Les vacances s’en viennent et vous avez envie d’une destination soleil. Au moment d’acheter votre billet d’avion, on vous propose de compenser les émissions de gaz à effet de serre produites par votre vol en plantant des arbres. Est-ce un leurre, ou bien est-il vraiment possible d’annuler l’impact climatique d’un voyage aérien?
Comme rien n’est jamais tout noir ou tout blanc, la réponse se situe dans la zone grise entre le oui et le non. Planter des arbres est, à ce jour, la seule méthode permettant d’agir sur le climat a posteriori. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) affirme en effet que les forêts captent actuellement le quart du CO2 émis par des activités humaines, mais que nous pourrions faire encore mieux en reboisant davantage.
Il ne suffit pas d’imiter L’homme qui plantait des arbres, comme dans le conte imagé de Frédéric Back, pour régler la question des gaz à effet de serre (GES) une fois pour toutes. On ne peut pas remettre les compteurs à zéro en ne misant que sur les crédits carbone compensatoires.
Une compensation en différé
Les arbres sont des puits de carbone : ils le captent naturellement et l’emprisonnent pendant des années. Ce faisant, ils réduisent la quantité de GES présents dans l’atmosphère. « Cette compensation carbone ne se fait pas instantanément », prévient toutefois Claude Villeneuve, titulaire de la Chaire en éco-conseil de l’Université du Québec à Chicoutimi et instigateur du projet Carbone boréal, qui allie compensation carbone et recherche scientifique.
«Durant leurs premières années de croissance, les épinettes noires que nous plantons dans le nord du Québec ne séquestrent pas de carbone. D’après la littérature scientifique, il faut attendre 23 ans avant que l’arbre capture du CO2», précise le chercheur. Il ajoute que, pour que le stockage des molécules de CO2 par les épinettes ait un effet sur le climat, « il faut que les arbres les gardent 100 ans. On efface donc les retombées positives de la compensation carbone si une compagnie forestière vient faire une coupe avant ça ».
Choisir ses crédits carbone
Un citoyen engagé qui désire compenser les émissions de GES de son vol d’avion peut avoir de la difficulté à s’y retrouver. Au Québec, aucun critère n’encadre les pratiques des entreprises de compensation carbone. Il existe plusieurs labels, mais seul celui des Nations unies s’impose comme une référence dans le monde.
« La première chose à faire pour l’acheteur est de s’assurer de l’unicité des arbres qu’il plante, que chaque arbre n’est attribué qu’à une seule personne. Dans une entreprise transparente, c’est facile à vérifier puisque tous les arbres sont consignés dans un registre », signale Claude Villeneuve. Ce registre devrait être validé régulièrement par une tierce partie.
Comment choisir où planter son arbre entre la forêt boréale et la forêt amazonienne? Professeur au Département des sciences de la décision et titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie à HEC Montréal, Pierre-Olivier Pineau pense que les deux options sont à considérer : « Au Québec, on a la possibilité de suivre son arbre. Par contre, en Amérique du Sud, on préserve des forêts bien plus vulnérables à la déforestation. »
Une entreprise de compensation carbone fiable devrait aussi faire tous ses calculs de façon conservatrice. « En ajustant nos chiffres au pire scénario, on s’assure de ne pas gonfler artificiellement la compensation pour rester le plus réaliste possible », explique Claude Villeneuve.
On pardonne tout et on recommence?
Si elle est bénéfique à plus ou moins long terme, la compensation carbone ne devrait pas être une façon de se dédouaner de consommer et donc d’émettre des GES. Pierre-Olivier Pineau fait l’analogie entre la compensation carbone et la demande de pardon : « C’est ce qu’on enseigne aux enfants. Lorsque je fais quelque chose de répréhensible et que je me rends compte de mon erreur, je vais m’excuser. Le fait de m’excuser ne me donne toutefois pas le privilège de recommencer! »
Le professeur nous met en garde : avant de mettre tous nos œufs dans le même panier et de ne miser que sur la compensation carbone, « la priorité doit rester de diminuer nos émissions de GES. La plantation d’arbres est une bonne initiative individuelle et locale, mais elle n’est pas suffisante à grande échelle ».