Des graines plantées il y a quelques années portent leurs fruits. La ville de Québec s’ouvre aux nombreux bienfaits de l’agriculture urbaine, notamment pour le climat.
S’il y a un endroit où l’on ne s’attend pas à trouver des dizaines de bacs surélevés de plantation de légumes, c’est bien au centre commercial Les Galeries de la Capitale, à Québec. Pourtant, depuis la fin mai, une petite oasis de verdure y trône à l’entrée du Cineplex IMAX, près du parc d’attractions Méga Parc. Dans les prochains mois, les magasineurs verront ce potager solidaire livrer ses premières récoltes de concombres, courges, haricots, épinards de Malabar, capucines grimpantes, etc. Ces légumes seront ensuite redistribués à un organisme en sécurité alimentaire de la région de Québec.
Voilà qui en dit long sur la place grandissante de l’agriculture urbaine dans la capitale nationale. « Nous devrions réaliser une cinquantaine de potagers urbains et d’aménagements comestibles en 2022. C’est plus que les 41 projets menés au cours de l’année 2021, qui était pourtant excellente », s’enthousiasme Johann Girault, directeur général des Urbainculteurs, qui cultivent les toits, terrasses et sols de Québec depuis 2009. Le chantier des Galeries de la Capitale porte aussi leur signature.
On sent que la ville est de plus en plus ouverte à ce genre d’initiative. Elle participe financièrement à l’aménagement de jardins partagés, autorise désormais les potagers en façade des maisons et nous soutient depuis 2015 dans l’organisation de la Fête des semences et de l’agriculture urbaine
« C’est surtout l’envergure des projets qui impressionne, enchaîne l’agronome. Des CPE, des établissements scolaires et des CHSLD font appel à nous. » Les Urbainculteurs pilotent en outre Les Jardins du bassin Louise, une ferme urbaine à vocation sociale et pédagogique située dans le Vieux-Port. Démarrée en 2020, cette initiative a « permis de transformer un îlot de chaleur bétonné en un espace végétalisé permettant notamment l’absorption des eaux de pluie et l’augmentation de la biodiversité », lit-on dans le procès-verbal d’une récente réunion du conseil municipal de la Ville de Québec.
Si le GIEC le dit
Il faut dire que la deuxième ville la plus populeuse du Québec fait de l’agriculture urbaine une priorité. Son Plan d’action en agriculture urbaine 2020-2025, adopté sous l’administration de Régis Labeaume, insiste entre autres sur le rôle important des jardins potagers, des petits élevages et des plantes comestibles dans la lutte aux changements climatiques. Parmi les principaux bienfaits pour l’environnement, on y cite la création d’habitats favorables aux pollinisateurs, de même que la réduction des émissions de gaz à effet de serre causées par le transport des aliments.
Lire aussi : Des jardins urbains aux impacts divers
« L’agriculture urbaine est définie comme toute activité agricole pratiquée à l’intérieur du périmètre d’urbanisation. Elle désigne principalement la production de végétaux comestibles et l’élevage de petits animaux à l’intérieur de la ville. Elle s’intéresse aussi à la mise en marché de proximité. »
— Plan d’action en agriculture urbaine 2020-2025 de la Ville de Québec
« On sent que la ville est de plus en plus ouverte à ce genre d’initiative. Elle participe financièrement à l’aménagement de jardins partagés, autorise désormais les potagers en façade des maisons et nous soutient depuis 2015 dans l’organisation de la Fête des semences et de l’agriculture urbaine », illustre Roxanne Plante, coordonnatrice du Réseau d’agriculture urbaine de Québec. Cet événement, qui se tient à la fin de l’hiver, se veut le coup d’envoi annuel de la saison du jardinage. En 2022, 45 conférenciers et exposants y ont traité de sujets liés de près ou de loin au potager.
Dans la province, l’agglomération de Québec est la deuxième ville, après Montréal, à héberger le plus d’entreprises agricoles urbaines, selon le Carrefour de recherche, d’expertise et de transfert en agriculture urbaine (CRETAU), qui soutient l’acquisition de connaissances technico-économiques en agriculture urbaine commerciale. « Les citadins comprennent que ces pratiques comblent plusieurs de leurs besoins. Le dernier rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) est on ne peut plus clair à ce propos : le verdissement de nos villes est synonyme de meilleure qualité de l’air, d’amélioration de la santé mentale et physique, et de réduction de l’insécurité alimentaire », énumère Johann Girault.
Lire aussi : Mange ta ville : les défis de l’agriculture urbaine
Vitesse supérieure
La révolution ne fait toutefois que commencer. Jouer dans la terre demeure encore mystérieux pour bien des Québécois, y compris l’auteur de ces lignes! Le Centre éducatif en agriculture urbaine, un projet lancé l’été dernier, pourrait cependant changer la donne. « L’idée derrière ce pôle d’expertise est de démythifier l’agriculture urbaine auprès du grand public afin de le rendre plus autonome. La programmation se déploiera pendant toute l’année », indique le directeur général des Urbainculteurs, l’organisation retenue pour gérer les activités permanentes du Centre situé sur le site d’ExpoCité, au centre-ville de Québec.
Ce site, situé à proximité du Grand Marché de Québec, accueille aussi un poulailler-école à la place Jean-Béliveau. Tout pour apprendre et s’approvisionner en produits cultivés dans la région. Le printemps dernier, le gouvernement du Québec a en outre acquis les terres des Sœurs de la Charité, à Beauport, pour en faire un parc d’innovation agricole, ou agroparc. « On pourra juger l’arbre à ses fruits […], mais aujourd’hui, on n’a jamais été aussi bien placés pour avoir des fruits extraordinaires sur ce terrain-là », avait alors commenté Bruno Marchand, le maire de Québec.