La biodiversité à la rescousse des érables

Eau d'érable
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Eau d'érable ©Rémi Leroux
Created with Lunacy 4 min

Avec un potentiel de migration nordique limité, les érables se retrouvent menacés par les changements climatiques. Pour assurer l’avenir des érablières, il faudra miser sur l’aménagement forestier et augmenter la biodiversité, selon les scientifiques.

En 2018, Unpointcinq s’est intéressé aux impacts des changements climatiques sur les érablières du Québec. Cinq ans plus tard, nous faisons le point avec les spécialistes.

« On commence à voir de plus en plus de menaces pour l’érable, dans toute son aire de distribution, du sud au nord », explique d’emblée Christian Messier, professeur en aménagement forestier et biodiversité à l’Université du Québec en Outaouais et titulaire de la Chaire du Canada sur la résilience des forêts face aux changements globaux. « On a des indications que ces changements auraient des impacts sur la croissance de l’érable et c’est inquiétant. »

Plusieurs études ont montré que « la croissance de l’érable à sucre tend à diminuer depuis 30 à 50 ans », comme on peut le lire dans l’Avis scientifique sur les recommandations d’entaillage souhaitable au Québec dans l’optique d’assurer la durabilité de la production acéricole, dont Christian Messier est l’un des auteurs.

Les causes du déclin sont diverses, mais il semble que les étés plus chauds et les épisodes de sécheresse aient un impact important sur les érables, remarque-t-il. « C’est un arbre très peu tolérant à la sécheresse », précise le chercheur, qui exploite lui-même une érablière.

Les pluies acides, les hivers froids, le faible couvert de neige, le redoux hivernal, la défoliation par les insectes, les gels tardifs et hâtifs et l’envahissement par les vers de terre font aussi partie des causes possibles du déclin de l’érable.

Et la migration vers le nord?

Selon les modèles de projection de la répartition de l’érable à sucre, il n’y aura qu’une très faible progression vers le nord, indique Dominique Gravel, professeur de biologie et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en écologie intégrative à l’Université de Sherbrooke.

L’érable pourra difficilement s’implanter dans les forêts de conifères, où les aiguilles retiennent la neige plus tard en hiver tout en limitant l’ensoleillement pour les jeunes pousses. De plus, le tapis d’aiguilles influence la composition du sol ainsi que les microorganismes présents, ce qui limite l’établissement des semis d’érable à sucre.

C’est à la limite de la forêt tempérée que l’érable devient de plus en plus compétitif face au sapin baumier. « La progression de l’érable se fera à l’intérieur des limites actuelles de son aire de répartition, en remplacement notamment des sapins », dit le professeur.

C’est ce que constate également Sylvain Néron qui, depuis 2007, exploite l’érablière Au sucre d’Or, située à la limite de la distribution de l’espèce, à Saguenay. Des milliers de petits érables sont ainsi en train de pousser sous la canopée. « C’est étonnant, parce que ce n’est pas le cas dans le sud du Québec », note l’acériculteur, qui croit que le Saguenay–Lac-Saint-Jean sera l’une des meilleures régions pour l’érable dans un demi-siècle. Il constate par ailleurs que les hivers sont plus doux et plus courts que dans son jeune temps.

Pour l’instant, il entaille 6 000 érables, mais ce nombre qui va en croissant chaque année nécessite certains aménagements spécifiques, comme la création de puits de lumière afin de dégager les plus jeunes tiges.

Cabane à sucre
Cabane à sucre ©Christian Messier

Des capteurs pour comprendre l’écologie de l’érable

 
 
Pour mieux comprendre comment le climat influence la coulée de l’érable, Sylvain Néron participe à un projet de recherche menée par le professeur Sergio Rossi et son équipe de l’Université du Québec à Chicoutimi.

Ce dernier a installé toute une panoplie d’instruments dans l’érablière afin de la rendre « intelligente ».

« On a placé plusieurs capteurs pour prendre des mesures. Au-delà de la production de sirop, il est nécessaire de comprendre l’écologie de l’érable pour faire face aux changements climatiques », explique Sergio Rossi. 

Capteurs de mesure installés sur l'arbre ©Sergio Rossi
Capteurs de mesure installés sur l'arbre ©Sergio Rossi
Sergio Rossi
Sergio Rossi ©Courtoisie

 

« Par le passé, on étudiait les cernes des arbres pour voir comment l’environnement influençait la croissance de l’érable. Avec les capteurs, on peut désormais avoir des données de rendement en temps réel. »

 Près de 80 % de la sève est récoltée pendant 20 % des jours de récolte, poursuit le chercheur, qui souhaite déterminer les facteurs qui produisent cette coulée et l’impact des changements climatiques sur cette évolution.

D’autres menaces inquiétantes

L’arrivée de nouvelles espèces envahissantes laisse aussi planer un doute sur l’avenir des érables, notamment dans le sud du Québec. Par exemple, le longicorne asiatique, présent au sud de la frontière depuis une trentaine d’années, s’attaque de manière préférentielle à l’érable et pourrait éventuellement s’établir au Québec, d’après Christian Messier, qui ajoute que le froid procure une protection extraordinaire contre les insectes.

Les échanges commerciaux accrus, entre autres avec la Chine, augmentent également les risques qu’un insecte ou une maladie migre au pays, à bord d’une palette de bois, par exemple. « On retrouve plus de 70 espèces d’érables dans le nord de la Chine », dit-il en soulignant que les Chinois n’ont jamais mis en valeur le sirop d’érable bien que leur climat le permettrait. « Les érables québécois n’ont aucune résistance contre les maladies et insectes qui ont évolué là-bas. »

La biodiversité à la rescousse

Que ce soit le manque d’eau, les coups de vent ou encore les insectes ravageurs, il semble qu’une mesure rende les forêts plus résilientes : favoriser la diversité des espèces. « Les espèces compagnes ont de nombreux effets bénéfiques en permettant d’augmenter la résilience de l’érable », fait remarquer Christian Messier.

Ainsi, les chênes, les noyers, les micocouliers et les pins blancs consomment moins d’eau que les érables, plus sensibles à la sécheresse. D’autres espèces comme le tilleul, le bouleau, le peuplier et le caryer haussent le pH du sol, ce qui le rend plus favorable à l’érable à sucre.

La diversité des espèces augmente aussi la diversité des bactéries et microorganismes. « Plus il y a de prédateurs naturels présents, plus il y aura de défense si une épidémie se présente. La diversité est une alliée de la préservation », ajoute Christian Messier.

Dominique Gravel et Sergio Rossi estiment eux aussi que la biodiversité permet de rendre les érablières plus résilientes.

Selon Dominique Gravel, l’aménagement forestier – évolution des techniques de récolte, nouvelles plantations, rôle accru des espèces compagnes, etc. – pourrait jouer un rôle clé dans le maintien des populations d’érables et leur migration vers le nord… si c’est ce que l’on souhaite faire au Québec. Car, conclut-il, « il y a beaucoup de débats pour savoir si on doit accélérer la migration des espèces, dont l’érable ».

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