En obtenant la certification carboneutre, la municipalité du canton de Shefford est devenue cheffe de file en la matière au Québec. Et elle est bien décidée à poursuivre sur sa lancée en diminuant à la source ses émissions de gaz à effet de serre (GES).
« L’humain en harmonie avec la nature » est le slogan de la municipalité du canton de Shefford, petite ville de 7300 âmes située près de Granby, en Montérégie. Et depuis mars 2020, elle peut se targuer d’être aussi en harmonie avec le climat puisqu’elle est devenue la première municipalité carboneutre au Québec, c’est-à-dire que tous les GES émis par les activités de l’appareil municipal sont aujourd’hui compensés par du reboisement.
C’est la conseillère municipale Johanne Boisvert qui a eu l’idée de faire appel à une firme de génie-conseil capable d’octroyer cette certification. « Je voyais dans les journaux locaux que des entreprises avaient cette certification carboneutre. Je me suis dit que c’était un bel exemple à suivre. L’administration municipale étant le premier palier du gouvernement, on devait donner l’exemple. »
« Ça allait de soi» , commente le maire Éric Chagnon. Shefford est un secteur résidentiel sans centre-ville avec de grands terrains, des espaces verts et même une montagne.
Pour nous, l’environnement, c’est important. On travaille fort pour la protection de notre couvert forestier, par exemple.
Planter des arbres pour compenser
À l’automne 2019, avec l’accord du conseil municipal, on a donc contacté la firme LCL Environnement, qui a mis au point sa propre certification. La première étape a consisté à dresser un inventaire des émissions de GES issues des activités de la Ville. « On a analysé ce que consomment les véhicules, les équipements techniques de la voirie et du service incendie, les petits équipements comme les tronçonneuses et les génératrices, les bâtiments chauffés au propane, etc. », détaille Luc Baillargeon-Nadeau, géologue et directeur du développement durable chez LCL Environnement, qui a pris en charge le dossier. La procédure est ensuite vérifiée par la Chaire en éco-conseil de l’Université du Québec à Chicoutimi.
Verdict : pour l’année 2019, l’appareil municipal de Shefford a rejeté 171 tonnes d’équivalent CO2, ce qui correspond aux émissions de 18 Québécois en un an. Il faut savoir que Shefford est une petite municipalité sans égouts ni aqueducs ou grandes infrastructures. Elle n’a pas, par exemple, de station d’épuration centralisée; les citoyens gèrent leurs eaux usées par des systèmes de traitement indépendants. C’est ce qui explique ce bilan très bas pour une municipalité.
Pour compenser ses émissions, la firme propose à Shefford de planter 1221 arbres, suivant le principe que ces végétaux capturent le CO2 envoyé dans l’atmosphère. « En collaboration avec le programme Carbone boréal, les plantations se font dans des parcelles contrôlées et protégées dans le nord du Saguenay », précise Luc Baillargeon-Nadeau.
Sainte-Flavie veut elle aussi devenir la première municipalité carboneutre du Québec, en 2022. À la différence de Shefford, la démarche implique ici tout le village situé à 30 km au nord de Rimouski, sur les rives du Saint-Laurent : ses 900 citoyens et citoyennes, ses entreprises et sa mairie sont concernés.
Réduire les émissions à la source
Atténuer les effets de ses émissions en plantant des arbres, c’est bien. Tenter de réduire ses émissions à la source, c’est encore mieux. Voilà pourquoi LCL Environnement a fourni à Shefford de nombreuses recommandations à court, à moyen et à long terme. « On propose par exemple de choisir des véhicules hybrides ou électriques, de préférer un chauffage à l’hydroélectricité plutôt qu’au propane, etc. », décrit Luc Baillargeon-Nadeau.
Avant que la pandémie et le confinement ne viennent modifier les plans, les quelque 30 membres du personnel et du conseil de la municipalité ont aussi suivi une formation d’écoconduite. « En évitant les freinages inutiles, les accélérations brusques ou en abandonnant l’idée de rouler toujours à la même vitesse, même en montée, il est possible d’économiser de 20 % à 30 % d’essence! » explique Luc Baillargeon-Nadeau.
« J’ai trouvé la formation très intéressante et utile, affirme Johanne Boisvert. On s’en parle d’ailleurs encore pendant nos pauses, et j’entends les collègues qui en discutent aussi. »
La certification carboneutre obtenue est valable un an, mais Shefford compte bien la renouveler tous les ans, en ayant chaque fois moins d’arbres à planter pour compenser ses émissions. « Évidemment, l’idée n’est pas de payer pour planter des arbres et de s’arrêter là », explique Éric Chagnon, dont l’objectif est de réduire les émissions à la source le plus possible. Notons que Carbone Boréal demande 28 $ pour compenser une tonne d’équivalent CO2. « C’est sûr que c’est le conseil qui a pris cette décision et on sait que les conseils sont éphémères… ça peut changer à la prochaine élection. Mais je pense que, rendu en 2020, le monde est conscientisé », ajoute le maire, tout en espérant que ceux et celles qui prendront la relève poursuivront le travail.
« L’objectif de toute cette démarche, ce n’est pas d’être parmi les premières ou les premiers et de se péter les bretelles. C’est surtout d’inciter les autres », conclut-il.