Le 4 juin dernier, j’ai eu un coup de foudre professionnel pour Valériane Champagne St-Arnaud, que j’interviewais dans le cadre de l’événement Plein phare sur les changements de comportement en environnement. Ce midi-discussion était le deuxième d’une série de quatre organisée par le Regroupement national des conseils régionaux de l’environnement du Québec, en partenariat avec la Maison du développement durable et Unpointcinq.
Valériane fait partie de l’équipe scientifique d’Unpointcinq. Elle est chargée de cours à l’Université de Sherbrooke, mère de trois enfants et bientôt chercheuse postdoctorale en communication environnementale à l’Université Laval. Ses dadas : les comportements écoresponsables, la vulgarisation scientifique et la marche en forêt derrière sa maison. Vous comprenez mieux mon girl crush? Je vous livre ici une version condensée de notre échange.
Il y a selon toi cinq grands freins aux changements de comportement en environnement. Peux-tu nous les présenter brièvement?
Le premier, c’est la surcharge d’information. Chaque jour, notre cerveau est exposé à des milliers d’informations qu’il ne peut pas toutes traiter. On doit donc prioriser. Le deuxième, c’est le phénomène de réactance psychologique. Lorsqu’une tentative de persuasion est perçue comme une menace à notre liberté, on a tendance à réagir en rejetant le message.
Plusieurs Québécois sont peu convaincus que leurs gestes individuels feront une différence dans la problématique globale des dérèglements climatiques : ils vivent un sentiment d’impuissance. C’est le troisième frein. L’illusion de l’empreinte négative est le quatrième. Les individus qui estiment faire leur part pour l’environnement en posant un geste écoresponsable peuvent adopter un mauvais comportement, comme si l’un annulait l’autre.
Finalement, malgré les meilleures intentions du monde, les habitudes sont parfois tenaces! Et plus une habitude est fortement ancrée, moins on se sent concerné par les informations portant sur des comportements alternatifs. Notre habitude devient, en quelque sorte, un autre filtre informationnel.
Comment adapter nos stratégies de communication pour contourner ces cinq freins?
Avant même de penser aux stratégies de communication, la question primordiale à se poser est : comment peut-on simplifier l’adoption du comportement qu’on cherche à promouvoir? Le meilleur moyen de « déjouer » le cerveau est de rendre le comportement écoresponsable le plus simple et le plus agréable possible. Moins on a besoin de réfléchir au geste à poser, mieux c’est!
Et lorsqu’on communique, il y a quelques principes de base à respecter. Il faut s’arrimer aux préoccupations concrètes de notre public cible, miser sur un ton positif, montrer que l’action est en marche, préciser clairement les comportements à adopter, fournir des rappels stratégiques et communiquer rapidement les résultats.
On fait beaucoup la promotion des petits gestes, à coup de défi et de palmarès. Tu mets en garde contre ce discours. Pourquoi?
La stratégie du « un pas à la fois » laisse parfois croire qu’un petit geste est suffisant pour compenser nos mauvaises habitudes. Le fameux « Je recycle donc je fais ma part » est une réponse classique. Elle permet de justifier de ne pas adopter des comportements qui ont un impact encore plus significatif sur les dérèglements climatiques, comme la modification de ses habitudes de transport. Le discours devrait s’orienter vers l’idée qu’il n’est pas nécessaire de modifier l’ensemble de ses comportements d’un coup (la progression a bien meilleur goût!), mais qu’il est important de choisir les gestes les plus « payants » possible. Des déplacements légers en carbone et la diminution de la consommation devraient figurer en tête de liste.
Je travaille beaucoup en région. Le zéro déchet n’y est pas encore une mode et le transport en commun y est presque inexistant. Dans ce contexte, que nous recommanderais-tu pour sortir de nos cercles de convaincus?
Il faut faire preuve d’empathie en se mettant à la place du ou des publics qu’on cherche à rejoindre. Quels sont leurs enjeux du quotidien? Quels sujets les animent particulièrement? Les chasseurs ou les pêcheurs n’auront certainement pas les mêmes raisons de s’intéresser à la réduction des gaz à effet de serre que les agriculteurs. Il est aussi important de mettre en valeur les individus qui se démarquent par leur engagement environnemental – sans adopter un mode de vie extrême –, tout simplement pour montrer que c’est possible. C’est en rendant visibles de plus en plus d’individus engagés qu’on finit par créer une norme. Et dès que possible, il faut communiquer les résultats de ces initiatives : il faut montrer que l’impact est réel et positif.
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Pour aller plus loin, je vous conseille de regarder la vidéo de ma discussion avec Valériane. Si vous ne l’avez pas déjà fait, vous pouvez aussi lire mon entrevue avec le communicant Richard Messier, invité du premier midi-discussion de la série Plein phare sur les changements de comportement en environnement. Rendez-vous cet automne pour la suite.