Le Conseil canadien de la jeunesse pour le développement durable en affaires milite pour que les écoles de gestion préparent mieux les futurs gestionnaires à la portée de leurs décisions, notamment dans un contexte de crise climatique.
Toute la société doit se mobiliser pour faire face aux changements climatiques, y compris le milieu des affaires. Les retombées sociales et environnementales des choix faits et des gestes posés par les différents professionnels de ce secteur ont une influence certaine sur les gaz à effet de serre émis dans l’atmosphère. Que la Caisse de dépôt et placement, qui gère le bas de laine des Québécois, publie annuellement un rapport sur l’investissement durable est un signe des temps qui ne ment pas.
Les étudiants des écoles de gestion du Québec et du Canada sont toutefois peu formés à ces concepts dans le cadre de leur formation. Maxime Lakat en sait quelque chose, lui qui termine cette année un baccalauréat en administration des affaires à la Faculté de gestion Desautels de l’Université McGill. Malgré sa spécialisation en gestion du développement durable, l’étudiant estime ne pas avoir été exposé à certaines notions clés au cours de son parcours universitaire.
« Aucun cours en finance durable n’était offert jusqu’à tout récemment. Même chose pour la mesure d’impact; on ne nous apprend pas qu’il existe des standards de comptabilité alternatifs permettant de mieux apprécier les répercussions d’une entreprise sur la société et l’environnement », explique-t-il. Résultat : les jeunes diplômés et ceux en voie de l’être, comme lui, sont démunis à leur arrivée sur le marché du travail, où ces défis prennent pourtant de plus en plus d’importance.
Les notions de développement durable doivent être des thèmes récurrents en marketing, en comptabilité, en finance, pas juste un à-côté.
Pour en finir avec le statu quo
Avec des collègues dont le profil est semblable au sien ainsi qu’avec 65 organismes, comme des associations étudiantes en gestion, Maxime Lakat a mis sur pied le Conseil canadien de la jeunesse pour le développement durable en affaires. C’était il y a deux ans. Depuis, cette force vive de plus d’un millier d’étudiants de 18 à 35 ans a accouché d’un manifeste de vingt énoncés qui aborde des questions comme les chaînes d’approvisionnement durables, les occasions d’une économie sobre en carbone et même la nécessité de réformer le système fiscal mondial.
Les revendications de ces jeunes leaders de demain, fort nombreuses, convergent toutes vers un seul et unique but : transformer les façons de faire et enseigner les affaires. « Les notions de développement durable doivent être des thèmes récurrents en marketing, en comptabilité, en finance, pas juste un à-côté », affirme Maxime Lakat. À l’heure actuelle, les étudiants n’ont d’autre choix que de se spécialiser par l’entremise de programmes, comme la maîtrise en sciences de la gestion, profil responsabilité sociale et environnementale, de l’École des sciences de la gestion de l’Université du Québec à Montréal.
Lancé en novembre dernier, le manifeste Notre futur, notre affaire, est soutenu par plus de cent organisations de la société civile de même que par 130 dirigeants du milieu des affaires. Parmi eux : Ariane Renaud-Brûlé, Chantal Thiéblin Goffoz et Guy Gervais, qui sont tous trois rattachés à la cellule d’impact d’Anges Québec, un des poids lourds de l’investissement de la province. Grâce aux 230 anges financiers de ce réseau, quelque 113 millions ont été investis dans plus de 150 entreprises québécoises à fort potentiel de croissance depuis 2008.
« La démarche du Conseil est crédible; leur manifeste n’en est pas un parmi tant d’autres. J’ai été tout particulièrement impressionnée par le neuvième énoncé qui plaide pour une allocation plus responsable du capital de la part des investisseurs », souligne Chantal Thiéblin Goffoz, qui est aussi cofondatrice et vice-présidente du fonds d’investissement Divergent Capital. « C’est le genre d’initiative qui pave la voie à un réel changement dans les facultés de gestion », soutient pour sa part Guy Gervais, qui a participé activement à la création d’Anges Québec. Son rêve le plus fou? Voir l’humain être mis davantage au centre des cursus en affaires, qu’il trouve « trop analytiques » dans leur forme actuelle.
Déjà, des changements s’opèrent en ce sens. « Nous avons envoyé notre manifeste à plus de 200 professeurs universitaires à travers le pays. Parmi eux, certains s’en sont inspirés pour bonifier leur cours », raconte Maxime Lakat. Comme quoi la démarche touche bel et bien une corde sensible.