Une grande bouffée d’air frais

Photo de danseuse de flamenco
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Retombées positives générales

10 novembre 2023 - Isabelle Lessard, Cheffe scientifique de Futur Simple/Unpointcinq

Parfois, on s’attache tellement à certains objets ou certaines activités qu’on a l’impression de manquer d’air si on nous les enlève. Que se passe-t-il donc à l’intérieur de nous pour que la réaction soit aussi vive? Comment peut-on traverser plus sereinement de telles perturbations? Et quel est le lien avec le climat?

Pour planter le décor, je vous raconte une anecdote perso.

Enfant, j’étais une petite étoile montante en ballet classique. J’étais admirée par les jeunes ballerines et toujours la vedette dans les spectacles de fin d’année. Or, lorsque j’ai changé de groupe à l’adolescence, j’ai perdu toute l’attention* que m’accordait ma prof de ballet. Elle voulait probablement me faire comprendre que je devrais travailler plus fort pour prendre ma place* à ce niveau plus avancé. Mais moi, je l’ai vécu comme un abandon, et j’ai perdu toute motivation pour la danse.

Puis, ma passion est revenue en force dans la vingtaine. J’ai commencé à suivre un cours de flamenco par semaine, puis deux, puis trois, puis quatre. Plus, plus, plus. Sauf qu’un jour, mon corps a dit stop. J’avais perdu l’équilibre* entre mes activités et ma santé. J’ai eu de grandes douleurs au dos et des torticolis à répétition. J’ai essayé tous les traitements possibles, sans succès. Encore une fois, j’ai dû arrêter de danser.

La descente a été brutale. La couleur avait disparu de ma vie. Qu’allais-je devenir, moi qui m’identifiais comme danseuse?

Mais, à l’époque, je ne savais pas que je confondais besoins et moyens pour y répondre… J’étais accro au moyen (danser), sans comprendre comment m’en détacher.

Départager les besoins des moyens pour y répondre

En 2016, en pleine quête de sens et bien après l’arrêt du flamenco, j’ai fait un atelier introductif à la communication consciente. Un moment charnière dans ma vie. C’est durant cet atelier que j’ai compris la différence entre un besoin fondamental et la stratégie (c’est-à-dire le moyen ou l’action) que l’on adopte pour y répondre.

Le besoin fondamental est un concept abstrait. Si on ne peut pas le prendre ou le toucher, il reste essentiel pour nous assurer une bonne santé mentale. Il y aurait plus d’une centaine de besoins qui se regroupent selon quelques grandes catégories comme les besoins de survie, d’intégrité, d’autonomie, d’ordre relationnel, d’expression de soi et de célébration. Les besoins ne sont jamais un problème. Au contraire, ils agissent comme des phares dans notre vie. Ce sont plutôt les stratégies qu’on met en œuvre pour les combler qui peuvent poser problème, surtout si on s’y accroche sans comprendre à quoi elles répondent – ou ne répondent pas.

Dans mon cas, le flamenco, c’était une façon de m’accomplir*, de me sentir libre*, de bouger*, d’avoir du plaisir*, d’appartenir à un groupe*, d’acquérir de l’estime de soi* et de maîtriser* un art. Une stratégie de l’ordre du sacré pour satisfaire de nombreux besoins diversifiés. Pas pour rien que l’arrêt de la danse a été aussi souffrant. J’ai dû vivre le deuil de cette stratégie, c’est-à-dire passer à travers des phases de déni, de colère et de tristesse pour arriver, lentement mais sûrement, à accepter la perte de la stratégie tant chérie.

Quel rapport entre le flamenco et le climat?

Le milieu environnemental, auquel j’appartiens, nous dit qu’il faut réduire l’utilisation de l’auto solo, prendre moins souvent l’avion, manger moins de viande, vivre dans un logement plus petit, acheter moins, etc. Moins, moins, moins. Pourtant, la voiture, les voyages, l’alimentation, l’habitation et toutes les décisions qui y sont associées sont des super stratégies collectivement vénérées qui nous permettent de combler de nombreux besoins dans nos vies.

