Écotoxicologie: protéger la nature de l’humain

Originaire du Burkina Faso, Yannick Arnold Nombré est doctorant en écotoxicologie à l’Université du Québec à Montréal. Ses recherches portent principalement sur la santé des moules d’eau douce.
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Originaire du Burkina Faso, Yannick Arnold Nombré est doctorant en écotoxicologie à l’Université du Québec à Montréal. Ses recherches portent principalement sur la santé des moules d’eau douce ©Courtoisie
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03 novembre 2023 - Alexandre Couture, Journaliste

Depuis plus d’un demi-siècle, les groupes écologistes sont en croisade pour préserver la nature. Derrière ce bras de fer éternel entre les militants et le secteur industriel, des scientifiques travaillent pour mesurer les conséquences concrètes de la pollution sur l’environnement. Coup d’oeil sur un domaine en constante évolution, l’écotoxicologie.

En 1962, la biologiste Rachel Carson a publié Printemps silencieux, un livre portant sur les effets dévastateurs des pesticides. Cet ouvrage est considéré par plusieurs comme l’élément fondateur du mouvement écologiste en Occident. Pour une des premières fois, les conséquences néfastes de l’activité anthropique sur l’environnement étaient exposées au grand jour.

Bien de l’eau a coulé sous les ponts depuis ; d’autres scandales écologiques ont fait les manchettes et des mesures plus strictes ont également été mises en place pour mieux encadrer l’activité humaine pouvant nuire à l’environnement. Parallèlement, le métier d’écotoxicologue a vu le jour.

L’écotoxicologie est une science interdisciplinaire qui étudie les effets des polluants chimiques sur les écosystèmes, ainsi que sur les organismes qui y vivent. La mission, simplement résumée, est de surveiller l’environnement, de développer des stratégies de gestion de risques et de communiquer les résultats. Les écotoxicologues peuvent aussi bien travailler pour des entreprises, des services gouvernementaux et des instituts de recherche que des ONG.

« Il est difficile de chiffrer le nombre d’écotoxicologues, étant donné qu’il n’y a pas d’ordre professionnel ni d’études de premier cycle dans le domaine, mais je peux dire catégoriquement que la profession est en croissance, affirme Claude Fortin, codirecteur du Centre de recherche en écotoxicologie du Québec. En 1970, le terme n’existait même pas… Maintenant c’est une expertise en demande. »

Du Burkina Faso à Montréal

Yannick Arnold Nombré n’aurait jamais cru qu’il étudierait un jour les moules d’eau douce québécoise. Originaire de la région de Bobo-Dioulasso au Burkina Faso, le chercheur de 32 ans est doctorant en écotoxicologie à l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Lorsqu’il a posé ses valises au Québec en 2016 pour poursuivre ses études, le choc culturel a été intense, mais pas nécessairement pour les raisons qu’on pourrait croire.

« Mon intégration s’est plutôt bien passée grâce, notamment, à la présence de la famille que j’avais ici ; ils m’ont beaucoup aidé, explique celui qui a obtenu une maîtrise en sciences environnementales à l’UQAM. Le plus difficile a été de m’adapter au système académique, mais aussi, au niveau personnel, de prendre conscience de l’ampleur de la crise écologique. »

Yannick Arnold Nombré s’est toujours senti proche de la nature. Il raconte avec nostalgie des souvenirs d’enfance, comme lorsqu’il pratiquait l’horticulture avec son oncle. Sur les bancs de l’école, l’éducation environnementale était limitée, exception faite de la désertification, phénomène particulièrement dévastateur au Burkina Faso.

« En arrivant au Québec, ma vision a beaucoup changé quand j’ai pris connaissance de toutes les problématiques environnementales, avoue-t-il. C’était très choquant et révoltant, ça m’a presque rendu dépressif. »

Heureusement pour le Burkinabè, le moral s’est amélioré avec le temps, grâce entre autres à son métier. Le doctorant est convaincu qu’il peut faire partie de la solution, une mentalité qui l’aide beaucoup selon ses propres dires.

