Parmi les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) auxquels s’attarde l’investissement durable, l’urgence climatique a la cote. Il faut dire que depuis l’Accord de Paris, adopté en 2015, les inquiétudes des scientifiques à propos des répercussions négatives du réchauffement planétaire ont trouvé écho en finance. De plus, un nombre croissant d’investisseurs manifestent leur intérêt pour ce sujet, ce qui influence les équipes qui conçoivent les produits d’investissement.
Différentes approches
Il existe actuellement plusieurs types de placements axés sur le climat et je m’attends à ce qu’il y en ait de plus en plus. J’aimerais donc vous donner quelques clés de compréhension.
D’abord, il existe plusieurs motivations pour investir en mettant la lutte aux changements climatiques dans son portefeuille. Je les résume en deux grandes catégories :
1. La gestion des risques
Il s’agit de protéger votre capital pour assurer que vous ne perdiez pas votre pécule. Le travail d’analyse consiste à repérer des entreprises ou des projets qui font figure de retardataires en climat et les éviter; à déceler des comportements inquiétants, qui nous permettent de croire que l’entreprise n’aura pas un bel avenir à long terme, ou même pas d’avenir du tout. L’exemple qui vient spontanément en tête : les pétrolières et les gazières. Plusieurs se sont donné l’objectif de devenir « net zéro émission carbone » en 2050. Il revient aux analystes financiers et aux gestionnaires de portefeuille de juger si ces engagements et les plans qui y sont associés portent à la confiance. Pour simplifier, je dirais qu’on parle ici de vieux modèles d’affaires. Climato-actif? Pas tellement, mais c’est déjà un pas dans la bonne direction.
2. La création de valeur
Il s’agit d’aller au-delà de la protection du capital pour déterminer des entreprises ou des projets porteurs qui fourniront des solutions aux défis climatiques tout en offrant de bons rendements. On peut penser, par exemple, aux énergies renouvelables, aux technologies d’efficacité énergétique ou à la capture et au stockage de carbone. On peut aller plus loin et viser des solutions pour décarboner les transports ou la filière agroalimentaire, deux secteurs qui pèsent lourd en gaz à effet de serre (GES), ou encore stimuler l’économie circulaire, qui réduit la pression sur les ressources naturelles. Pour simplifier, je dirais qu’on s’intéresse ici à de nouveaux modèles d’affaires, de nouvelles opportunités. Climato-actif? Potentiellement, oui; tout est question de dosage dans votre portefeuille.
Une fois que nous avons ciblé nos motivations, on peut intervenir sur deux plans :
Avant d’investir
Lors de la sélection des titres qui vont composer le produit d’investissement, on peut choisir des entreprises et des projets qui luttent contre les changements climatiques ou des organisations qui démontrent qu’elles prennent l’urgence climatique au sérieux. Les stratégies qui font du climat un thème central d’investissement vont généralement utiliser, dans le nom du produit, des mots qui nous permettent de les repérer : climat, carbone, fossile, etc. Climato-actif? Oui. Ces stratégies vont au-delà de la gestion du risque. Ici, on vise la création de valeur.
En tant qu’investisseur, vous pouvez influencer les entreprises dont vous êtes actionnaire en votant aux assemblées annuelles, en dialoguant avec le conseil d’administration ou, carrément, en soumettant une proposition d’actionnaire.
Une fois devenu actionnaire
La réalité n’est ni noire ni blanche, avec d’un côté les bons joueurs et de l’autre les mauvais : il y a plusieurs nuances de gris… ou de vert en l’occurrence. En tant qu’investisseur, vous pouvez influencer les entreprises dont vous êtes actionnaire en votant aux assemblées annuelles, en dialoguant avec le conseil d’administration ou, carrément, en soumettant une proposition d’actionnaire. Un exemple : la coalition de 570 investisseurs appelée Climate Action 100+ a sur son radar les 167 entreprises cotées en bourse qui émettent le plus de GES dans le monde, avec qui elle discute de plans de transition. Ainsi, si plusieurs pétrolières se sont engagées à atteindre la cible « zéro émission de GES nette en 2050 », il y a fort à parier que cette coalition y est pour quelque chose. Dans la même veine, il faut souligner l’annonce récente des plus grands producteurs de sables bitumineux du Canada qui forment une alliance sans précédent pour atteindre le même objectif. Climato-actif d’être un actionnaire engagé? Oui, et peu importe les motivations (gestion du risque ou création de la valeur), les améliorations auront un impact positif pour tous. Là encore, c’est une question de dosage dans le portefeuille.
