Belle et maudite renouée

Emploi d’herbicide sur une colonie de renouée invasive
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Emploi d’herbicide sur une colonie de renouée invasive ©Quadra Environnement
Created with Lunacy 4 min

20 mars 2023 - Émélie Bernier, Journaliste de l'Initiative de journalisme local

Autrefois adorée, la renouée japonaise est aujourd’hui considérée comme une espèce nuisible envahissante dans la plupart des pays d’Europe et en Amérique du Nord où elle a été implantée à des fins ornementales. Au Québec, elle donne du fil à retordre à nombre de citoyens, de citoyennes et de municipalités.

Ah, la renouée japonaise! Sacrée plante ornementale de l’année lors d’un concours horticole à la fin du 19e siècle en Angleterre et implantée à cette fin à hue et à dia par la suite, la renouée japonaise fait désormais sacrer tous ceux et celles qui tentent de s’en défaire… dont l’autrice de ces lignes.

Il y a 15 ans, mon amoureux et moi avons, en toute innocence, implanté une « magnifique » haie de renouée japonaise entre la maison voisine et la nôtre. Séduits par ses grandes tiges élégantes à la vitesse de croissance printanière phénoménale, nous ne savions pas dans quelle galère nous venions de nous embarquer de notre plein gré… Tout ça pour un peu d’intimité!

Le spécialiste des plantes envahissantes Claude Lavoie a étudié de long en large la renouée japonaise. Il confirme qu’elle est une plante extrêmement tenace.

« Dans son aire de répartition, elle a des ennemis naturels – des parasites, des champignons, des insectes herbivores – et elle n’est pas envahissante, explique le biologiste et professeur titulaire et directeur à l’École supérieure d’aménagement du territoire et de développement régional de l’Université Laval. On l’a importée en Europe et en Amérique du Nord parce qu’elle n’y avait justement pas d’ennemis naturels. On la considérait comme parfaite parce qu’ainsi, elle restait belle! »

Gaël, le fils de la journaliste marche à côté d'une haie de renouée
Gaël, le fils de la journaliste marche à côté d'une haie de renouée. Ses tiges peuvent atteindre jusqu’à 3 mètres de hauteur ©Émélie Bernier

Une plaie pour la biodiversité

Vivace et coriace, la renouée peut pousser à peu près partout, mais elle a un faible pour le bord des cours d’eau. Les milieux agricoles lui sont particulièrement favorables.

La renouée a pour effet de diminuer considérablement l’espace qui subsiste pour les autres espèces. « En matière de biodiversité végétale, la présence de la renouée, ce n’est pas du tout bon », tranche le chercheur. Or, dans un contexte de dérèglement climatique, la biodiversité est nécessaire pour accroître la résilience face aux événements météorologiques extrêmes. La plante a aussi l’inconvénient d’accentuer l’érosion.

Une partie de la solution réside dans le maintien d’une bande riveraine arbustive suffisamment dense pour tenir tête à l’envahisseuse. Une fois qu’elle est installée, elle est littéralement « indélogeable », selon le chercheur, un brin fataliste, qui estime que les changements climatiques pourraient augmenter l’aire de répartition de la renouée japonaise.

Mais la toute puissante renouée a quand même un talon d’Achille : « Ses graines sont peu résistantes au gel. Comme les fleurs sont produites tardivement, en septembre, les semences, jusqu’à récemment, n’avaient pas le temps d’arriver à maturité, fauchées par le gel… Mais cette donnée change parce que le gel arrive de plus en plus tard », poursuit le spécialiste.

La renouée est implantée le long de la fondation d’un immeuble au centre-ville de Montréal
La renouée est implantée le long de la fondation d’un immeuble au centre-ville de Montréal. Les rhizomes ont progressé sous la couche d’asphalte pour former de nouvelles tiges qui se sont introduites dans les interstices ©Quadra Environnement

À l’attaque

La firme Quadra Environnement est régulièrement mandatée, non seulement par des particuliers et particulières, mais également par des municipalités, pour mettre sur pied un plan d’intervention et tenter de limiter la fulgurance de la propagation de la plante.

Il n’existe malheureusement pas de méthode simple pour se débarrasser de l’indésirable, admet le directeur général de Quadra Environnement, Nicolas Trottier.

« Il y a des moyens chimiques, un herbicide par exemple, et des moyens mécaniques aussi. On peut mettre des bâches, faire de l’arrachage… Ça peut être une combinaison de méthodes. L’important est de ne pas disposer des tiges et des racines dans le compost. La renouée est une matière résiduelle qui doit être acheminée dans un lieu d’enfouissement technique », indique M. Trottier. Chaque fragment de la plante est susceptible d’engendrer une nouvelle colonie.

Dans Charlevoix, Baie-Saint-Paul a fait appel à Quadra. La Ville a dressé un Portrait des changements climatiques et de leurs impacts d’ici 2050 pour le projet Villes vitrines dirigé par la Convention mondiale des maires pour le climat et l’énergie au Canada. L’augmentation de la présence d’espèces exotiques envahissantes, dont la renouée, y figure.

« La démarche avec Quadra s’inscrit dans notre plan d’action. Nous avons reçu le rapport préliminaire qui présente un répertoire et une carte regroupant les colonies de renouée japonaise et leur âge pour notre territoire. La firme propose des pistes de solution pour limiter sa propagation. La prochaine étape est de chiffrer ces actions et d’y aller avec une planification selon un calendrier. Le coût sera probablement un facteur à considérer dans le choix des moyens », indique Luce-Ann Tremblay, directrice des communications et du développement durable de la Ville.

D’ici là, la culture de la plante, qui possède sa propre page sur le site Web de la Ville, est carrément interdite à Baie-Saint-Paul. On conseille sur cette page d’éviter de la cultiver et de la tondre, car les résidus de tonte favoriseront sa dispersion. On recommande également d’arracher les jeunes pousses à la main en les déterrant, d’y aller avec plus de fermeté en creusant des fosses d’un mètre par deux mètres autour des plantes qui n’ont pas atteint un mètre et de la faucher, pour l’affaiblir, trois fois plutôt qu’une par été… et de ne pas abdiquer!

Pour la petite histoire, notre combat contre la renouée n’est pas terminé, mais nous lui servirons sa propre médecine : résilience et acharnement!

Colonie plantée intentionnellement il y a plusieurs années pour servir de haie séparatrice entre deux propriétés
Colonie plantée intentionnellement il y a plusieurs années pour servir de haie séparatrice entre deux propriétés ©Quadra Environnement

Manger l’envahisseuse

Au printemps, les tiges de renouée, au bel éclat rosé, ressemblent à des asperges et sont, tout comme elles, bonnes à manger! Acidulé, son goût rappelle celui de la rhubarbe. Les pousses de renouée japonaise peuvent être dégustées tout simplement cuites à la vapeur, mais aussi transformées en compote, en salsa, en relish, en confiture… Votre gourmandise n’aura sans doute que peu d’impact sur quelque colonie que ce soit, mais il pourrait être drôlement satisfaisant de se faire les dents sur cette délicieuse ennemie!

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