Glanage sur la Côte-de-Beaupré : une cueillette pas comme les autres

Émilie Tanguay, participante à l’activité de glanage à la Ferme Gagnon, à Château-Richer
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Émilie Tanguay, participante à l’activité de glanage à la Ferme Gagnon, à Château-Richer ©Maxime Bilodeau
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13 septembre 2023 - Maxime Bilodeau, journaliste de l'Initiative de journalisme local

Une nouvelle activité de glanage fait fureur sur la Côte-de-Beaupré, près de Québec. Avec raison : qui ne voudrait pas manger local et frais, réduire sa facture d’épicerie et contribuer à diminuer le gaspillage alimentaire?

L’heure est grave. Des mûres par milliers croupissent dans les champs de Samuel Gagnon, propriétaire de la ferme Gagnon, à Château-Richer. Signe qu’ils sont parvenus à maturité, les petits fruits noirâtres se détachent bien des tiges des plants. Trop bien, même ; il suffit de les secouer un peu pour que plusieurs mûres tombent au sol afin d’y pourrir. Si rien n’est fait, c’est le triste sort qui attend l’ensemble de la récolte dans les prochains jours.

« À cause des pluies abondantes de cet été, nous sommes en retard sur notre calendrier. Il a fallu faire des choix douloureux », relate le maraîcher de 33 ans. Active depuis 1878, l’entreprise familiale fait en effet pousser une trentaine de variétés de produits au cours d’une même saison : asperges, petits fruits, courges… Un rien suffit pour que l’agenda se bouscule et que certaines cultures prennent le pas sur d’autres. Québec a reçu 258 mm de pluie en juillet, soit un peu plus que le record précédent de 256 mm, vieux de 30 ans.

En ce jeudi de la mi-août, Samuel n’est pourtant pas accroupi dans ses rangs de mûriers à rescaper ce qui peut l’être. Il accueille plutôt une vingtaine de curieux venus participer à une activité de cueillette pas comme les autres : le glanage. « Nous récoltons des fruits et des légumes dans les champs des cultivateurs. Sans notre coup de pouce, ces derniers perdraient l’ensemble de leur production », explique Isabelle Martineau, intervenante terrain de ce projet mis sur pied par la MRC de La Côte-de-Beaupré.

Tout le monde ressort gagnant de cette opération de sauvetage in extremis. Une fois glanés, les fruits et légumes sont divisés en trois parts égales. Un tiers devient la propriété des bénévoles qui se sont prêtés au jeu de la corvée. Un autre tiers est réservé au producteur agricole qui a lancé ce cri de détresse. Et le dernier tiers prend la direction de la cellule d’aide alimentaire régionale La tablée 138, qui le redistribue ensuite. « Il s’agit d’une initiative soutenue par la communauté, pour la communauté », résume-t-elle.

Samuel Gagnon, , propriétaire de la Ferme Gagnon
Samuel Gagnon, propriétaire de la Ferme Gagnon ©Maxime Bilodeau

Motivations diverses

Une fois les consignes d’usage données — ramassez les mûres fermes au toucher, faites attention aux épines des ronces —, les glaneurs se dispersent pour se mettre à l’ouvrage. Parmi eux, il y a Nathalie Giroux, résidente de Boischatel, qui cumule plus d’une dizaine de sorties de glanage. « Je fais partie des participants de la première heure, précise-t-elle. Pour moi, c’est une manière de prendre l’air tout en remplissant à peu de coûts le garde-manger d’aliments frais et locaux. »

Plus loin, on retrouve Hélène Caron et Luc Rochon, eux aussi des vétérans de la cueillette. La principale motivation de ce couple de Québec? La lutte au gaspillage alimentaire. « Avec la pénurie de main-d’œuvre [qui occasionne un manque de bras pour la récolte], il se perd plusieurs tonnes d’aliments comestibles dans les champs », déplore-t-elle. Les plaisirs de la table ne sont toutefois pas à négliger. « Elle cuisine des croustades, des pâtisseries, des confitures », dit-il en salivant, alors qu’une fine pluie se met à tomber.

Nathalie Giroux cumule plus d’une dizaine de sorties de glanage
Nathalie Giroux cumule plus d’une dizaine de sorties de glanage ©Maxime Bilodeau

Pour Émilie Tanguay, de L’Ange-Gardien, glaner est aussi un prétexte pour se rapprocher du monde agricole et se réapproprier le territoire. « J’habite la Côte-de-Beaupré, mais jamais je ne m’aventure en marge de la route 138. J’ignorais qu’il y a de si belles terres ici », avoue-t-elle avant de se remettre à la tâche. Juste en face se dessinent l’île d’Orléans et ses quarante-deux mille de choses tranquilles, chantait Félix Leclerc.

Les chiffres de l’an 0 de l’activité, soit l’été 2022, confirment son efficacité : 1,4 tonne de fruits et de légumes a été moissonnée à l’issue de quatre glanages encadrés. Si les statistiques de la première « vraie » saison sont encore à compiler, il y a cependant fort à parier qu’elles iront dans le même sens. « Plus de 100 lb de mûres ont été récoltées cet après-midi, a révélé Isabelle Martineau sur le groupe Facebook Glanage Côte-de-Beaupré à la suite de la visite à la ferme Gagnon. Vous êtes extraordinaires! »

Armée requise

La cueillette dans les champs a beau être le point d’orgue du projet de glanage, elle n’est pas la seule étape. Les aliments récoltés doivent ensuite être transportés et transformés à la cuisine de La tablée 138, à Beaupré. Des tâches moins bucoliques qui, sans surprise, attirent moins les foules. « L’autre jour, à la suite d’un glanage de fraises, j’ai équeuté des petits fruits pendant toute une soirée. Une chance que ma mère m’a prêté main-forte! » raconte Isabelle Martineau en riant.

Pour les producteurs, faire appel à cette main-d’œuvre bénévole est une option de dernier recours. Entre diriger l’entièreté de sa récolte à la poubelle ou en sauver une partie, il n’y a pas photo. « J’ai horreur des pertes, résume Samuel Gagnon. Il vaut mieux transformer ces mûres en produits maison que nous écoulerons à notre kiosque du Grand Marché de Québec que de les voir pourrir sur place. » Preuve que la confiance règne, la ferme Gagnon a accueilli des glaneurs à plusieurs reprises dans les dernières semaines.

N’empêche, il faudrait une armée de glaneurs pour venir chaque fois à bout de la tâche. Malgré plus de trois heures de cueillette intensive, les mûriers de la ferme Gagnon débordent encore de victuailles. Les prochains à se servir sont manifestement les drosophiles à ailes tachetées, un ravageur invasif direct des cultures de petits fruits… « Le glanage devrait exister partout, dans toutes les communautés, pense Isabelle Martineau. C’est un projet où tous sont gagnants. »

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