Un homme et son tracteur

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Hubert Philion, propriétaire des Vergers écologiques Philion, à Hemmingford. © David Kirouac
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14 août 2020 - Maxime Bilodeau, En paix avec ses contradictions

Hubert Philion a entrepris de convertir à l’électricité un vieux tracteur au diesel, chose qui a rarement été tentée auparavant, voire jamais. Portrait d’un agriculteur survolté.

Hubert Philion est branché sur le 220 en permanence. Le propriétaire de cinquième génération des Vergers écologiques Philion, situés à Hemmingford, en Montérégie, ne manque pas une occasion de pratiquer son métier d’agriculteur de manière innovante et plus durable. 

Depuis plus de 15 ans, il produit un audacieux poiré de glace, le Gaia, qui lui a notamment valu l’or en 2014 à la Coupe des Nations, une compétition nationale de vins et alcool du terroir. Plus récemment, il a réduit de près de moitié l’utilisation d’insecticides dans ses vergers grâce à la technique de la confusion sexuelle des papillons ravageurs (qui consiste à les empêcher de trouver des partenaires lors de la période d’accouplement afin de freiner leur reproduction). Il a aussi acquis des scies mécaniques électriques pour émonder ses arbres fruitiers et s’est doté de bornes de recharge pour accommoder les visiteurs qui ont des voitures électriques.

Les produits de la ferme, dont le Gaia, qui lui a notamment valu l’or en 2014 à la Coupe des Nations, une compétition nationale de vins et alcool du terroir.

C’est d’ailleurs l’installation de ces bornes, il y a cinq ans, qui a précipité son projet actuel, qui consiste à convertir à l’électricité un tracteur diesel des années 1990 acheté à l’encan pour 3500 $. « Je brûle plus d’un millier de litres de carburant par an pour entretenir mes vignes et vergers. C’est à la fois ruineux et polluant », constate l’agriculteur. En outre, il n’y a pas de tracteurs électriques de ce gabarit offerts sur le marché. « Fendt en propose un de 100 chevaux-vapeur depuis peu, mais il est trop gros pour les vergers. En plus, il se détaille plus de 100 000 $ : ce n’est pas abordable! » souligne-t-il.

Hubert Philion projette de convertir à l’électricité un tracteur diesel des années 1990 acheté à l’encan.

Un défi d’ingénierie

Il n’existe pas de marche à suivre pour électrifier un tracteur; il faut la rédiger. C’est comme un casse-tête de milliers de morceaux à résoudre.

Malgré sa formation d’ingénieur en bioressources et son expérience de 10 ans dans le secteur de la machinerie agricole, Hubert Philion est conscient de l’ampleur de l’entreprise. « Il n’existe pas de marche à suivre pour électrifier un tracteur; il faut la rédiger. C’est comme un casse-tête de milliers de morceaux à résoudre », illustre-t-il.

Pour l’aider à relever ce défi, il a recruté des stagiaires au baccalauréat en génie de l’Université McGill, son alma mater, pour lui donner un coup de pouce. En 2018, un premier duo s’est lancé, puis, en 2019, un second, constitué de Stéphanie Greenough et Connie Lafferty, aujourd’hui étudiantes à la maîtrise en génie des bioressources. « Nos prédécesseurs s’étaient penchés sur les enjeux théoriques d’une telle conversion. Nous avons commencé à désassembler le tracteur pour faire de la place à un moteur électrique et à des batteries », raconte Stéphanie Greenough. Plus simple à dire qu’à faire : ce genre d’opération demande de repenser la structure de l’engin et de revoir l’installation de diverses composantes comme le système de servodirection.

Les deux ingénieures en devenir n’étaient pas laissées à elles-mêmes. Hubert Philion les a accompagnées tout au long de leur stage qui s’est conclu en décembre dernier. Preuve qu’elles n’ont pas chômé : leur projet de fin d’études a été primé par la Société canadienne de génie agroalimentaire et de bioingénierie, dans la catégorie premier cycle. « Hubert a été le mentor parfait : il avait les deux mains dans le cambouis avec nous. Il parle la même langue que nous et partage les mêmes valeurs environnementales », témoigne Stéphanie. 

Femmes de génie

Je veux favoriser l’épanouissement des femmes en génie et briser un statu quo qui prévaut depuis mon propre passage sur les bancs d’école. 

À l’heure actuelle, le tracteur est désassemblé à 85 % et il reste de nombreuses questions à élucider, entre autres la quantité de batteries au lithium-ion nécessaires, leur alignement et leur provenance. Hubert Philion compte sur l’apport d’autres étudiantes – oui, au féminin – pour trouver des solutions à ces problèmes. « J’ai décidé que je ne ferais appel qu’à des étudiantes à l’avenir. Je veux ainsi favoriser l’épanouissement des femmes en génie et briser un statu quo qui prévaut depuis mon propre passage sur les bancs d’école », explique-t-il. Le projet est d’ailleurs baptisé Elle-Ectrac pour tenir compte de cette particularité.

Le milieu du génie est encore assez masculin. Seulement 15 % des 65 000 membres de l’Ordre des ingénieurs du Québec sont des femmes et, chaque année, celles-ci ne constituent que 20 % des inscriptions dans les programmes universitaires en génie. Bref, on peut faire mieux.

Hubert Philion souhaite aussi favoriser l’électrification des tracteurs au Québec en faisant partager son expérience. « On prolongerait ainsi la vie de nombreuses machines agricoles dont les composantes mécaniques sont encore en bon état. Ce serait aussi bénéfique pour les collectivités, qui n’auraient plus à subir la pollution sonore générée par ces tracteurs et qui pourraient se nourrir d’aliments non contaminés par leurs émissions nocives », lance-t-il avec enthousiasme. Un homme allumé, quoi.

Crédit photos : David Kirouac