
Et si le Québec plongeait dans le noir pendant 24 heures ? Au vu du récent blackout qui a touché le Portugal et l’Espagne, ce scénario ne relève pas de la science-fiction. Il invite à s’interroger sur les phénomènes météorologiques extrêmes qui ont perturbé notre réseau électrique au cours des dernières années et qui pourraient nous frapper à l’avenir. Serons-nous collectivement prêts ?
Lundi 28 avril 2025, 12 h 33, une coupure d’électricité massive en Espagne et au Portugal prive près de 55 millions de personnes de courant. La cause exacte de cette panne, qui a duré 18 heures dans certaines régions, reste inconnue, mais plusieurs hypothèses ont circulé, dont celle d’une vibration rare induite par l’atmosphère. Les changements climatiques pourraient-ils amplifier les effets des événements météorologiques qui frappent de plein fouet nos infrastructures électriques ?
Si de nombreux épisodes extrêmes ont déjà touché le Québec dans les dernières décennies, la tempête de verglas de 1998 reste encore, à ce jour, la plus marquante, ayant laissé près de cinq millions de personnes sans électricité, en plus d’interrompre la plupart des services essentiels pendant cinq jours.
À l’époque, ils avaient calculé que la quantité de glace entre deux pylônes équivalait au poids de 35 berlines.
Patrick de Bellefeuille, un expert en phénomènes météorologiques extrêmes de Météomédia s’en souvient bien, lui qui a pu constater les dommages causés aux infrastructures lors de sa collaboration avec Hydro-Québec, à l’époque. « Évidemment, le réseau n’était pas fait pour cela. Il pouvait peut-être tenir celui de 3, 4 ou 5 voitures, mais clairement pas 35! »
Plus récemment, la crise du verglas de 2023 a elle aussi entraîné son lot de difficultés avec ses quelques milliers de pannes, ses poteaux remplacés en urgence ainsi que ses dizaines de kilomètres de fils électriques installés. D’après le météorologue, les épisodes de dégel hivernal favorisent la formation de verglas. Et ce n’est pas le seul changement qu’il constate.

Des risques amplifiés par les changements climatiques
À l’heure actuelle, Patrick de Bellefeuille observe une augmentation de la fréquence des événements météorologiques extrêmes, notamment par la prolongation de certaines saisons. Cette intensification se manifeste, entre autres, à travers les phénomènes El Niño et La Niña, qui provoquent respectivement des années exceptionnellement chaudes ou froides.
2023, 2022 et 2021 ont été trois années consécutives de La Niña, mais elles font quand même partie des dix années les plus chaudes jamais enregistrées sur Terre.
Les saisons chaudes, propices aux orages violents, ne sont pas sans risque pour le réseau. L’expert cite notamment l’exemple du derecho qui a frappé les Laurentides en mai 2022, causant de nombreuses pannes de courant après la chute d’arbres sur les lignes électriques.
Devant l’intensité, la durée et la fréquence accrue de ces phénomènes, le météorologue souligne l’importance de s’adapter pour éviter de subir d’importants dommages.

Comment construire la résilience du réseau électrique ?
Du côté des infrastructures électriques, Hydro-Québec entend intégrer les changements climatiques dans son plan 2035.
Ce plan compte cinq grands chantiers relatifs à l’amélioration de la qualité de service, la maîtrise de la végétation (qui cause près de 70 % des pannes), la mise en place de câbles gainés et de poteaux de composite, ainsi que l’enfouissement allégé des fils.
« On a deux grands objectifs : diminuer de 35 % le nombre de pannes d’ici sept à dix ans, et de 30 % le taux de pannes liées à la végétation d’ici 2028. Si on prend 2024, on observe une diminution de 50 % du nombre total d’interruptions de service. » estime Cendrix Bouchard, conseiller stratégique chez Hydro-Québec. Notons que pour cette seule année, 100 000 arbres jugés dangereux ont été coupés, un chiffre largement supérieur aux objectifs fixés, selon les porte-parole.
L’enfouissement des fils, présenté comme une solution avantageuse lors de la Commission Nicolet après la crise de 1998, engendre des coûts et soulève plusieurs enjeux comme une durée de vie inférieure à celle des fils aériens, des impacts sur l’environnement ainsi que des travaux supplémentaires dans les résidences reliées au réseau aérien. L’enfouissement allégé, proposé dans le plan 2035, qui consiste à enterrer les fils sans conduites bétonnées, serait à la fois plus rapide et moins coûteux.
En 2024, 7,4 km de fils ont été enfouis et 700 poteaux de composite ont été installés à Montréal, dans le contexte d’une série de chantiers de modernisation du réseau de la métropole : « on remplace progressivement nos installations à 120 kilovolts par des nouvelles installations de plus grande capacité, à 315 kilovolts. » illustre ainsi Louis-Olivier Batty, conseiller stratégique chez Hydro-Québec.
Les procédures d’urgence
En cas de panne majeure, Hydro-Québec applique plusieurs protocoles d’urgence afin d’identifier rapidement les causes et d’intervenir efficacement, selon un ordre de priorité. Les hôpitaux figurent parmi les premiers services rétablis et bénéficient d’un réseau électrique renforcé, conçu pour faire face aux situations critiques.
L’objectif est de faire en sorte que, si une interruption survient sur la ligne A, on puisse rapidement basculer l’alimentation sur la ligne B, par exemple, lorsque ces deux lignes desservent le même hôpital.

Santé publique : mieux se préparer
Les citoyennes et citoyens gagnent eux aussi à mieux se parer à de telles éventualités. La panne majeure du verglas de 2023, par exemple, a soulevé d’importants enjeux de santé publique. Un rapport publié en octobre 2024, a recensé 173 cas d’intoxication au monoxyde de carbone pendant les jours de coupure, principalement dus à l’usage de barbecues en intérieur et à la mauvaise conservation des aliments.
Le plan de mesures d’urgence et de mobilisation prévu par la direction régionale de santé publique vise à rassembler différents corps de métiers en protection, mais aussi en prévention et promotion de la santé, comme ce fut par exemple le cas pendant le verglas : « Cela a été très rapide. On a constaté qu’on recevait des intoxications au monoxyde de carbone. On a logé la demande à nos partenaires et très rapidement, le service de police, le service d’incendie étaient sur le terrain en train de faire du porte-à-porte et de passer nos messages de santé publique à la population », indique Simon Bilodeau, conseiller-cadre au bureau des mesures d’urgence en santé publique.
Il évoque également l’existence d’une vigie de surveillance de l’état de santé de la population en temps réel, en collaboration avec la ville, les arrondissements et les services communautaires.
Un conseil citoyen a récemment été mis sur pied par la direction régionale de santé publique, dans le but d’intégrer davantage les perspectives citoyennes à la gestion des urgences et à l’adaptation des interventions en contexte d’aléas climatiques ou d’urgences sanitaires.
Ce comité rassemble huit personnes d’âges et d’horizons socio-économiques variés, mobilisées pour discuter des enjeux de santé publique et des défis de communication en matière de prévention.
Se préparer à une panne
- Créez une trousse d’urgence à la maison comme proposé par Hydro Québec ou le Gouvernement du Canada
- Si vous avez un véhicule, pensez à avoir l’essentiel à portée de main (source : CAA)
- La Croix Rouge canadienne offre plusieurs ressources pour se préparer aux urgences, et notamment plusieurs livrets « Se préparer à l’imprévisible » destinés aux enfants, aux jeunes et aux parents.
