Pour une économie folle de ses forêts

Forêt dans un parc national
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©Shutterstock/Maridav
Created with Lunacy 5 min

19 avril 2023 - François Delorme, Consultant et professeur d'économie

Les forêts couvrent environ 30 % de toutes les terres de notre planète et elles contribuent aux moyens de subsistance de plus d’un cinquième de la population mondiale. Pourtant, selon plusieurs sources scientifiques, nos forêts ont du mal à suivre le rythme des changements climatiques et pourraient ne plus être en mesure de continuer d’assurer les services écosystémiques qui en font des alliées de premier plan pour l’être humain1.

Dans le passé, les forêts étaient gérées sur une base relativement stable en matière de climat et de sol, mais ce n’est plus le cas à l’ère des changements climatiques2. À mesure que ceux-ci progressent, ils modifient la répartition des forêts mondiales, même si ce ne sont pas toutes les espèces qui seront négativement touchées3.

Les forêts, nos alliées, nos amies…

L’un des résultats les plus intéressants de la COP26, à Glasgow, a été la reconnaissance du rôle des forêts comme mécanisme d’équilibre entre les émissions de gaz à effet de serre (GES) de source humaine et la captation naturelle du dioxyde de carbone CO2 par les écosystèmes naturels (les fameux « puits de carbone »). De fait, cette captation de CO2 par la nature est stratégique pour la réduction des émissions de GES, car elle pourrait contribuer jusqu’à 40 % des réductions nécessaires pour limiter la hausse de température « bien en dessous de 2°C » d’ici 2100, conformément aux cibles de l’Accord de Paris4.

En outre, on reconnaît de plus en plus l’influence positive de la nature, des espaces verts et des forêts en particulier, sur la santé mentale et physique. Par exemple, on dispose de bonnes études scientifiques selon lesquelles les gens qui ont un nombre assez élevé d’arbres urbains près de chez eux évaluent leur état de santé comme significativement meilleur et souffrent nettement moins de maladies, comme l’hypertension ou le diabète5.

… mais aussi des victimes des changements climatiques

Il est vrai qu’une forêt exploitée, lorsqu’elle repousse, est généralement considérée comme un puits de carbone, les jeunes arbres absorbant plus activement le CO2 dont ils se servent pour leur croissance.

Pour certaines forêts, cependant, ce n’est malheureusement plus le cas. Par exemple, plusieurs études concluent maintenant que la quantité de carbone libérée par une forêt tropicale surexploitée reste, pendant plusieurs années, supérieure à celle absorbée.

Plus près de nous, au Canada, les forêts sont devenues une source nette de carbone depuis 2002, à la suite de feux de forêt et d’épidémies d’insectes.

Graphique montrant les émissions nettes de CO2 des forêts canadiennes

Source : Calculs de l’auteur à partir de Rapport d’inventaire national 1990-2016 : sources et puits de gaz à effet de serre au Canada, figure 6.2, page 190

L’effet « puits », en grande partie le résultat de la plantation et de la croissance de nouveaux arbres, après que les arbres matures ont été abattus, n’est donc pas assez important pour empêcher l’émission nette de CO2. Depuis 2002, ces émissions cumulatives de nos forêts contribuent à environ 11 % de nos émissions totales au Canada en moyenne, une part qui est loin d’être négligeable.

Savoir compter!

Dans le système de comptabilité actuel des émissions de CO2, on suppose qu’une tonne de CO2 émise par les énergies fossiles est équivalente à une tonne provenant des écosystèmes. Cette hypothèse permet à tort de penser que les absorptions provenant de la régénération des forêts compensent une quantité équivalente d’émissions provenant de l’utilisation de combustibles fossiles.

De même, les pratiques actuelles de comptabilisation du carbone ne reconnaissent pas que le carbone perdu des forêts primaires6 n’est pas compensé par la plantation d’arbres. La perte de biodiversité des sols forestiers et des arbres engendrée par un reboisement avec une seule espèce rend l’écosystème plus fragile aux perturbations (feux de forêt, parasites). Cela accroît les risques de libérer plus de carbone que d’en absorber.

Une gestion forestière qui consiste à récolter les arbres matures et à attendre que les jeunes arbres replantés fournissent les mêmes services de captation entraîne une dette de carbone. Cela réduit donc de façon permanente le carbone stocké dans le paysage et augmente le carbone présent dans l’atmosphère.

