Mon expérience GIEC : un chercheur québécois raconte

Alejandro Di Luca GIEC
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Alejandro Di Luca à son bureau. © Nathalie St-Pierre
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Alejandro Di Luca a joué un rôle important au sein du GIEC. Originaire d’Argentine, il réside en plein cœur de Montréal depuis qu’il est devenu professeur au Département des sciences de la Terre et de l’atmosphère de l’UQAM en 2020. Rencontre avec une précieuse source d’information locale sur un sujet mondial!

Le chercheur a écrit un chapitre du rapport du premier groupe de travail qui est sorti l’été dernier, lors du sixième cycle d’évaluation du GIEC. Ce cycle s’achève, puisque le troisième et dernier groupe de travail vient de rendre son rapport tant attendu sur les solutions face aux changements climatiques. À travers l’expérience d’Alejandro Di Luca, qui a accepté de répondre à nos questions, vous allez TOUT comprendre des mécanismes du GIEC, parole d’Unpointcinq.

C’est quoi le GIEC?

C’est le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, un organisme financé par les Nations Unies [NDLR : à hauteur d’un petit budget équivalent à huit millions de dollars canadiens annuellement] qui est chargé d’établir l’état des connaissances sur les changements climatiques depuis 1988. Ces experts proviennent de nombreux pays et écrivent des rapports sur les dernières connaissances concernant les changements climatiques. Il y a aussi quelque chose d’assez exceptionnel… Rien que pour la rédaction du chapitre sur lequel j’ai travaillé, nous étions 15 auteurs de 14 pays différents. Cela pose beaucoup de défis pour les visioconférences : il y a tous les fuseaux horaires qu’on peut imaginer! C’était terrible, j’étais encore en Australie pour mon stage postdoctoral à ce moment et les réunions avaient souvent lieu à 2 h ou 3 h du matin.

Qui sont les gens qui participent au GIEC?

Ce sont des scientifiques, et on essaie de maintenir une grande diversité parmi eux. Une diversité géographique, mais aussi de genre et d’expérience afin d’avoir de jeunes chercheurs qui travaillent avec des seniors.

Pour le rapport du premier groupe de travail, celui auquel j’ai contribué, nous étions 234 auteurs de 66 pays différents. Cela fait environ une quinzaine d’auteurs qui travaillent sur un chapitre du rapport. Je me souviens de la première réunion de mon groupe en Chine, en 2018, c’était au moment de la Coupe du monde de football. Nous étions tous logés ensemble dans un hôtel et c’était spectaculaire. Nous nous retrouvions dans des restaurants et des bars pour regarder les matchs après des journées très fatigantes de travail… et il y avait toujours au moins une personne qui provenait des pays qui jouaient!

C'est quoi le GIEC

Est-ce rémunéré?

Non, ce n’est pas rémunéré, mais les frais de déplacement sont payés pour les quelques réunions où on doit se rencontrer pour travailler ensemble. Toutefois, les universités et les sociétés de recherche gouvernementales comme Environnement Canada soutiennent les chercheurs qui participent aux travaux du GIEC, car c’est très important pour la crédibilité, et ça donne de la visibilité et du prestige. Alors oui, une partie du travail est compté dans mon temps comme professeur, mais il y a aussi beaucoup de temps qui ne l’est pas. C’est un investissement personnel assez important, au moins 15 heures par semaine en moyenne sur trois ans!

C’est quoi un rapport d’évaluation?

Il faut savoir que chaque mot de ce résumé est discuté diplomatiquement entre les pays, même si cela ne peut évidemment pas changer les conclusions du rapport!Alejandro Di Luca, signataire du 6e rapport du GIEC

Les rapports ont lieu environ tous les sept ans, sous forme de cycle. Ils comptent plusieurs milliers de pages et se basent sur des dizaines de milliers d’études scientifiques revues par les pairs [voir encadré]. Heureusement, il y a toujours un résumé à l’intention des décideurs qui fait la synthèse du rapport dans un langage accessible au grand public. Mais il faut savoir que chaque mot de ce résumé est discuté diplomatiquement entre les pays, même si cela ne peut évidemment pas changer les conclusions du rapport!

Puisque les changements climatiques, c’est un vaste sujet, il y a trois groupes de travail lors de chaque cycle. Le premier groupe fait l’état complet des connaissances scientifiques, le deuxième regarde quels seront les impacts des changements climatiques dans la société et les écosystèmes, et le troisième cherche à proposer ce qui s’appelle des mitigation measures, soit les mesures qu’on peut prendre pour atténuer l’ampleur des changements climatiques futurs en réduisant les rejets de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, mais aussi en trouvant des solutions pour s’adapter aux impacts inévitables.  

Par où on commence pour écrire un rapport?

La quantité de lecture à faire est assez incroyable : il y a eu 14 000 études scientifiques évaluées dans le rapport auquel j’ai collaboré. Ça fait environ 60 études par personne, qu’il faut lire et comprendre en détail, ça prend pas mal de temps! Pour le rapport auquel j’ai contribué et qui a été publié en août 2021, notre première réunion en Chine a eu lieu en 2018. En gros, le processus de rédaction du rapport a donc duré trois ans.

Que retirez-vous de cette expérience?

C’est vraiment beaucoup de travail! Mais ce que j’ai trouvé très satisfaisant, c’est qu’il s’agissait d’une façon très concrète d’avoir un impact positif dans la société. Écrire un rapport qui, non seulement sera lu par des milliers de personnes, mais qui, en plus, influencera la politique des prochaines décennies pour faire face aux changements climatiques, c’était une source de motivation importante pour moi.

La solide mécanique du GIEC

Le GIEC ne produit pas de nouvelles données, il utilise celles provenant de milliers d’études publiées par des chercheurs partout dans le monde. Il y a deux mécanismes qui lui permettent de s’assurer de la véracité de la science et de la rigueur de ses rapports.

1. La révision par les pairs

La très grande majorité des études ont été révisées par des pairs. Ça signifie que quand un scientifique termine une recherche, il l’envoie à une revue scientifique (comme Nature ou Science). À son tour, la revue l’envoie à deux ou trois scientifiques reconnus dans le domaine pour qu’ils révisent le travail et le commente. L’auteur apporte ensuite les corrections nécessaires. Il peut y avoir de nombreux allers-retours entre les réviseurs et l’auteur, jusqu’à ce que l’étude soit acceptée et publiée… ou refusée pour manque de rigueur scientifique. Tout ce processus peut être partiellement ou totalement anonyme pour garantir l’indépendance.

2. Les commentateurs du rapport

Lorsque les auteurs du GIEC rédigent un rapport, il y a plusieurs ébauches. Il est possible pour des chercheurs et des représentants gouvernementaux de s’inscrire comme commentateur. Ils ont alors accès aux ébauches du rapport sur lesquelles ils peuvent émettre des commentaires. Au total, les auteurs du rapport paru en août 2021 (dont Alejandro Di Luca) ont reçu près de 80 000 commentaires et, après analyse, ont répondu à plus de 78 000 d’entre eux!

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