En juillet 2023, cinq lampadaires solaires sont apparus le long d’une piste cyclable à Wickham, un village situé dans le Centre-du-Québec. L’entreprise qui les fabrique, Solidel, souhaite en installer d’autres un peu partout au Québec, mais aussi dans le reste du Canada et aux États-Unis.
Ce n’est pas la question du climat qui a convaincu Wickham d’opter pour des lampadaires solaires afin d’éclairer la piste cyclable qui traverse le parc des Générations, près de l’hôtel de ville. « À la base, c’est plus une question de coûts. Comme ils sont dans un parc, ça réglait notre problème de filage et d’électricien », explique Stéphanie Moulin, secrétaire-réceptionniste pour la municipalité de Wickham, qui était chargée du dossier. « Les prix que [Solidel] nous offrait étaient intéressants aussi », poursuit-elle.
Wickham n’est pas la seule municipalité à essayer les produits de l’entreprise. Laval, Montréal, Sainte-Julie et Sutton en ont commandé quelques exemplaires pour les tester. « Ça fait un an et demi qu’on est en prospection », raconte Samuel Tremblay, copropriétaire de Solidel, une entreprise en démarrage basée à Drummondville. « Quand on contacte les villes et municipalités, leur réponse est souvent : “J’ai testé le solaire et ça ne fonctionnait pas super bien. Tu arrives avec un autre produit, alors convainc-moi qu’il est bon.” »
Vive la technologie!
Samuel Tremblay est convaincu de la fiabilité et de la performance de ses lampadaires solaires, dont les panneaux sont intégrés au poteau (donc placés à la verticale et positionnés aux quatre faces). « Certains lampadaires sur le marché ont un seul panneau placé à l’horizontale, ce qui fait que la neige l’hiver et la poussière s’accumulent plus facilement et que le temps de captage de la lumière est vraiment limité », explique-t-il.
Il faut aussi dire que la technologie du solaire a beaucoup évolué ces dernières années. D’abord, les panneaux accumulent plus d’énergie. Chez Solidel, une seule section (de quatre panneaux) peut cumuler jusqu’à 440 wattheures (Wh), ce qui permet de faire fonctionner le lampadaire jusqu’à sept nuits consécutives sans aucune recharge. Puis, les panneaux sont plus durables, avec une efficacité de 80 % après 25 ans. Quant aux batteries au lithium, elles fonctionnent parfaitement malgré les variations de température qu’on connaît au Québec (de 30°C à 50°C).
Pour une diversification de la production énergétique
L’hydroélectricité qui alimente la majorité de nos réverbères au Québec est une énergie aussi propre que le solaire. Alors, quel est l’intérêt des lampadaires solaires du point de vue du climat? « D’ici 2050, il va falloir réduire considérablement notre consommation d’hydroélectricité », rappelle Samuel Tremblay.
Pour permettre à la province d’atteindre la carboneutralité d’ici 2050, Hydro-Québec soutient en effet que nous devrons entre autres diversifier nos sources d’énergie propre. « Entre 150 et 200 térawattheures (TWh) additionnels : c’est la quantité d’électricité dont le Québec aura besoin pour réussir sa transition énergétique. C’est près de deux fois notre capacité actuelle. Pour y arriver, il faudra produire plus d’électricité propre et mieux la consommer », peut-on lire sur le site Web de la société d’État. Parmi ses recommandations : intégrer plus de solaire et de stockage par batterie dans la production d’énergie au Québec, en complément de l’éolien et de l’hydroélectricité.
Les avantages climatiques des lampadaires solaires
Les lampadaires solaires de Solidel reposent sur des bases autoportantes. Finis, donc, l’enfouissement de câbles électriques et l’installation de poteaux, des travaux qui requièrent une machinerie émettrice de gaz à effet de serre.
L’entreprise a également équipé ses lampadaires solaires de détecteurs de mouvement et d’un système de programmation à distance pour les faire fonctionner au besoin, ce qui permet de réduire au minimum leur consommation d’énergie. « Pour un stationnement municipal, on peut programmer un éclairage avec une intensité à 50 % de 16 h à 19 h et, le reste de la nuit, un éclairage à 10 % d’intensité avec des pointes à 100 % lorsque le détecteur de mouvement est activé », donne en exemple Samuel Tremblay.
Bien sûr, il y a la batterie au lithium à remplacer après environ 15 ans. « On est actuellement en pourparlers avec des organismes de recyclage de batteries au Québec pour être prêt à recycler les batteries de notre clientèle le moment venu », indique Samuel Tremblay. Quant aux panneaux, on considère qu’ils sont recyclables à au moins 90 %. Toutefois, la filière pour les recycler n’est pas encore développée au Québec. En attendant, une étude du Laboratoire national des énergies renouvelables du Colorado avance que les déchets des panneaux (verre, plastique, aluminium, etc.), bien qu’ils soient substantiels, sont moins importants et moins toxiques que ceux qui sont issus des énergies fossiles (cendres de charbon et boues huileuses, par exemple).
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Des mentalités à changer
Sachant très bien que, dans le reste du Canada et aux États-Unis, les énergies utilisées ont un poids carbone plus lourd et coûtent plus cher aux consommatrices et consommateurs, Solidel souhaite percer ces marchés prochainement.
Au Québec, c’est différent. « L’électricité ne coûte pas super cher ici, ce n’est donc pas cet argument qui va convaincre les entreprises privées d’opter pour du solaire », indique Samuel Tremblay. Cependant, les villes ou les municipalités payent pour la location des lampadaires sur les poteaux d’Hydro-Québec en plus de leur consommation d’électricité. « Ça coûte quand même beaucoup de sous, les lampadaires avec Hydro-Québec, alors c’est un pensez-y-bien », confirme Stéphanie Moulin.
Solidel, qui emploie à l’heure actuelle quatre – bientôt cinq – personnes, fait d’ailleurs valoir la facilité et le coût modique de l’installation pour inciter les villes, municipalités, entreprises privées et grandes organisations comme les commissions scolaires à choisir le solaire pour leur éclairage extérieur de nuit. Reste que changer les habitudes est un travail de longue haleine. « Éclairer tout un quartier, les gens ne sont pas tout à fait rendus là. Ils doivent voir que la technologie est efficace pour avoir la même confiance envers le solaire que l’électricité », pense Samuel Tremblay. Il ajoute : « Il y a beaucoup de monde à convaincre : les électriciens, les ingénieurs, les architectes… Mais on fait beaucoup d’éducation et on voit que les choses commencent à changer. »