Les crédits carbone forestiers, la solution?

Les crédits carbone forestiers sont des crédits qui sont émis en échange de la réduction des émissions de GES résultant de la conservation ou de la gestion durable des forêts. Les crédits carbone forestiers sont une forme de mécanisme de compensation carbone, qui permet à une organisation ou à un individu d’acheter des crédits pour compenser les émissions de gaz à effet de serre qu’il produit.

L’industrie de l’aviation, par l’intermédiaire de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), fait grand usage de ce genre de crédits en vue de compenser les émissions du transport aérien. Le programme vise à aider les compagnies aériennes à compenser leurs émissions de carbone en achetant des crédits carbone qui financent des projets de conservation des forêts et de reforestation dans les pays en développement.

Les crédits carbone forestiers de l’OACI sont basés sur la notion de « réduction des émissions évitées », c’est-à-dire qu’ils mesurent la quantité de gaz à effet de serre qui aurait été émise si le projet de conservation des forêts n’avait pas été mis en place. Les crédits sont ensuite vendus aux compagnies aériennes pour compenser leurs émissions de carbone.

Le programme de crédits carbone forestiers de l’OACI est considéré comme un moyen important de réduire les émissions de GES de l’industrie de l’aviation, qui est responsable d’environ 2 % des émissions mondiales de CO2.

Cependant, il a également été critiqué pour être insuffisant pour répondre à la menace du changement climatique et pour ne pas s’attaquer aux causes sous-jacentes des émissions de carbone dans l’industrie de l’aviation. Le danger, ici, est qu’une course effrénée aux crédits de carbone forestier ne limitera en rien l’utilisation des combustibles fossiles et mettra les forêts existantes en péril (lire également l’encadré).

Les forêts au pays du castor

Le gouvernement du Canada fonde une partie importante de sa stratégie de réduction des émissions de GES sur la captation naturelle de CO2.

Cependant, la dépendance du gouvernement à la séquestration du carbone d’origine terrestre dans les engagements climatiques actuels est, d’une part, irréaliste sur le plan des terres disponibles et, d’autre part, irréalisable étant données les tensions sur les droits de la personne (notamment avec les nations autochtones) qu’implique le fait de consacrer des terres principalement à l’élimination du carbone.

Les absorptions terrestres de carbone ne contribuent de manière importante aux efforts d’atténuation que si elles s’accompagnent de réductions rapides et profondes des émissions de combustibles fossiles de toutes les sources. La séquestration doit compléter et non remplacer les réductions d’émissions, dont celles des combustibles fossiles.

En résumé, reboiser pour compenser comporte un problème important puisque reconstruire les stocks de carbone forestier prend du temps, beaucoup de temps, car son œuvre de compensation ne se fait que dans l’avenir.

En revanche, maintenir les importants stocks de carbone des forêts est essentiel pour préserver la biodiversité naturelle nécessaire à notre adaptation aux changements climatiques. Dans ce contexte, les besoins de compensations en matière de crédits carbone forestiers créés par l’OACI risquent de créer des effets rebonds.

Enfin, dans beaucoup de régions du monde (dont le Canada), les forêts sont en train de commencer à émettre du CO2 à cause des changements du climat. C’est un des points de bascule prévus par le GIEC et ça se déroule sous nos yeux.

Il faut donc consacrer plus d’efforts à conserver notre stock de forêts.

Et prendre soin de nos forêts comme de précieux trésors.

Les risques liés aux crédits carbone forestiers

La course aux crédits carbone forestiers peut potentiellement mettre en péril les forêts de plusieurs manières. Tout d’abord, cela peut encourager la création de plantations de monocultures à grande échelle, qui ne sont pas aussi bénéfiques pour l’environnement que les forêts naturelles. Les monocultures peuvent réduire la biodiversité locale, dégrader les sols et nécessiter des quantités importantes d’eau, de pesticides et d’engrais.

En outre, la recherche de crédits carbone peut entraîner une augmentation de l’exploitation forestière à des fins de combustibles biomasse, qui consiste à brûler des matières organiques pour produire de l’électricité. Cela peut entraîner une réduction de la biodiversité et des habitats naturels, ainsi que des émissions de gaz à effet de serre résultant de la combustion de la biomasse. Enfin, la mise en place de mécanismes de crédits carbone forestiers peut parfois se faire au détriment des populations locales qui dépendent de la forêt pour leur subsistance.

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