Je vous ai déjà parlé des aspects symboliques et affectifs de l’automobile qui peuvent influencer nos décisions quant à la possession d’une voiture, au choix du modèle et même à celui de l’utiliser pour nos déplacements quotidiens. Je dis « nous », mais des études ont démontré que ces facteurs n’ont pas la même valeur pour tout le monde! Nous avons tous des préférences, des croyances et des valeurs qui influencent notre relation avec l’automobile.
À l’instar des six profils climatiques des Québécoises et Québécois du Baromètre de l’action climatique 2020 existe-t-il aussi des profils types de mobilité au sein de la population? Des profils qui nous permettraient de mieux comprendre nos rapports à l’automobile, et aussi aux autres modes de transport. Des profils qui nous informeraient aussi sur notre intention de réduire, ou non, l’utilisation de la bagnole, sur les freins que nous percevons à l’adoption du vélo, de la marche et du transport collectif (TC). Ça nous permettrait même de déterminer le type d’arguments qui serait le plus susceptible de nous convaincre de délaisser notre auto!
Au moment d’écrire ces lignes, une telle segmentation n’a pas encore été réalisée au Québec, mais des études menées en Europe et aux États-Unis ont permis d’établir quelques profils types de mobilité qu’on pourrait bien trouver chez nous. Je vous en présente six, dans lesquels, je suis pas mal sûr, beaucoup se reconnaîtront.
Commençons par les amoureux de la voiture. La marque et le modèle de leur char est une façon d’exprimer leur personnalité. Ils n’ont aucune intention de moins l’utiliser, pensent que tous devraient pouvoir conduire partout et sans contraintes et considèrent qu’il n’y a pas de solutions de rechange réalistes à l’automobile. Ils perçoivent très négativement autant le vélo que les transports en commun, et de leur point de vue, l’enjeu des changements climatiques est exagéré. Mon petit doigt me dit toutefois qu’ils ne sont probablement pas en train de lire ce billet.
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Le deuxième profil est celui des automobilistes mécontents. Conduire peut leur paraître plaisant parfois, mais dans leurs trajets réguliers, c’est stressant, et la congestion les énerve passablement. La voiture est par contre un moindre mal, parce que les TC ne sont tout simplement pas une option pour eux : ils les jugent plus contraignants et moins rapides que l’auto. Ils aimeraient bien avoir accès à un meilleur service de TC pour moins conduire, d’autant plus que le vélo ne les intéresse pas et que les distances sont trop grandes pour marcher.
On trouve ensuite les aspirants multimodaux. Ces personnes-là sont très conscientes des enjeux environnementaux et aimeraient beaucoup pouvoir moins utiliser leur voiture pour réduire leur empreinte carbone et leurs frais de transport. Malheureusement, bien qu’elles les apprécient généralement, les TC restent moins rapides que l’auto et ne constituent donc pas toujours une option valable. Elles aimeraient bien utiliser davantage la marche et le vélo, notamment pour les bénéfices sur la santé, mais les distances à parcourir et l’hiver ne rendent pas ça facile. Elles seraient par contre très ouvertes à covoiturer davantage.
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Pour les pratico-pratiques, l’auto n’est pas très commode en ville, et ils ne vont l’utiliser que si c’est vraiment indispensable. Leur mode de déplacement principal, c’est le vélo, qu’ils trouvent plus rapide et efficace que les transports en commun. Ils sont conscients des enjeux climatiques, mais ce n’est pas ce qui les motive dans leur choix de mode de transport.
Les dépendants du TC aspirants automobilistes, comme leur nom l’indique, se sentent, eux, présentement coincés et obligés d’utiliser les TC plus ou moins performants pour leurs déplacements. Ils en voient tous les défauts et aimeraient beaucoup avoir les moyens de s’acheter une voiture puisqu’ils pensent que celle-ci leur permettra d’être plus libres et d’exprimer qu’ils ont réussi dans la vie. Conscients des enjeux environnementaux, ils croient toutefois que ce n’est pas à eux de faire des efforts.
Finalement, les libres sans voiture se sentent très concernés par les enjeux climatiques et ils savent bien que la voiture est au cœur du problème. Ils préfèrent ne pas en avoir, de toute façon, car c’est un mauvais investissement. Être membre d’un service d’autopartage leur convient mieux. Très multimodaux, ils voient des avantages autant dans les modes actifs que collectifs et font beaucoup d’actions pour réduire les impacts de leurs déplacements.
Ces six profils sont un mélange de résultats d’études européennes et américaines, et il est possible qu’une segmentation 100 % québécoise soit légèrement différente. La bonne nouvelle : un projet de profilage exploratoire vient tout juste d’être lancé par le Chantier auto-solo, une équipe de recherche multidisciplinaire, à laquelle participe une autre blogueuse d’Unpointcinq. En déterminant ces profils, on espère ainsi mieux cibler les stratégies pour soutenir les Québécoises et les Québécois dans leur transition vers des habitudes de mobilité plus durable. Ce qui nous permettrait de réduire collectivement notre dépendance à l’automobile!
Le Chantier auto-solo réunit des spécialistes du milieu universitaire et des acteurs de terrain qui s’intéressent à la dépendance collective à l’automobile. Les membres du Chantier cherchent à mieux comprendre les facteurs psychosociaux impliqués dans la relation que les Québécoises et les Québécois entretiennent avec leur voiture, à regrouper les connaissances sur le sujet et à les diffuser afin de favoriser la mise en œuvre de stratégies encourageant l’adoption de comportements plus durables en mobilité.