaisseau de plastique orienté plein sud et isolé sur les autres faces, des barils d’eau emmagasinent la chaleur estivale et la relâchent en hiver.

Photo de la serre solaire passive de la Cité Écologique de Ham-Nord
Froid dehors, chaud dedans : la serre de la Cité Écologique capte et emmagasine la chaleur de chaque rayon de soleil disponible. © Rémy Bourdillon

Si bien qu’en février, il a fait 10 °C la nuit et jusqu’à 28 °C le jour dans cette serre. « En ce moment, on mange des laitues et des épinards », raconte Nébesna Fortin, agente de développement durable de la Cité Écologique. Bref, manger frais (et carboneutre) par temps froid, c’est possible!

Comment comparer des pommes et des oranges

Pas simple de comparer l’empreinte carbone des légumes. Il faut tenir compte de nombreux paramètres tout au long de leur cycle de vie : semences, fertilisants, pesticides, type d’énergie utilisée, transport… Autant d’émissions de gaz à effet de serre (GES). « C’est vraiment du cas par cas », explique Dominique Maxime, analyste au Centre international de référence sur le cycle de vie des procédés, produits et services (CIRAIG). « Modifier un simple facteur, comme le mode de transport utilisé, peut tout changer au bilan. » Constamment à l’affût des aubaines partout dans le monde, les grossistes en alimentation n’hésitent pas à faire venir un produit de Chine une semaine, puis du Pérou la semaine suivante.

Or, en prenant en compte tous les facteurs, Nathan De Baets, consultant en changements climatiques pour Inno-3B, estime que les légumes cultivés par l’entreprise émettent environ :

  • 40 fois moins de GES que la moyenne des légumes consommés au Québec;
  • 50 fois moins de GES que les légumes produits en Californie;
  • 300 fois moins de GES que ceux produits en Chine.

Chaque kilo de légumes produit par Inno-3B correspond à une réduction de 1,5 à 3,5 kg d’éq. CO2, toujours selon le consultant.

Une production de 200 tonnes de légumes par année éviterait ainsi l’émission d’environ 300 à 700 tonnes d’éq. CO2 : c’est comme si l’église de Saint-Pacôme retirait entre 70 et 170 autos* des routes du Québec en 2019!

* D’après le calculateur du Fonds d’action québécois pour le développement durable (FAQDD) et celui du ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles du Québec, à raison de 20 000 km parcourus par année au Québec par une voiture à essence. Ce calcul ne tient pas compte des GES émis lors de la production des tours, ainsi que de ceux générés par les transports liés à la livraison et à la vente des légumes.