
Qu’adviendra-t-il des tonnes de béton, d’acier et d’asphalte de l’ancien pont Champlain? L’organisme fédéral qui gère son démantèlement assure mettre tout en œuvre pour en limiter l’impact sur le climat.
Ce n’est pas tous les jours qu’on démonte un pont. En fait, ça n’arrive jamais, en principe! Sauf pour Martin Chiasson, directeur environnement à la société Les Ponts Jacques-Cartier et Champlain Incorporée (PJCCI), dont l’équipe prépare actuellement la démolition du vieux pont Champlain.
Les appels d’offres ne sont pas encore lancés, mais l’ingénieur annonce qu’ils contiendront une clause afin de récompenser en argent les entrepreneurs qui réussiront à émettre moins de gaz à effet de serre (GES) que ceux prévus dans les scénarios envisagés par son équipe. En d’autres mots, l’organisme mise sur le principe de la carotte, explique-t-il.
« On va plus loin que ce qui s’est fait sur d’autres chantiers jusqu’ici, dit Martin Chiasson. Il y aura non seulement des émissions de GES qui seront compensées par des crédits de bourse du carbone, mais aussi et surtout des incitatifs financiers pour les entreprises qui participent au projet. »
Impossible pour l’instant de divulguer la quantité totale d’émissions de GES associée au projet. L’ingénieur assure toutefois qu’il prend en compte à la fois les émissions directes de GES et celles liées à la consommation d’énergie en plus des émissions indirectes, dont celles qui ont trait au transport. « Un des gros postes d’émission de GES sera le transport des matériaux », poursuit le spécialiste. Un entrepreneur qui utiliserait des véhicules électriques plutôt qu’à essence, par exemple, pourrait ainsi se distinguer à ce chapitre.
La construction du pont Champlain en 1960
Des tonnes de matériaux à valoriser
Au-delà des opérations de démantèlement, PJCCI cherche aussi à valoriser les matériaux afin qu’ils soient réutilisés dans la construction d’autres ouvrages civils.
D’abord : l’acier. Il y en a pour 17 000 tonnes, incluant des treillis installés au cours des dernières années pour renforcer la structure. « On travaille fort pour réutiliser les pièces qui sont encore bonnes », explique Martin Chiasson. Les autres seront destinées à la fonderie.
En outre, les 12 000 tonnes d’asphalte seront mélangées et chauffées avec du nouveau bitume afin d’être réutilisées.
Par contre, ce qui adviendra des 253 000 tonnes de béton – l’équivalent du poids de 170 000 voitures – est incertain. Une partie sera concassée afin de servir de remblais dans la construction de routes, par exemple. Les armatures de métal seront quant à elles envoyées à la fonderie. « Il n’y a pas de magie, admet l’ingénieur. On a une grande quantité de béton, mais sa qualité est problématique parce qu’il a été endommagé par les sels de déglaçage au fil des années. »
Dorloter la faune
La démolition du pont nécessitera l’aménagement de longues jetées dans le fleuve. Pas de gaspillage, là non plus : les matériaux de celles qui ont servi à l’érection du nouveau pont seront réutilisés. « Tout est pensé de façon à minimiser la quantité de matériaux qui sortira du site », ajoute Martin Chiasson.
Par contre, l’édification de ces structures détruira l’habitat de certains poissons. « Pour compenser, on réaménagera ailleurs dans le Saint-Laurent des habitats de remplacement pour que les poissons puissent frayer et se nourrir », assure l’ingénieur.
La population d’hirondelles à front blanc qui loge dans la structure actuelle du pont – qui compte plus de 400 nids! – aura aussi droit à des petits soins. L’an dernier, l’installation de nichoirs à leur intention sous l’estacade s’est d’ailleurs avérée un succès, affirme Martin Chiasson. « Elles ont tout de go adopté cette option! »
Les jetées permettant le démantèlement de l’ancien pont Champlain seront construites d’avril à juin 2020. La démolition complète des structures, elle, se mettra en branle à la fin de l’été 2020.
Des matériaux plus ou moins lourds sur la balance climatique
- 159 kg équivalent CO2 : poids carbone d’une tonne de béton armé, composé d’une armature en acier, fabriquée en France
- 95,6 kg éq. CO2 : poids carbone d’une tonne de béton (incluant le transport) utilisé pour la construction, en 2007, d’un nouveau pavillon de Polytechnique Montréal
- 45 kg éq. CO2 : poids carbone d’une tonne d’asphalte produite au Canada
- 103 kg éq. CO2 : poids carbone d’une tonne d’asphalte élaborée en Australie
- 3,1 tonnes éq. CO2 : poids carbone d’une tonne d’acier « en première fonte » coulée en Europe
- 1,1 tonne éq. CO2 : poids carbone d’une tonne d’acier recyclé à 100% fabriquée en Europe