Le couple PIB et GES au bord de la rupture!

PIB et GES, finalement incompatibles.
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PIB et GES, finalement incompatibles. ©Shutterstock/Anton Vierietin
Created with Lunacy 4 min

18 janvier 2023 - François Delorme, Consultant et professeur d'économie

Les livres de psycho-pop n’arrêtent pas de nous le marteler : statistiquement, au bout de sept ans, les couples ont tendance à se remettre en question. Et si l’amour avait laissé place à une profonde affection? On se connaît par cœur, ce qui est un sentiment à la fois rassurant et effrayant. En bref, les deux tourtereaux, appelons-les Roméo et Juliette, sont malheureusement et tranquillement devenus étrangers.

Maintenant, remplacez « Roméo » par « PIB » et « Juliette » par « émissions de GES ».

Dans le passé, le produit intérieur brut (PIB) et les émissions de gaz à effet de serre (GES) ont toujours été très proches, presque une relation fusionnelle, comme le montre le graphique ci-dessous, où les deux courbes se suivent de très près. Tout le contraire d’une saine relation de couple! Dans cette perspective, un « couplage parfait » ferait en sorte qu’à chaque hausse de PIB de 1 %, les émissions de GES augmenteraient de 1 %.

Graphique Croissance annuelle du PIB et des émissions de CO2 — Canada

Source : Statistique Canada, tableau 36-10-0222-01 et Environnement et changement climatique Canada. Inventaire officiel des gaz à effet de serre du Canada.

Dans le contexte de la lutte aux changements climatiques, on veut plutôt que chaque dollar de production de PIB émette de moins en moins de GES. Si chacune des hausses de PIB de 1 % engendrait une augmentation des GES de, disons, 0,5 %, on aurait ce qu’on appelle un « découplage ».

Cette notion de découplage représente les fondements du développement durable.

Croissance + protection de l’environnement

Le fameux concept de développement durable (et de sa sœur jumelle, la croissance verte) a émergé au milieu du 20e siècle en réponse aux problèmes écologiques et sociaux croissants qui ont résulté de l’industrialisation et de la croissance économique rapide. Il a été formulé par les scientifiques qui ont alerté sur les conséquences néfastes de l’exploitation des ressources naturelles et de la pollution sur l’environnement et la société (le célèbre rapport Meadows intitulé « Les limites de la croissance » publié en 1972 par le Club de Rome).

Le développement durable vise à assurer une croissance économique durable tout en protégeant l’environnement et en prenant en compte les besoins des générations actuelles et futures. Il met l’accent sur la difficile nécessité de trouver un équilibre entre les objectifs économiques, sociaux et environnementaux afin de garantir un avenir durable pour tous.

Le concept a ensuite été popularisé par la publication, en 1987, du rapport Brundtland, intitulé « Notre avenir à tous », qui a été présenté à l’Assemblée générale des Nations unies. Depuis lors, le développement durable est devenu un leitmotiv pour les gouvernements, les entreprises et les organisations internationales dans le monde entier.

Ce qui est important de comprendre ici, c’est que le développement durable ne remet pas en question le principe de croissance économique. Au contraire, on suppose que des mécanismes technologiques, comme la captation de carbone, permettront de continuer à produire tout en diminuant l’empreinte carbone. Donc, de découpler! Dans ce contexte particulier, la technologie sert à réduire les émissions de gaz à effet de serre et à protéger l’environnement.

 

Est-ce que ça fonctionne, le découplage?

Au cours des 30 dernières années, parmi les pays en croissance qui ont réussi à diminuer leurs émissions de GES, la réduction a été très timide. Certains pays ont toutefois réussi à se détacher du lot.

Le tableau ci-dessous suggère un fort découplage pour l’Allemagne, la France et les Pays-Bas. Par exemple, depuis 1990, l’Allemagne a augmenté son PIB de 78,9 % tandis que ses émissions de GES ont diminué de 32,8 %. C’est la championne du découplage.

L’Australie et le Canada, deux pays qui carburent aux énergies fossiles, sont dans la catégorie fusionnelle. Sans grande surprise, le Canada, avec sa production de pétrole de gaz naturel, n’arrive pas à découpler. Son PIB a augmenté de 90,6 %, mais ses GES ont crû de 27,6 %. Il y a donc loin de la coupe aux lèvres!

  Variation en % CO2
(1990-2019)
Variation en % PIB réel
(1990- 2019)
Australie 49,7 % 119 %
France -19,6 % 107,8 %
Allemagne -32,8 % 78,9 %
Pays-Bas -5,4 % 98,9 %
États-Unis 2,7 % 83,2 %
Total des 5 -2,2 % 87 %
Canada 27,6 % 90,6 %

Sources : World Resources Institute, et OCDE. Calculs de l’auteur.

Quelles leçons tirer de tout cela?

  • Que depuis 30 ans, en dépit de que nous disent nos politiciens, le développement durable et le découplage à grande échelle demeurent une chimère pour la plupart des pays, à quelques exceptions près, comme l’Allemagne et la France.
  • Que le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) estime qu’il faudrait une baisse annuelle des émissions de GES de 45% d’ici 2030 (5 % par année) pour atteindre la cible de 1,5 °C fixée par l’Accord de Paris. Pourtant, en 2021, les émissions ont augmenté de 6 %!
  • Que le Canada fait figure de cancre. Non seulement il perpétue la relation fusionnelle PIB-GES depuis 30 ans, mais ses émissions ont aussi continué à augmenter en 2021, de 2,1 %.
  • Que sept ans après la ratification de l’Accord de Paris, en 2015, les émissions de GES à l’échelle mondiale sont toujours à la hausse. Il n’est pas surprenant que devant les échecs répétés des États à mettre en œuvre le découplage qui sous-tend le développement durable, plusieurs observateurs se sont tournés vers des positions plus radicales, comme la sobriété ou encore la décroissance. Parmi ces observateurs, et non le moindre, le GIEC, dans son rapport d’avril 2022.

Conclusion

On l’a vu, les politiques de développement durable et de croissance verte n’ont pas permis, jusqu’à maintenant, de relever les défis environnementaux et de nous mettre sur la voie de limiter le réchauffement de la température à 1,5 °C.

  • Néanmoins, si les enjeux soulevés par les tenants de la décroissance sont pertinents, de nombreuses questions demeurent, parmi lesquelles :
    Dans un contexte de sobriété, comment juger de ce qui est nécessaire et de ce qui est superflu?
  • Quelles seraient les répercussions de la décroissance sur les pays du sud et sur les populations vulnérables?
  • Comment instaurer de tels principes à grande échelle, et pas seulement à l’échelle individuelle?

Pour plusieurs, la sobriété ou la décroissance peuvent sembler des idées incisives. Cependant, si nous n’agissons pas très rapidement pour « casser » cette relation « toxique » entre PIB et GES, nous n’aurons d’autre choix que d’inventer un autre couple fusionnel qui, celui-là, serait vertueux puisqu’il conjuguerait une baisse du PIB, automatiquement jumelée avec une baisse des GES.

Comme quoi, les relations fusionnelles ne sont pas toujours malsaines, quoi qu’en disent nos auteurs de psycho-pop préférés.

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