« Il y a cinq ans, j’écrivais sur mon CV que mon objectif professionnel était de contribuer à la protection et à la restauration de l’environnement, mentionne-t-il. Chaque année, quand je mets mon CV à jour, je vois cet objectif et ça me rassure de savoir que je suis sur la bonne voie professionnelle et personnelle. »

Si tu voyais mon visage en ce moment [rires]. Je me pose beaucoup de questions, notamment si je veux avoir des enfants ou non, admet-il. Je ne sais pas si je suis optimiste, mais je garde quand même espoir. L’espoir, c’est important dans notre monde.

Yannick Arnold Nombré, doctorant en écotoxicologie à l’Université du Québec à Montréal

Mieux protéger les moules

Après ses études à la maîtrise, Yannick Arnold Nombré a fait ses premiers pas sur le marché du travail en effectuant un stage au ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP).

« Le stage portait sur les réglementations des rejets des effluents aquacoles (eaux usées qui s’écoulent des installations d’aquaculture), explique-t-il. Ça m’a formé sur les problématiques de l’aquaculture dans un environnement québécois ; j’ai beaucoup appris. »

De fil en aiguille, le scientifique a amorcé un doctorat en écotoxicologie avec comme sujet principal la santé des moules d’eau douce. Un problème tout aussi niché que passionnant, selon lui.

« J’étudie les effets des pesticides sur les moules d’eau douce, précise-t-il. Les données collectées servent à construire un outil de diagnostic de la santé de ces moules dans les rivières agricoles de la Montérégie. L’objectif final est de mieux protéger ces espèces dans le futur. »

Pour Yannick Arnold Nombré, le temps passé en laboratoire et sur le terrain lui permet d’envisager l’avenir avec espoir. Lorsqu’on le questionne sur son optimisme environnemental, on le sent néanmoins prudent au bout du fil.

« Si tu voyais mon visage en ce moment [rires]. Je me pose beaucoup de questions, notamment si je veux avoir des enfants ou non, admet-il. Je ne sais pas si je suis optimiste, mais je garde quand même espoir. L’espoir, c’est important dans notre monde. »

Entre optimisme et réalisme, une chose est certaine : cette année sera spéciale pour l’écotoxicologue. La raison ? Il retournera en visite au Burkina Faso pour la première fois en sept ans. Beaucoup de temps de qualité en famille l’attend à la maison, un remède temporaire, mais extrêmement efficace aux questionnements existentiels.

Les femmes encore sous-représentées en environnement

Que ce soit en biologie, en intelligence artificielle ou dans le secteur de l’énergie : les femmes occupent une place névralgique dans la lutte aux changements climatiques. Mais leur représentation dans le domaine environnemental est encore un enjeu de taille, rapporte une nouvelle étude. Selon le rapport Portrait des femmes qui exercent un métier ou une profession en environnement, commandé par EnviroCompétences, le comité sectoriel de main-d’oeuvre de l’environnement, seulement 37 % des emplois dans le secteur environnemental sont occupés par des femmes. La présence féminine est particulièrement limitée « sur le terrain », alors qu’un maigre 10 % de ces métiers plus physiques sont pratiqués par des femmes.

Par ailleurs, deux répondantes sur cinq ont l’impression d’être bloquées dans leur progression vers des postes décisionnels, au profit d’hommes moins qualifiés. Parmi les 500 répondantes, 60 % considèrent que davantage de mesures de conciliation travail-vie familiale sont nécessaires afin d’attirer les femmes dans le secteur. En entrevue à Unpointcinq, Louise Hénault-Ethier, directrice du Centre Eau Terre Environnement à l’Institut national de la recherche scientifique, abondait dans le même sens. « Il y a encore un syndrome de plafond de verre, les femmes comptent sur moins de modèles, avait-elle expliqué. Aussi, les femmes ont plus de responsabilités à la maison, malgré les avancements de ce côté. Il y a une charge mentale inégale. »

Les chiffres du rapport montrent néanmoins une avancée positive. La proportion de femmes en environnement par rapport à celle des hommes augmente (un peu plus de 60 % de prédominance masculine en 2021, contre 70 % en 2016). Un « pas dans la bonne direction », selon Dominique Dodier, directrice générale d’EnviroCompétences.

Cet article provient d’un cahier spécial publié par le quotidien Le Devoir, en partenariat avec Unpointcinq.

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