Mais il est impossible de nier aujourd’hui que ces stratégies, qui nous ont été si utiles et envers lesquelles nous avons développé un si grand attachement, sont aussi les plus grandes émettrices de gaz à effet de serre, et donc les plus grandes responsables des changements climatiques. Et, puisque vivre dans un environnement sain, c’est-à-dire sur une planète viable, est un besoin qu’il faut absolument combler pour survivre, il faut donc apprendre à faire le deuil de nos stratégies mal adaptées au climat.

Or, si on ne comprend pas que ces stratégies sont des moyens pour satisfaire des besoins, on reçoit le message des écolos comme une atteinte à sa liberté de choix. Parce que nous confondons besoin et moyen, nous avons l’impression que le mouvement écologiste nous demande de faire le deuil de nos besoins. Il n’en est rien et, de toute façon, l’humain ne peut pas renoncer de façon continue à un ou des besoins sans compromettre son bien-être. En revanche, il est possible d’abandonner une stratégie mal adaptée au climat pour en adopter une autre, plus cohérente avec notre besoin d’environnement sain, sans faire le deuil de nos autres besoins. Pour cela, il faut d’abord et avant tout en prendre conscience.

Par exemple, si je mange souvent de la viande rouge parce que j’aime ça, mais qu’en même temps je comprends que ça contribue aux changements climatiques, je vais ressentir une tension intérieure, car manger de la viande rouge entre en contradiction avec mon besoin d’environnement sain. Alors, si je coupe en tout ou en partie ma consommation de viande rouge pour le climat, sans changer consciemment de stratégie pour répondre à mon côté épicurien, mon régime et mes bonnes volontés ne feront pas long feu, car je vais avoir l’impression de brimer mon besoin fondamental de plaisir*. Résultat? Dans quelques semaines, je vais probablement revenir à la viande rouge et je le justifierai par toutes sortes d’arguments rationnels pour cacher mon tiraillement intérieur.

Les mécanismes de défense du cerveau

Il arrive souvent qu’une stratégie réponde à certains besoins, mais en néglige d’autres. Cela crée une tension interne nommée « dissonance cognitive », une catégorie importante de biais cognitifs. Pour étouffer ce malaise, notre cerveau engendre souvent des mécanismes de défense (des stratégies), qui se manifestent par une forme de déresponsabilisation, de déni, d’inaction ou d’actions désorganisées.

Une stratégie fréquente pour contourner l’inconfort est de s’expliquer par un « raisonnement motivé », soit un argument qui n’expose que la facette de la situation qui justifie nos incohérences.

Faire le grand ménage dans nos vies pour y voir plus clair

Pour donner plus de clarté et de cohérence à nos actions (c’est-à-dire à nos stratégies), la première étape est de reconnaître les besoins auxquels une stratégie répond. Ensuite, on peut repérer des stratégies de substitution potentielles, les mettre à l’essai et voir si les besoins qu’on a identifiés sont comblés.

Dans le cas de mon besoin de plaisir* associé à la stratégie de manger un steak AAA, je pourrais satisfaire mes papilles en jetant mon dévolu sur les meilleurs restos de sushis, en suivant un cours de fine cuisine végétarienne ou végane, en devenant apprentie pâtissière (pour le plaisir de mes proches aussi). Je pourrais également décider de combler mon besoin de plaisir autrement, par exemple en me payant des sorties culturelles. Ces stratégies sont très personnelles, et il se peut qu’elles ne soient pas adaptées à votre personnalité. À chacun et chacune de voir ce qui est une source personnelle de plaisir et d’en faire l’essai. Et si ça ne marche pas, on passe à une nouvelle stratégie. La créativité de l’humain est infinie, et il existe mille et une façons de répondre à nos besoins.

Comprendre cela donne beaucoup de pouvoir, et une grande bouffée d’air frais!

 

* Tous les mots suivis d’un astérisque désignent des besoins humains.

Pour aller plus loin

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