Une entreprise de Sherbrooke a développé une technologie de panneaux solaires qui produit cinq fois plus d’énergie que les panneaux photovoltaïques standards. Son secret : produire de la chaleur industrielle plutôt que de l’électricité.
Miser sur la chaleur
« Au lieu de produire de l’électricité, on produit de la chaleur », explique Jacques-Alexandre Fortin, vice-président de Rackam. Lancée en 2009, l’entreprise compte aujourd’hui 25 employés et a réalisé 12 projets dans 7 pays (Canada, États-Unis, Grèce, Maroc, Brésil, Espagne, Portugal). « Comme c’est plus facile de convertir l’énergie du soleil en chaleur qu’en électricité, on convertit environ 60 % de l’énergie du soleil en chaleur, alors que le photovoltaïque en produit 12 % sur une même surface », poursuit Jacques-Alexandre Fortin. Alors que le marché photovoltaïque est à son apogée, estime l’entrepreneur, la prochaine grande vague de croissance de l’énergie solaire se fera sous forme de chaleur. « L’énergie électrique, c’est une énergie de grande valeur, dit-il. On a toujours besoin d’énergie électrique, mais la chaleur représente 70 % de l’énergie consommée. » L’énergie solaire thermique doit toutefois être utilisée en complément avec un autre type d’énergie. « On ne peut jamais remplacer la production de chaleur à 100 %, car on ne contrôle pas le soleil », note le vice-président.En utilisant la chaleur solaire pour les procédés industriels, la technologie de Rackam permet de réduire directement la consommation de gaz naturel, de diesel, de mazout et de charbon, car c’est ce type de carburant qui est utilisé dans les industries pour produire de la chaleur. « L’économie générée par notre technologie est directement liée à la valeur de l’énergie que l’on remplace », soutient Jacques-Alexandre Fortin.
Le faible prix du gaz naturel est donc une barrière à l’adoption de la technologie développée par Rackam. « Au Québec, on n’aurait jamais pu faire nos projets sans subventions », admet ce dernier.
Ces subventions, offertes par Québec, Gaz Métro et d’autres partenaires industriels, ont d’ailleurs permis à l’entreprise sherbrookoise de lancer quatre projets de démonstration au Québec. En plus du parc solaire chez Cascades, Rackam a installé des panneaux solaires thermiques à la laiterie Chagnon de Waterloo, chez CanmetÉNERGIE à Varennes, et à l’aluminerie Alouette de Sept-Îles. Au total, ces trois projets ont permis de réduire la consommation de 37 000 mètres cubes de gaz naturel par an.
Briller hors Québec
À plusieurs endroits sur la planète, l’énergie coûte beaucoup plus cher qu’au Québec et le soleil est aussi beaucoup plus puissant. C’est pourquoi Rackam a réalisé huit projets aux États-Unis, en Europe, en Afrique et au Brésil. Et c’est ce dernier projet, le plus gros jamais réalisé par l’entreprise, qui rend Jacques-Alexandre Fortin le plus fier. « C’est 12 000 mètres carrés de capteurs, 5,5 mégawatts d’énergie thermique et 500 kilowatts d’énergie électrique avec un stockage de trois heures, pour faire sécher du tabac », dit-il.
Grâce à ses projets de démonstrations et à ses installations d’envergure aux quatre coins de la planète, l’entreprise québécoise a réussi à se démarquer sur la scène internationale. Ce faisant, elle a découvert des niches de marché fort intéressantes pour le Québec.
Selon Jacques-Alexandre Fortin, le traitement des boues municipales représente le cheval de bataille à exploiter dans la belle province. « Quand on traite la boue, on réduit son contenu en eau, ce qui réduit le poids du matériel et le coût du transport vers un site d’enfouissement, dit-il. On crée alors une valeur ajoutée plus importante que l’énergie qu’on remplace. » Après avoir implanté cette solution pour la première fois dans la ville de Surprise, en Arizona, l’entreprise pourrait déployer un premier projet du genre au Québec le printemps prochain.
Les entrepreneurs misent aussi sur une pompe à chaleur ultra efficace qui permet de produire 80 unités thermiques pour chaque unité d’énergie électrique utilisée. « Cette technologie permet non seulement de produire de la chaleur pour les procédés industriels, mais aussi de faire de la climatisation. Une solution idéale pour les laiteries ou les brasseries », ajoute l’ingénieur, qui croit aussi au potentiel de développement des panneaux solaires thermiques dans les communautés non desservies par Hydro-Québec.
L’engouement pour la technologie de Rackam est si grand que l’entreprise compte réaliser une trentaine de projets d’envergure au cours des cinq prochaines années.