Comment trouver un placement climato-actif
On trouve au Canada des dizaines de produits d’investissement dont l’objectif participe à la lutte aux changements climatiques.
Premièrement, rappelons qu’en matière de finances personnelles, vous pouvez vous faire guider. Votre conseiller financier est là pour ça. Et il en existe au Canada qui possèdent une certification en investissement durable (voir ici).
Deuxièmement, l’Association canadienne pour l’investissement responsable (AIR) présente sur son site Web un « catalogue » qui recense les placements offerts par ses membres. On peut raffiner sa recherche en utilisant des critères comme : énergie renouvelable, solutions/infrastructures hydrauliques, alimentation durable et agriculture.
Vous pouvez aussi y aller par le nom. Le plus souvent, on y trouve des références au climat. Par exemple, sur les plus de 150 produits d’investissement durable disponibles au Canada au moment d’écrire ces lignes :
- 1 porte le nom « obligations environnementales »
- 2 se dénomment « technologies propres » ou « énergie propre »
- 4 emploient l’expression « initiatives climatiques »
- 6 mentionnent « sans énergie fossile »
- 9 sont estampillés « faible en carbone » ou « faible en CO2»
Mais il ne faut pas s’en tenir uniquement au nom, car ils peuvent être accrocheurs. Il faut vous assurer que ces produits répondent à vos attentes en consultant la documentation fournie. Elle permet de comprendre l’objectif de placement du produit et de vérifier s’il correspond à ce que vous souhaitez et évite ce que vous voulez éviter.
Mettre tous ces œufs dans le même panier?
Vous êtes tentés d’allouer l’ensemble de votre épargne à des produits climato-actifs? En matière de placements, plusieurs variables peuvent entrer en jeu et la diversification est de mise. La même règle vaut pour l’investissement durable. Si l’on veut s’inspirer des grands investisseurs institutionnels, on remarquera que les chefs de file adoptent une cible de réduction des GES et une cible d’augmentation de placements dits « verts ». Transition sera le maître-mot des prochaines années.
Puis-je avoir des preuves que mon produit est bel et bien climato-actif?
Ça n’est malheureusement pas possible. Mais gageons que des analyses et des classements verront prochainement le jour. En attendant, la meilleure façon de vérifier, c’est de poser des questions et de demander des preuves. On risque le plus souvent de vous répondre avec un indicateur d’intensité GES (X tonnes d’équivalent CO2/million de dollars investis) qui sera comparé à l’indicateur d’intensité de l’indice boursier de référence. Ça reste un indicateur imparfait qui regarde vers le passé et non vers l’avenir, mais au moins, c’est un début. Voici quelques exemples :
- 10 M$ investis dans le fonds AGF Global Sustainable Growth Equity Fund/ETF contribuent à éviter les émissions de CO2 produites par 120 voitures pendant un an.
- 10 M$ investis dans le Fonds Desjardins SociéTerre Technologies propres contribuent à éviter l’émission de 2700 tonnes d’équivalent CO2, ce qui correspond aux émissions produites par 675 voitures pendant un an.
- 10 M$ investis dans le Fonds Desjardins SociéTerre Obligations environnementales contribuent à éviter l’émission de 1925 tonnes d’équivalent CO2, ce qui correspond aux émissions produites par 481 voitures pendant un an.
L’important, c’est de commencer
Après tout, nous n’avons qu’une seule planète. Dans cette course à la carbosobriété, soit on gagne tous, soit on perd tous. Nous sommes solidaires et partageons tous une part de responsabilité. Alors, je vous encourage à commencer, à poser des questions à votre conseiller financier, à demander qu’une portion de votre épargne s’active pour le climat. Et si les réponses ne vous plaisent pas, optez pour un conseiller certifié.
Bon investissement!