Menacée par les changements climatiques, la navigation maritime sur le Saint-Laurent devra s’adapter aux caprices du niveau de l’eau.
Pour prémunir les porte-conteneurs contre la baisse du niveau de l’eau dans le fleuve Saint-Laurent, la meilleure solution serait de draguer un peu plus profondément le chenal de navigation et d’employer un système qui donnerait l’information, en temps réel, de l’espace libre sous la coque des navires, selon Claude Comtois, professeur au département de géographie de l’Université de Montréal.
Les changements climatiques affecteront nombre de variables climatiques qui importent aux transporteurs maritimes : précipitations, neige, température, salinité, etc. Toutefois, ce sont les fluctuations du niveau de l’eau qui dérangeront le plus. « S’il n’y a pas assez d’eau, on doit diminuer la charge des bateaux », indique le professeur Comtois.
Pour chaque centimètre d’eau perdu, les bateaux doivent réduire leur charge de 200 tonnes.
Une étude du consortium Ouranos, à laquelle le professeur Comtois a participé, évaluait les impacts économiques qu’auraient une réduction du débit et une baisse du niveau de l’eau dans le fleuve. La baisse du niveau de l’eau attendue par Ouranos serait causée par une évaporation accrue.
Une panoplie de capteurs
« Parmi toutes les mesures d’adaptation considérées, seuls le dragage du fond et l’utilisation de systèmes informatiques qui indiquent en temps réel le dégagement sous quille se sont révélés économiquement viables », explique le professeur Comtois.
Le système informatique permettrait aux capitaines de connaître en temps réel l’espace dégagé sous la coque.
Ils pourraient ainsi naviguer en toute sécurité, malgré un dégagement sous quille réduit au minimum. Cette méthode permet de profiter de 20 cm supplémentaires sous le bateau par rapport aux exigences d’aujourd’hui. Ce système nécessite toutefois l’installation d’une panoplie de capteurs le long du fleuve.
D’autre part, avec des travaux de dragage mineurs, il serait imaginable d’aller chercher un mètre supplémentaire de dégagement, croit le professeur Comtois. Actuellement, le chenal du Saint-Laurent offre une profondeur dégagée de 11,3 m lorsque le niveau de l’eau est normal. Comme le fond du fleuve est inégal, les travaux consisteraient seulement à aller « étêter » certaines buttes sous-marines afin de garantir aux navires un dégagement plus profond.
Un fleuve sous-utilisé
Au-delà de ce rapport préparé pour Ouranos, le professeur Comtois est un grand défenseur du transport maritime, qu’il considère comme le « transport le plus vert qui existe ».
Un camion qui embarquerait dans un bateau pour aller de Sept-Îles à Montréal verrait non seulement sa consommation de carburant diminuer, mais entraînerait également un impact positif sur la congestion routière, les accidents routiers et la dégradation des routes, ajoute le professeur Comtois.
Selon le chercheur, gonfler le trafic maritime sur le Saint-Laurent est une excellente manière de réduire les émissions de GES associées au transport de marchandises.
Dans ce contexte, approfondir le chenal maritime du Saint-Laurent devient impératif.
Si cette tâche revient aux autorités, le professeur Comtois observe toutefois une importante volonté du côté des transporteurs maritimes : les bateaux sont de plus en plus efficaces et propres. « Comparez les bateaux actuels à ceux d’il y a 15 ans : c’est un véritable saut quantique! »